L’ANSES soumet son rapport sur l’exposition des enfants aux radiofréquences
L’Anses publie un rapport non définitif sur les effets sanitaires liés à l’usage des appareils radioélectriques par les enfants. Mise en consultation afin d’être complétée, l’étude est le fruit d’un travail d’experts et vise à faire réagir.
Jusqu’au 20 juillet 2015, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) soumet à consultation publique un rapport non définitif portant sur l’évaluation des risques sanitaires pour les enfants liés à leur exposition aux radiofréquences. L’objectif ? Recueillir des données et commentaires scientifiques supplémentaires pouvant être pris en compte dans la version finale du rapport.
L’Agence a été saisie en 2011 par la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), afin de produire cette étude. En identifiant les risques sanitaires des appareils radioélectriques pour les enfants, le rapport pourrait justifier, à terme, le retrait du marché de ces équipements. Il s’agit donc d’une publication sensible pour l’Anses, qui a souhaité soumettre son travail aux membres de la communauté scientifique et aux parties prenantes intéressées.
Protéger les plus jeunes
Les radiofréquences constituent « un important objet de préoccupations sanitaires, environnementales et sociétales depuis plusieurs années en France et à l’étranger« , introduit l’Anses. Et l’Agence n’en est pas à sa première étude sur le sujet. Des avis et rapports d’expertise ont déjà vu le jour en 2003, 2005 et 2009 – année où l’établissement expliquait déjà que « l’exposition des enfants aux radiofréquences et les effets sanitaires éventuels pour cette population restaient méconnus« . Dans le dernier rapport de 2013, les auteurs insistaient, une fois encore, sur la nécessité de surveiller les effets possibles des radiofréquences chez les plus jeunes.
« Les enfants doivent être considérés comme une population particulièrement sensible vis-à-vis de l’exposition aux champs électromagnétiques radiofréquences« , répète aujourd’hui l’Anses. Elle rappelle qu’il existe de nombreux appareils radioélectriques à destination des enfants. Equipements pouvant être à usage récréatif, tels que les jouets, ou à usage sécuritaire, tels que les « veille-bébés ».
Un travail collectif et neutre
« Les travaux d’expertise sont issus d’un collectif d’experts aux compétences complémentaires« , déclare l’Agence. En effet, l’instruction de la saisine a été confiée au comité d’experts spécialisés (CES) « agents physiques, nouvelles technologies et grands aménagements », qui appartient à l’Anses. Le rapport produit « tient compte des observations et éléments complémentaires transmis par les membres du CES« .
Une convention de recherche et de développement a par ailleurs été signée avec le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE). L’Anses lui a demandé de réaliser un inventaire des différents produits radioélectriques à destination des enfants en bas âge, de caractériser l’exposition des enfants à certains dispositifs radioélectriques, ou encore de recueillir et d’analyser les publications scientifiques relatives à l’influence du champ électromagnétique sur les personnes, et plus spécifiquement les enfants.
Enfin, les liens d’intérêts déclarés par les experts participant à la rédaction du rapport ont été analysés par l’Anses. Et ce, « avant leur nomination et tout au long des travaux« , ajoute-t-elle, afin d’éviter les risques de conflits d’intérêts au regard des points traités dans l’expertise.
Déverrouiller le dispositif juridique
Afin d’évaluer les risques sanitaires auxquels sont exposés les enfants, l’Anses fournit un état des lieux de la réglementation applicable.
Pour être mis sur le marché européen, les appareils visés doivent être conformes à deux directives : l’une de 1999 dite « R&TTE », l’autre de 2006 dite « basse tension ». Les appareils comportent alors, s’ils sont distribués en France, un marquage CE. Il s’agit d’une déclaration de conformité par laquelle le fabricant, qui engage sa responsabilité, atteste que son produit est conforme aux exigences de santé et de sécurité prévues par les législations européennes applicables au produit.
En raison de cette réglementation, les Etats membres de l’Union européenne (UE) « ne peuvent, à ce jour, interdire, restreindre, ou entraver la libre circulation [des appareils radioélectriques]« , dès lors qu’ils sont conformes aux prescriptions réglementaires, ajoutent les auteurs du rapport.
A moins que leur dangerosité ne soit prouvée. Depuis 2010, la France peut, par arrêté du ministre de la Santé, interdire la mise sur le marché de produits à destination des enfants. Et ce, « afin de limiter l’exposition excessive de [ces derniers]« , précise le code de la santé publique.
La question épineuse, et posée par l’Anses, est donc de savoir si la réglementation européenne en vigueur est suffisamment protectrice des enfants lorsqu’ils sont confrontés aux équipements radioélectriques. Redéfinis, les nouveaux seuils d’expositions (européens) à ne pas dépasser pourraient mener à l’application « nécessaire« , selon l’Agence, du code de la santé publique, et donc à l’interdiction de certains appareils.
Un rapport de plus ?
Comme l’explique elle-même l’Agence, « l’usage des technologies de communication sans-fil s’est très fortement implanté dans la population, (…) y compris chez les plus jeunes« . Un constat désormais ancien. Depuis 2003, l’Anses recommande d’approfondir les recherches sur les effets sanitaires potentiels liés à l’usage du téléphone mobile par les enfants. En 2013, elle incitait, encore, à un usage modéré des appareils radioélectriques par les plus jeunes.
C’est dans ce contexte « de blocage » que l’Anses a été sollicitée. Pour ce dernier rapport, elle aurait retenu « plus de 200 études portant sur les effets des rayonnements électromagnétiques sur l’organisme humain, en ciblant l’exposition des enfants, de l’embryon à l’adolescence« . Si les effets néfastes sont démontrés, le Gouvernement pourrait interdire la mise sur le marché de certains appareils destinés aux enfants. L’importance, la complexité et la sensibilité du sujet justifient enfin, selon l’Agence, une consultation des scientifiques et des personnes intéressées.
Anne-Sophie Luchez, journaliste Rédactrice juriste
Signalé par Jean-Michel. Merci