L’Ukraine : La barbarie est à nos portes
Cet article publié par Les Crises nous montre, s’il en était besoin, que tous les moyens, y compris les pires sont déployés sans aucun souci d’éthique ou de morale politique pour faire basculer ce que nous devons bien appeler la guerre civile ukrainienne. Les insurgés du Donbass devaient faire face aux exactions des commandos nazis du bataillon Azov , ils leur faudra désormais compter aussi avec le fanatisme des jihadistes.
A cause des fous qui gèrent ce conflit, la barbarie est à nos portes.
L’Ukraine voit fusionner nazis et islamistes, par Robert Parry
Source : Consortium News, le 07/07/2015
7 juillet 2015
Exclusif : Le régime post-coup d’état en Ukraine fusionne à présent des escadrons d’assaut néo-nazis avec des militants islamistes – appelés « frères » de l’ultra violent État Islamique – déchaînant un infernal « escadron de la mort » voué à tuer les populations russophones dans l’est de l’Ukraine, sur la frontière russe, d’après Robert Parry.
Par Robert Parry
Dans un récit étonnamment optimiste, Le New York Times relate le ralliement de militants islamistes aux bataillons d’extrême droite et néo-nazis d’Ukraine pour combattre les rebelles russophones dans l’est de l’Ukraine. Il ne semble pas qu’une alliance entre extrémistes violents ne soit trop méprisable pour être fêtée, du moment qu’elle tue des Ruskoffs.
Selon l’article d’Andrew E. Kramer, il y a maintenant trois bataillons islamistes « déployés dans les zones les plus disputées », comme celle entourant la ville portuaire de Marioupol. Un des bataillons est dirigé par l’ancien seigneur de guerre tchétchène connu sous le nom du « Musulman », rapporte Kramer, qui ajoute :
L’insigne du bataillon d’Azov, comportant le symbole néo-nazi du Wolfsangel [le « crochet à loups », NdT].
« Le Tchétchène dirige le groupe Cheikh Mansour, baptisé ainsi d’après une figure de la résistance tchétchène au XVIIIe siècle. Ce groupe est commandé par la milice ukrainienne nationaliste Pravy Sektor [Secteur Droit, NdT]. … Pravy Sektor … fondé l’année précédente à l’occasion des manifestations de rues à Kiev, à partir d’une demi-douzaine de groupuscules nationalistes ukrainiens tels que le Marteau Blanc, ou encore le Trident de Stepan Bandera.
Un autre groupe, celui d’Azov, est ouvertement néo-nazi, et utilise le symbole du “crochet à loups“, lié à la SS. Sans aborder le sujet du symbole nazi, le Tchétchène a déclaré qu’il s’entendait bien avec les nationalistes, car, tout comme lui, ils aimaient leur patrie et détestaient les Russes. »
Aussi fortuite que semble la révélation par Kramer du rôle de premier plan des néo-nazis et des suprémacistes blancs combattant pour le régime de Kiev soutenu par les États-Unis, son article constitue une anomalie au regard du Times et du reste des médias mainstream américains, lesquels renvoient habituellement toute mention de cette tache nazie à de la “propagande russe”.
Lors du coup d’état de février 2014 qui chassa le président élu Victor Ianoukovitch, le défunt fasciste Stepan Bandera fut l’une des figures célébrées par les manifestants pro-Maïdan. Pendant la seconde guerre mondiale, Bandera fut à la tête de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN-B), une milice radicale qui entendait faire de l’Ukraine un état racialement pur. Coordonnant ses efforts à l’occasion avec la SS, l’OUN-B participa à l’expulsion et à l’extermination de dizaines de milliers de Juifs et de Polonais.
Bien que la majorité des manifestants pro-Maïdan de 2013-2014 ait été essentiellement poussée par la colère envers la corruption politicienne et par leur désir de rejoindre l’Union Européenne, les néo-nazis en constituaient une part importante et ont été le fer de lance de la plupart des violences envers les policiers. Des groupes d’assaut de Pravy Sektor ainsi que du parti Svoboda ont pris le contrôle de bâtiments gouvernementaux, et les ont ornés de symboles nazis ainsi que du drapeau de bataille Confédéré, emblème universel des suprémacistes blancs.
C’est ensuite au moment où les manifestations prenaient un tour sanglant, entre le 20 et le 22 février, que les néo-nazis ont fait irruption en première ligne. Leurs milices surentraînées, organisées en brigades de cent hommes, les « sotins » ou « centaines », ont mené les attaques décisives contre la police qui ont forcé Ianoukovitch et plusieurs membres de son gouvernement à fuir pour sauver leur vie.
Dans les jours qui ont suivi le coup d’état, alors que les milices néo-nazies contrôlaient de facto le gouvernement, les diplomates européens et américains se sont fébrilement précipités pour aider le parlement malmené à donner au régime un semblant de respectabilité, bien que quatre ministères, y compris celui de l’intérieur, aient été donnés en récompense à l’extrême-droite, en reconnaissance du rôle crucial qu’elle avait joué dans le départ de Ianoukovitch.
