SANS HUMUS : LE DÉSERT !

D’accord, cela semblera évident à tous les pratiquants de la permaculture, mais apparemment la leçon n’a pas été retenue encore par tout le monde.

Il y a de l’autre côté du chemin un voisin, un vieux monsieur qui ayant eu ce qu’on appelle une « attaque » et de ce fait a perdu une partie de ses capacités, ne peut plus trop marcher, ni chasser, ni pêcher. Alors, il jardine, jardine, jardine…  Le jardin, uniquement potager, n’est pas très grand : 80/100m2.. Toutes les semaines, j’entends  le motoculteur qu’il fait passer par un gars qu’il a fait venir pour ça. Et vroum et vroum.. De mon lit, j’imagine toutes ces larves, tous ces bons vieux lombrics, toute cette vie hachée menue et cette pauvre terre sans arrêt retournée, malaxée, violée qui n’en peut mais et qu’il nourrit d’engrais artificiels et arrose peut-être de produits chimiques…* Ce n’est hélas pas un cas unique dans le village.

Conclusion : Croyant se nourrir richement de son œuvre de jardinier, il finit par manger de la m….e, peu goûteuse, déminéralisée, dévitaminée, dévitalisée !

C’est à lui et à tout ceux amateurs ou pros qui ne savent pas ou qui croient bien faire que je dédie cet article qui me semble fondamental pour l’avenir.

Là aussi il faut avancer.

Il faut entretenir l’humus de nos sols

Sans l’humus, le sol devient désertique. Or la plupart des sols agricoles, faute d’humus, s’approchent de la stérilisation. Il est urgent, explique le spécialiste Bernard K. Martin, que l’homme cesse « de considérer les terres agricoles comme des mines à ciel ouvert. »Il faut entretenir l’humus de nos sols

Les humus du sol résultent de la décomposition – recyclage – des matières végétales et animales, sous l’effet des organismes (exemple : microorganismes, invertébrés / vers de terre, etc., vivant dans la terre) qui se nourrissent de ces matières organiques, libérant des nutriments pour les plantes. Humus et argiles « s’associent ». Cet ensemble vivant forme la base de la fertilité et de la durabilité des sols. Le tout constitue aussi le carrefour des cycles de l’eau, de l’azote et du carbone, notamment, localement et sur la Planète.

Sans humus, des déserts

Les humus (principalement du carbone) se présentent sous forme de substances brun foncé, à l’image des particules du terreau noir. Sans humus ni organismes du sol, celui-ci s’érode, se stérilise, devient désertique.

Les vertus des humus sont nombreuses : importants réservoirs nutritifs, ils retiennent aussi l’eau pour les végétaux, ils structurent la terre (ils la rendent grumeleuse), contribuent à la circulation de l’air et de l’eau, favorisent la pénétration des racines, « contrôlent » l’érosion en maintenant la cohésion des particules de terre – grumeaux, par exemple grâce aux réseaux sous-terrains des champignons microscopiques autant que par les racines des plantes.

Les interactions entre sol et humus, végétaux, animaux, atmosphère et climat constituent des paramètres fondamentaux de notre biosphère : carbone, azote, hydrogène et oxygène – dont l’eau – etc., circulent. Ces éléments sont mobiles autour du globe. Mers, océans, eaux douces et atmosphère participent aussi de ces circulations dénommées « cycles biogéochimiques ». Cette mobilité s’effectue entre le vivant dont les sols, la croûte terrestre, les eaux, l’air – et réciproquement. Un héritage de centaines de millions d’années d’évolution sur les continents.

L’approche globale « humus, vie des sols et liens sol – plante – atmosphère – climat » s’avère impérative actuellement, eu égard aux modifications climatiques. Mais aussi pour d’autres raisons : pollutions agrochimiques, excès de labours, risques OGM, transition énergétique, santé publique, érosion et désertification des terres, famines, sécheresses, migrations humaines (une grande partie des migrants s’exile pour cause de désertification des sols et disparition de biodiversité). Il est important d’appliquer ces données agronomiques / pédologiques universellement reconnues par les Académies.

Des techniques existent

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Le ver de terre, un ami de l’humanité

Arbres et autres couverts végétaux ont été reconnus en tant que puits de carbone. Mais sous nos pieds, humus, microorganismes, invertébrés, racines, contiennent aussi beaucoup de carbone : de l’ordre de 100 à 120 tonnes à l’hectare pour une bonne terre. Souvent les terres agricoles voient leur carbone diminuer sous la barre de 50 à 60 tonnes par hectare, pour causes de techniques inadaptées. En d’autres termes, une terre à l’équilibre devrait compter de l’ordre de 4 à 6 % d’humus. Or la plupart des sols agricoles présente un taux au-dessous du seuil limite. Certaines terres encore exploitées montrent un taux de 1.5 %, proche de la stérilisation.

Pourtant des techniques respectueuses des cycles naturels permettent de reconstituer ce stock carboné au sein de la terre, tout en augmentant les récoltes. J’en témoigne dans mon livre avec d’autres observations remarquables concernant l’importance de l’humus, résultats obtenus dans plusieurs pays et régions.

Lorsque Homo Sapiens cessera de considérer les terres agricoles comme des mines à ciel ouvert, lorsqu’il appliquera ces réalités pédologiques / écologiques globales, il sera possible de renforcer les puits de carbone des sols de millions, voire de milliards de tonnes grâce à ces moyens naturels. L’une des clés : optimiser le recyclage des matières végétales, particulièrement des matières ligneuses (pailles, feuilles, tiges, racines, broussailles, branches, cimes, bois, écorces, copeaux, sciure, etc.).

Le marché mondial du carbone permettra-t-il de financer ces activités novatrices ?


Pour aller plus loin

Quelques sources bibliographiques :

- « Le Sol vivant », Pr J.M. Gobat, M. Aragno, W. Matthey. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
- « Introduction à la science du sol », Pr Philippe Duchaufour. Editions Dunod.
- « Eléments d’écologie. Ecologie fondamentale », Pr François Ramade. Editions Dunod.
- « Le sol, la terre et les champs », Dr Claude et Lydia Bourguigon. Editions Sang de la terre.
- « De l’arbre au sol. Les Bois Raméaux Fragmentés (BRF) », E. Asselineau, G. Domenech. Edit. du Rouerg.

De nombreux documents scientifiques disponibles gratuitement sur mes blogs :
Planethumus.com et Agrihumus.com

Bernard K. Martin, ancien député suisse, est consultant en agriculture durable. Il est l’auteur de : Les enjeux internationaux du compostage. Nos ressources alimentaires et en eau. Climat, Editions L’Harmattan, Paris.

SOURCE DE L’ARTICLE :

http://www.reporterre.net/Il-faut-entretenir-l-humus-de-nos-sols


[*NB : Ne croyez pas pour autant que je sois ou ait été une jardinière accomplie… Ce que je sais ou ai compris est purement intellectuel… Je n’ai jamais su faire pousser que des fleurs…]