Dollar : De la lutte économique pour la suprématie au conflit militaire ?
Il est bon d’examiner dans les tempêtes les courants de fond plutôt que l’écume apparente des vagues, aussi impressionnantes soient-elles.
La guerre économique entre le bloc occidental et le bloc eurasien est déjà en cours. Il s’agit de la survie du dollar sur l’impérialisme duquel est basé toute la structure politique et militaire des États-Unis. La collaboration des deux puissances que sont la Russie et la Chine et plus largement les accords qui lient les Brics sont entrain de changer le paysage politique mondial d’une planète contrôlée universellement par le dollar. C’est une évolution majeure.
Nous comprenons ici toute l’importance pour les États-Unis de la vassalisation économique (TAFTA) et politique (OTAN) totale d’une U.E. gérant en sa faveur des membres qui auront abdiqué toute souveraineté et les efforts déployés dans ce sens dans les médias par les chiens de garde.
Washington n’a plus le choix que d’accepter ce nouveau schéma et s’adapter (c’est peu probable dans le contexte actuel d’une influence néo-con active), ou mettre la planète à feu et à sang. Telle est l’analyse peu optimiste de l’article ci-dessous, basée sur le discours d’Obama du 5 août dernier et sur les déclarations des deux puissants conseillers de l’Ombre que sont Bzrezinsky et Kissinger.
Une fois encore il s’agit d’un point de vue, d’une opinion. Elle vous est proposée comme une réflexion, une hypothèse, pas comme un dogme.
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Dans une série d’articles l’écrivain et journaliste Michel Collon s’apprête à examiner les implications d’un étonnant discours d’Obama, prononcé le 5 août et curieusement passé sous silence par les médias alors qu’il met en garde contre de possibles catastrophes.
L’irrésistible déclin des USA
« La diplomatie ou la guerre. Bientôt. » Obama alerte : certains aux USA veulent attaquer l’Iran. D’où risque de conflit mondial impliquant Russie, Chine et Europe. Ceci déstabiliserait le système financier occidental. Que fera le prochain président ?
« Un rejet par le Congrès de l’Accord avec l’Iran ne laisserait à l’administration US (…) qu’une seule option : une nouvelle guerre au Moyen-Orient. » « L’Iran est un pays quatre fois plus grand que l’Irak, et trois fois plus peuplé. » « Le choix auquel nous faisons face est finalement entre la diplomatie et une certaine forme de guerre. Peut-être pas demain, ni dans trois mois, mais bientôt. » « Le système financier US serait forcé de rompre avec la Chine, principal acheteur de notre Dette. »
Au Congrès, le 8 septembre, les républicains bloqueront l’accord avec l’Iran. Mais Obama peine même à rallier certains démocrates. L’élite des États-Unis apparaît très divisée sur la stratégie à adopter. Est-ce nouveau ?
Pas du tout. Cette division est apparue vers 2000. Au départ, un constat commun aux démocrates et aux néoconservateurs : les Etats-Unis sont en déclin. Dans son livre sur la stratégie impériale des Etats-Unis The Grand Chessboard, probablement le plus influent des cinquante dernières années, Zbigniew Brzezinski, ancien responsable de la politique internationale sous Carter, se montrait pessimiste :
« A long terme, la politique globale sera de moins en moins propice à la concentration d’un pouvoir hégémonique dans les mains d’un seul Etat. L’Amérique n’est donc pas seulement la première superpuissance globale, ce sera très probablement la dernière. » (p. 267)
La raison ?
« Le pouvoir économique risque aussi de se disperser. Dans les prochaines années, aucun pays ne sera susceptible d’atteindre 30 % environ du PIB mondial, chiffre que les États-Unis ont maintenu pendant la plus grande partie du 20ème siècle, sans parler de la barre des 50 % qu’ils ont atteinte en 1945. Selon certaines estimations, l’Amérique (…) retomberait à 10-15 % d’ici l’an 2020. » (p. 267-8)
Pour rester la seule superpuissance, Brzezinski proposait donc un « impérialisme intelligent » : diviser les puissances rivales et les empêcher de former un front commun.
Très opposés aux stratégies de Brzezinski, les néocons guidant George W. Bush proposaient par contre une stratégie de guerre généralisée (qui utilisera le 11 septembre comme justification). Cependant, leur plate-forme du Project for a New American Century (PNAC), élaborée entre 1997 et 2000, n’était guère plus optimiste :
« Actuellement, les États-Unis ne rencontrent aucun rival mondial. La grande stratégie de l’Amérique doit viser à préserver et étendre cette position avantageuse aussi longtemps que possible (…) Préserver cette situation stratégique désirable dans laquelle les États-Unis se trouvent maintenant exige des capacités militaires prédominantes au niveau mondial. ».
Analysant ces deux options à la veille de la présidence Obama, nous écrivions en 2008 : « De toute façon, cet Empire ne deviendra pas pacifique. Tôt ou tard, il relancera des guerres à la Bush. Parce qu’en fait, l’élite US pratique un cycle d’alternance entre les deux options… » Huit ans plus tard, allons-nous assister à une nouvelle alternance ? Pour comprendre la situation, nous allons examiner les différentes pièces du puzzle : Chine, Iran, Russie, Europe… (1)
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Quelle était la clé pour que les États-Unis parviennent à se maintenir comme unique superpuissance globale ? Contrôler l’Eurasie est la seule solution, affirma le stratège US Brzezinski dans son ouvrage Le Grand Echiquier (1997).
Washington considère que toutes ces richesses doivent être sous son contrôle.