Dès ce moment, la quasi-totalité des médias d’information américains se sont mis des œillères sur le rôle des néo-nazis, ce qui était d’autant mieux pour vendre au public américain le coup d’état sous l’aspect d’une histoire édifiante de « combattants de la liberté » animés d’un esprit de réforme, faisant face à « l’agression russe ». Les médias américains ont soigneusement contourné la réalité néo-nazie en censurant les éléments significatifs, comme le parcours du chef de la sécurité intérieure, Andreï Parubeï, qui avait fondé le Parti National-Socialiste d’Ukraine en 1991, qui mêlait nationalisme radical ukrainien et symboles néo-nazis. Parubeï était à la tête des « forces d’auto-défense » de Maïdan.
Les barbares sont aux portes
Par moments, la censure des médias mainstream sur les chemises brunes en était presque comique. En février dernier, presque un an après le coup d’état, un article du New York Times, consacré aux défenseurs gouvernementaux de Marioupol, saluait le rôle de premier plan du bataillon d’Azov, mais réussissait le tour de force d’éviter toute évocation de ses accointances néo-nazies, pourtant bien connues.
Cet article de Rick Lyman présentait la situation à Marioupol comme si l’avance des rebelles pro-russes représentait une invasion barbare, tandis que les habitants auraient été bravement défendus par les forces de la civilisation, le bataillon Azov. Dans un contexte aussi exaltant, on a probablement pensé qu’il aurait été malvenu de faire mention des svastikas et des symboles SS.
Symboles nazis sur les casques portés par les membres du bataillon ukrainien Azov. (Filmés par une équipe norvégienne et montrés à la télévision allemande)
À présent, le régime de Kiev a ajouté à ces « forces de la civilisation » – résistant aux barbares Ruskoffs – des militants islamistes liés au terrorisme. En septembre dernier, Marcin Mamon, reporter pour l’Intercept, a pu joindre une formation d’avant-garde de ces combattants islamistes en Ukraine, par l’intermédiaire « d’un contact en Turquie avec l’État Islamique [qui] m’a affirmé que ses “frères” se trouvaient en Ukraine, et que je pouvais leur faire confiance ».
L’article du New York Times évite soigneusement de creuser dans la direction des liens de ces combattants islamistes avec le terrorisme. Mais Kramer admet explicitement la vérité nazie à propos des combattants [du groupe] Azov. Il relève également que les conseillers américains en Ukraine « se sont vu explicitement interdire de donner aucune instruction militaire aux membres du groupe Azov ».
Alors que les conseillers américains ont pour ordre de garder leurs distances avec les néo-nazis, le régime de Kiev ne fait pas grand mystère de son approbation du rôle militaire essentiel tenu par ces extrémistes – qu’il s’agisse de néo-nazis, de suprémacistes blancs ou de militants islamistes. On estime ces extrémistes très agressifs et très effectifs dans le massacre de russophones.
Le régime n’a montré que peu d’intérêt pour des rapports venus de tous les secteurs mentionnant des opérations « d’escadrons de la mort » ciblant les suspects de sympathies pro-russes dans les villes contrôlées par le gouvernement. Mais de telles violations des Droits de l’Homme ne devraient pas surprendre, compte tenu de la tradition nazie de ces unités et des liens de ces militants islamistes avec des mouvements terroristes ultra violents du Moyen-Orient.
Mais le Times parle de cette mixture fatale de néo-nazis et d’extrémistes islamistes comme d’une bonne chose. Après tout, ils ciblent les opposants au régime des « blancs bonnets » de Kiev, tandis que les rebelles russophones et le gouvernement russe sont les « bonnets noirs ».
Pour illustrer cette orientation, Kramer a écrit : « Même pour des Ukrainiens endurcis par plus d’un an de guerre contre les séparatistes soutenus par la Russie, l’apparition de ces combattants islamistes, Tchétchènes pour la plupart, dans les villes situées près de la ligne de front tombe comme une surprise – et pour nombre d’Ukrainiens, comme une bonne surprise. […] Pressentant un assaut dans les mois à venir, les Ukrainiens sont ravis de toute l’aide qu’ils pourront recevoir. »
Ainsi donc, le message sous-jacent semble être : « Il est temps que le peuple américain et l’opinion publique européenne intensifient leur soutien militaire et financier à un régime ukrainien, celui qui a lâché sur les russophones une force composée de nazis, de suprémacistes blancs et de militants islamistes (considérés comme des “frères” par l’État Islamique). »
[Pour plus de détails sur le bataillon Azov, voir « La Maison-Blanche reconnaît le rôle des nazis en Ukraine » sur Consortiumnews.com.]
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.