Réflexion d’un journaliste mainstream sur l’Europe : édifiant !
Édito : « Europe, dans le cœur du réacteur »
Ce qu’à l’échelon national nous appelons langue de bois acquiert à Bruxelles une opacité plus impénétrable encore. Le formalisme et le culte du secret paraissent avoir peu à peu asphyxié le fonctionnement de cette Commission censée incarner, aux yeux du monde, la démocratie vivante du Vieux Continent et l’État de droit. C’est fou !
Prenons un tout petit exemple, il parle à lui tout seul. Le nombre de journalistes accrédités auprès de la Commission était de 900 voici deux ou trois ans. Aujourd’hui, ce chiffre n’est plus accessible. Il a été classé top secret, pour de prétendues raisons de sécurité. Formule commode. En fait, tout laisse penser qu’il diminue chaque année, le projet européen perdant son attrait médiatique. Inutile de crier cela sur les toits.
Nous avons débattu d’autres sujets, comme la puissance des lobbies. Elle est indéniable à Bruxelles. Elle court-circuite allégrement les logiques démocratiques de base, enlisées dans la pratique (obligatoire) du compromis. Alors que nous échangions à ce sujet, un confrère américain présent parmi nous est intervenu sur un ton amicalement rigolard : « Il faut comprendre que le lobby le plus puissant ici, c’est l’Amérique du Nord elle-même. » Devant notre surprise, il a renchéri en disant que les États-Unis chaperonnaient avec vigilance l’Europe en devenir. « Vous ne le saviez pas ? » a-t-il ajouté.
Une consœur française a exprimé sans détour sa stupéfaction devant ce qu’elle entendait : « Ce que vous décrivez là, c’est une dictature douce en construction. Ce n’est plus du tout une démocratie. » Tout le monde s’est récrié poliment, pour la forme.
Parmi ces correspondants accrédités était présent le doyen, le patriarche, le « chouchou de Bruxelles » : Quentin Dickinson, directeur des affaires européennes à Radio France. Il a suivi stoïquement nos conversations, sans intervenir. C’est une estimable figure de la profession, mais ce n’est pas lui faire injure d’ajouter qu’il est plus militant que journaliste. Il s’est d’ailleurs présenté en mars 2014 aux élections européennes sous l’étiquette UDI-Modem. Les 9 % obtenus par les centristes n’ont pas été suffisants pour qu’il soit élu au Parlement européen. Il est donc « redevenu » journaliste. Assurément, lui y croit encore.
Bref, en quittant cette confraternelle réunion, nous étions à peu près tous convaincus qu’un (possible) naufrage était annoncé. Le pire n’est jamais sûr, je sais. Admirable est la foi, en effet…
Jean-Claude Guillebaud
http://www.sudouest.fr/2015/06/07/europe-dans-le-coeur-du-reacteur-1943904-6057.php
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NB : On est un peu surpris de la naïveté des journalistes dans ce débat…