«L’Eurasie (Europe + Asie) demeure l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale. (…) La façon dont les Etats-Unis “gèrent“ l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. 75% de la population mondiale, la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières, quelque 60% du total mondial.»
«Toute puissance qui le contrôle» : au lieu de laisser les autres nations décider librement de leurs relations commerciales et de l’usage de leurs richesses, Washington considère que toutes ces richesses doivent être sous son contrôle. Logique proprement impérialiste.
Ayant terminé leur carrière, Brzezinski et Kissinger peuvent se permettre un langage brutal, au contraire des responsables actuellement en fonctions.
Démocrates ou républicains, les stratèges US savaient depuis longtemps que la bataille décisive allait se jouer en Asie. Il fallait donc tout mettre en œuvre pour diviser et isoler les puissances de ce continent.
Et Brzezinski pointait Pékin comme danger principal : «La Chine pourrait être le pilier d’une alliance anti-hégémonique Chine – Russie – Iran» De même, l’ancien ministre US des Affaires étrangères Henry Kissinger justifiait ainsi les bombardements contre l’Afghanistan en 2001 :
«Il existe des tendances, soutenues par la Chine et le Japon, à créer une zone de libre échange en Asie. Un bloc asiatique hostile combinant les nations les plus peuplées du monde avec de grandes ressources et certains des pays industriels les plus importants serait incompatible avec l’intérêt national américain. Pour ces raisons, l’Amérique doit maintenir une présence en Asie…»
La vérité sort de la bouche des vieux ! Ayant terminé leur carrière, Brzezinski et Kissinger peuvent se permettre un langage brutal, au contraire des responsables actuellement en fonctions. Eux doivent donc enrober leurs stratégies d’un habillage diplomatique.
Washington veut avoir la capacité de bloquer l’accès de la Chine au pétrole du Moyen-Orient, au gaz de l’Asie centrale, aux minerais et aux ressources agricoles de l’Afrique.
Ce n’était donc pas une surprise de voir l’administration Obama déplacer le centre de gravité de sa politique internationale vers l’Asie, dans une tentative, assez désespérée, pour isoler et affaiblir la Chine. Le politologue Mohamed Hassan a expliqué un des terrains de cette confrontation : «La Chine a un besoin vital de ressources énergétiques. Donc Washington cherche à contrôler ces ressources pour empêcher qu’elles atteignent la Chine.» Aujourd’hui, la bataille pour contrôler les routes de l’Océan indien et les routes terrestres du continent asiatique est décisive : Washington veut avoir la capacité de bloquer l’accès de la Chine au pétrole du Moyen-Orient, au gaz de l’Asie centrale, aux minerais et aux ressources agricoles de l’Afrique. L’Océan Indien est la clé.
Les États-Unis seraient exclus du principal foyer économique et commercial mondial.
Mais aujourd’hui, en 2015, la perspective qui donnait des cauchemars aux stratèges US est en train de se réaliser, et même à grands pas. Avec un solide axe Pékin – Moscou – Téhéran, l’Asie formerait cette grande puissance économique d’un attrait irrésistible pour le Japon, l’Inde, et même l’Europe. Les États-Unis seraient exclus du principal foyer économique et commercial mondial.
La Chine redeviendra-t-elle le centre du monde ? Ce serait le déclin définitif pour l’Empire US. Beaucoup dépendra de la construction de la « Nouvelle Route de la Soie ». (2)
Quand V. Poutine continue de désolidariser l’économie Russe du dollar :
Poutine introduit un projet de loi permettant d’éliminer le dollar des échanges commerciaux
Le président de la Russie, Vladimir Poutine, a introduit mardi un projet de loi qui permettrait d’éliminer le dollar des échanges commerciaux entre les pays de la Communauté des États indépendants (CEI).
Cette loi a notamment pour objectif de créer un marché financier commun entre la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et d’autres pays de l’ancienne URSS.
L’accès direct aux marchés financiers des pays membres et les conditions avantageuses des opérations interbancaires, prévus par le projet, «bénéficiera à l’extension de l’utilisation des monnaies nationales lors de paiements étrangers, en créant des prémisses pour la hausse de liquidité des marchés des monnaies nationales», lit-on dans la communiqué du Kremlin. La loi permettra finalement de faciliter les échanges commerciaux dans la région et aidera à arriver à la stabilité macro-économique.
La possibilité du passage vers les versements en monnaies nationales a déjà été discutée dans le cadre de l’Union économique eurasiatique (UEEA). Conformément au projet de développement des systèmes de paiement des pays de l’UEEA, adopté en décembre 2014, un tel passage est prévu dans le cadre de l’Union vers les années 2025-2030.
Actuellement, près de 50 % des échanges commerciaux en UEEA sont effectués en dollar et en euros.
Le sujet de l’abandon du dollar au profit des « monnaies régionales » a été également abordé entre la Russie et la Chine. En août 2015, cette dernière a lancé un projet pilote dans la ville de Suifenhe, où le rouble et le yuan sont tous deux utilisés en tant que monnaies de circulation, en remplacement du dollar.
Le commerce rouble-yuan a été multiplé par sept par rapport à l’année passée >> http://t.co/4s0xztdgMF pic.twitter.com/hGVlbymyPz
— RT France (@RTenfrancais) 25 Juillet 2015
En 2014, la Banque centrale de la Russie et la Banque populaire de la Chine ont conclu un contrat de swap de devises d’une durée trois ans, pour un montant de 150 milliards de yuans, en favorisant ainsi la coopération économique entre les deux pays. (3)