« Maman ? Je m’ennuie… » « Tant mieux ! »
Qui a dit que l’ennui était une plaie ? Qu’il fallait à tout prix le bannir de l’emploi du temps de nos enfants ? Au contraire, s’ennuyer ouvrirait la voie à la créativité. L’accepter est la base du « slow parenting », ou « parentalité lente ».
Deux heures par jour. 1h58 très exactement. C’est le temps moyen qu’ont passé les 4-14 ans devant la télé en 2014 selon l’étude annuelle Médiamat. Un chiffre en forte baisse mais toujours « catastrophique » pour la thérapeute psychanalytique Odile Chabrillac. Symptomatique de l’angoisse qu’éprouvent non pas tant les enfants que leurs parents pour l’ennui : « Ils ont peur de ne rien avoir à proposer, de ne pas toujours être capables de faire le G.O. »
Résultat : quand le gentil organisateur est en panne, le remède miracle s’appelle la télévision. La petite dernière s’ennuie ? Qu’à cela ne tienne ! Tiens : voilà un DVD. Et hop ! Une heure et demie de gagnée… Ou de perdue ? « L’ennui favorise la créativité, explique Odile Chabrillac. On crée quand on peut, pas quand on veut… et parfois, pour que ça vienne, il faut lâcher prise. Tenez : ma maison n’est jamais aussi propre que quand j’écris ! »
Accepter l’ennui en tant que parent, c’est donc adopter le « slow parenting », ou « parentalité lente », concept inventé par Carl Honoré dans son très anxiogène Manifeste pour une enfance heureuse. Sous-titre original : Rescuing our children from the culture of hyper-parenting, « sauver nos enfants de la culture de l’hyper-parentalité ». On aurait presque envie d’ajouter : « avant qu’il ne soit trop tard ».
Mais trop tard pour quoi au juste ? L’une des 21 couvertures du best-seller déroule une ribambelle de silhouettes enfantines pratiquant danse, violon, gym, etc. La conséquence directe, selon le journaliste canadien, des caprices de parents nés à l’apogée de la société de consommation et soucieux d’ajouter à la maison et à la voiture parfaites, des enfants accomplis. Ce sera donc judo-piano-tennis pour la grande, badminton-violon-scoutisme pour le petit.
Au contraire, le slow parenting fait la part belle à la rêverie, voire à l’ennui. Il s’inscrit dans le « slow movement », dont le premier volet, le « slow food » ou « éco-gastronomie », a été créé en 1986 par l’Italien Carlo Petrini en réaction à l’ouverture d’un McDonald’s sur la piazza di Spagna à Rome.
« On ne sait plus ne rien faire »
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Non, des cours d’initiation musicale dès 3 ans n’en feront pas le futur Mozart
Linette a connu le slow de manière forcée. Ancienne cadre, elle avait l’habitude de « courir partout ». Jusqu’à ce qu’elle se retrouve brutalement au chômage après la naissance de son premier enfant. Passée le choc, la jeune maman a pris goût au rythme de vie plus lent qu’elle a été contrainte d’adopter.
Pour les adultes aussi
Mais attention : grandir n’est pas un prétexte pour bannir l’ennui. « Il n’y a pas que pour les enfants que l’ennui est bon, objecte Odile Chabrillac, la psychothérapeute spécialiste de l’ennui. Aux adultes, il permet de sortir un moment du rail de leur vie, de prendre un peu de recul par rapport au hamster qui tourne dans sa roue. » Mieux encore, l’ennui dévoilerait notre être et nos désirs profonds, par opposition à ceux que nos proches et la société nous imposent malgré nous.
C’est tout l’objet du coaching proposé par Mitsiko Miller – encore une Canadienne – qui inscrit le slow parenting dans un « mouvement de vie » : la simplicité volontaire. « J’aide les parents à y voir clair, à comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’élever des enfants : celle avec la carotte et le bâton », explique-t-elle d’une voix posée. Chez elle, les garçons de 12 et 10 ans sont « leurs propres employeurs », son mari et elle, « des accompagnants ». « Pour l’instant, ils font l’école à distance. C’est ce qu’ils ont choisi. » Et les vôtres ? Ils choisissent quoi ?*
Par Jade Lemaire pour :
http://www.terraeco.net/Maman-Je-m-ennuie-Tant-mieux,59920.html
photo à la une : (Crédit photo : Greg Westfall – Flickr)