Dossier : Réforme de la Sécu – Est-ce cela qui nous attend ?
Sécu excédentaire en Allemagne : les 5 réformes qui changent tout
Paris, France — Alors que la Loi de Santé sera en discussion au Sénat dans les semaines qui viennent, d’autres pistes de réformes du système de santé sont proposées. C’est le cas par exemple de la Fondation iFRAP, un think tank dédié à l’analyse des politiques publiques, qui a fait paraitre le rapport Santé: les 5 atouts (à copier) du système allemand .
Des populations comparables mais un système…excédentaire
Il faut rappeler que les deux pays et systèmes de santé sont assez proches. La population allemande est semblable démographiquement à celle de notre pays et les défis à venir sont les mêmes : vieillissement de la population, développement de maladies chroniques, dépenses de santé qui vont doubler d’ici 2050. Et du côté des systèmes de santé, France et Allemagne ont en commun des modes de financements et d’organisations dans la part de produit intérieur brut (PIB) consacré à la santé.
Les ressemblances s’arrêtent là car depuis 1993, l’Allemagne a mené des réformes, qui combinées à une situation économique favorable, ont permis à l’assurance maladie de dégager des excédents : 30 milliards d’euros en 2013 contre un déficit de 7 milliards d’euros en France.
Pour réguler la demande et l’offre, l’Allemagne a choisi d’introduire une part de concurrence régulée dans son système de soins – évolution fondée sur la décentralisation et la contractualisation. Et par ailleurs, patients et médecins ont été responsabilisés afin de réduire les dépenses.
Match France/Allemagne
-La France dépense 13,7 milliards d’euros de frais administratifs en raison du système hybride assurance maladie/complémentaire, ce qui en fait l’un des systèmes les plus dépensiers du monde. -La France dépense 15 % de plus que l’Allemagne pour les médicaments. -Si les dépenses hospitalières par habitants étaient similaires, la France pourrait économiser 11 milliards d’euros par an. -Entre 1990 et 2012 les dépenses de santé ont augmenté de 3 points de PIB en France contre 1,7 points en Allemagne malgré la réunification et le vieillissement de la population -A population comparable, la France dépense 13,5 milliards d’euros de plus pour l’assurance maladie et les complémentaires. |
Voici donc les 5 réformes du système de soin allemand qui font toute la différence, selon la fondation iFRAP.
1. Un panier de soins restreint et des franchises plus lourdes
L’Allemagne a fait le choix de rembourser qu’un nombre restreint de soins mais de les rembourser intégralement : prévention, vaccinations, dépistages, traitement curatif en médecine, de ville, à l’hôpital et aux urgences, soins dentaires, prothèses et orthodontie, infirmiers à domiciles et soins de réadaptation.
L’Allemagne a aussi fait le choix de franchises avec un forfait hospitalier à 10 euros par jour (plafond 280 euros par an) et un forfait médicamenteux de 10 % entre 5 et10 euros.
En dehors du panier, les soins peuvent être remboursés par des assurances supplémentaires dont près de 20 % de la population disposent.
En France
La CPAM rembourse partiellement un grand éventail de soins. En outre, 50 % des dépenses concernent 5 % des assurés (en particulier les patients en ALD). « Un système est couteux et inefficace car il rend les dépenses de santé difficilement maitrisables » insiste l’IFRAP.
Par ailleurs, le reste à charge pour une même pathologie, peut être très différent selon le régime dont le patient bénéficie : ALD, différents types de complémentaires santé, CMU-C, ou « laissés pour compte » (retraités, étudiants, chômeurs).
2. Un volume de soins et de prescriptions plafonnés par médecin
75 % des médicaments délivrés en Allemagne sont des génériques contre 20% en France.
En Allemagne, la rémunération des médecins a été progressivement encadrée. Depuis 2008 le système combine capitation (forfait attribué au médecin au cabinet pour les patients chroniques) et paiement à l’acte.
Chaque médecin se voit fixer un volume de standard de soins par patients en fonction de leurs risques (activité plafonnée) et si le volume n’est pas réalisé, les caisses ne payent que les actes effectifs.
En parallèle du plafonnement de l’activité, les consultations ont été revalorisées en 2004.
Ces mesures ont contribué à responsabiliser les médecins et les patients de façon symétrique.
Les prescriptions de médicaments sont, elles aussi, définies par un volume cible individualisé en fonction de la patientelle. Si le médecin dépasse la cible de plus de 25 % sans justification, il est soumis à une pénalité. Et la prescription de génériques est obligatoire pour le médecin et les patients. Ainsi, 75 % des médicaments délivrés en Allemagne sont des génériques contre 20 % en France.
3. Une concurrence régulée entre les caisses d’assurance maladie
L’Allemagne a pris l’option de mettre les assurances santé (privées) et les caisses (publiques) en concurrence. L’assuré est libre de changer de caisse (131 caisses sur le territoire dont 10 prennent en charge deux tiers des assurés).
Les médecins aussi mettent en concurrence les différentes caisses publiques et privées : ils peuvent choisir celles avec lesquelles ils souhaitent travailler et négocier leurs pratiques médicales et leurs tarifs.
En pratique, la plupart des patients chroniques restent au sein des caisses publiques, car les primes sont trop élevées dans le privé.
4. Hôpital : des tarifs alignés et une gestion décentralisée
En Allemagne , 50 % des établissements sont publics, 30 % religieux (à but non lucratif) et 20 % privés à but lucratif.
La dépense de santé annuelle hospitalière par habitant est de 1 069 euros en Allemagne, contre 1 241 euros en France.
Cette différence de 25 % vient en partie du nombre beaucoup plus important d’établissements de santé en France : 42 établissements par million habitants en France contre 25 en Allemagne. Alors qu’en Allemagne, la majorité des hôpitaux comptent entre 300 et 500 lits, en France de très nombreuses petites structures cohabitent avec des mastodontes financés par de vastes plans d’investissements comme Evry-Corbeil-Essonnes 1 125 lits ou Amiens 1 739 lits. Notons aussi qu’en France, on compte 3,1 personnes employées par lit d’hôpital contre 1,7 en Allemagne.
Alignement des tarifs publics et privés
En Allemagne, en 2009 les tarifs publics et privés ont été alignés et un comité fédéral commun analyse régulièrement les activités hospitalières pour suspendre les spécialités non rentables localement. Pour s’adapter aux particularités locales, la gestion des hôpitaux allemands est décentralisée dans chaque Lander (division administrative, un peu sur le mode des régions françaises) et le budget est global négocié non pas lié à l’activité comme en France (T2A). La négociation sur la nomenclature des remboursements se déroule au niveau fédéral, en revanche, les négociations sur le montant des remboursements et les volumes maximaux ont lieu localement. |
5. Transparence des données de santé
L’Allemagne érige la transparence en vertu cardinale de son système de santé.
L’Allemagne érige la transparence en vertu cardinale de son système de santé.
La France accuse un certain retard en matière de collecte et de partage des informations relatives à la santé (PMSI à l’hôpital et Sniiram en ville). Elle ne dispose que de très peu d’indicateurs qui pourraient permettre de comparer les établissements et les professionnels de santé.
Imposer des indicateurs de performance et obliger les établissements à communiquer périodiquement leurs données en matière de sécurité et de qualité des soins est indispensable pour pouvoir comparer et améliorer les performances.
Dr I. Catala pour : http://www.medscape.fr/voirarticle/3601498?nlid=81688_2401
OUI MAIS …. Est-ce si parfait ?
Le système de santé allemand affaibli par les scandales
09/2013 : Quentin Bisson
En Allemagne, une caisse d’assurance maladie sur deux accentue l’importance des maladies prises en charge pour percevoir davantage de subventions publiques. Un scandale qui met à mal l’exemplarité du sytéme de santé germanique.
59 caisses d’assurance maladie publiques sur 134 viennent d’être épinglées par l’office fédéral des assurances allemand (Bundesversicherungsamt). Elles sont soupçonnées de fausses déclarations quant à la gravité réelle de la maladie des personnes affiliées. Ces accusations s’ajoutent à d’autres scandales en Allemagne.
29 milliards d’excédent pour l’assurance maladie
Depuis 2009, les caisses d’assurance maladie publiques allemandes sont alimentées par un fonds de financement pour la santé. Une mesure voulue à la fois par le parti chrétien-démocrate (CDU) et le parti social–démocrate (SPD) lors de la grande coalition de 2005. Ce fonds, financé par les cotisations des salariés et des employeurs ainsi que par l’Etat fédéral, couvre une partie des prestations de santé et participe au financement des caisses d’assurance maladie publiques. Il est piloté au niveau fédéral et gérait en 2010 plus de 170 milliards d’euros.
Or, la gravité de la maladie des personnes assurées fait partie des critères déterminant le montant des versements de ce fonds. Plus la maladie des assurés est grave, plus ses versements sont élevés. De fausses déclarations permettent donc de gonfler les revenus des caisses.
Si les faits reprochés se confirment, ce scandale ternirait l’image d’un système d’assurance jalousé en Europe. Le quotidien Le Monde affichait encore récemment son étonnement et son admiration face à l’énorme excédent de la branche d’assurance maladie outre-Rhin. Un excédent qui s’établit aujourd’hui à 29 milliard d’euros, selon le quotidien allemand Die Zeit.
Des cas d’infarctus en hausse de 280%
Face aux dernières révélations, la caisse d’assurance BKK est priée d’expliquer à l’office fédéral pourquoi le nombre d’infarctus du myocarde a augmenté chez elle de plus de 280% l’an dernier, alors que ce chiffre est en augmentation moyenne de moins de 1% seulement pour toutes les autres caisses publiques.
Même chose concernant les ulcères de la peau. La caisse d’assurance maladie Ersatzkasse a déclaré à l’office fédéral que cette maladie était en recrudescence de 30%. Une augmentation que les autres caisses d’assurance maladie n’ont pas constatée puisqu’elles évoquent une hausse d’à peine 1,5%.
Face à ces abus supposés, l’office fédéral menace de réduire drastiquement les apports liés au fonds pour la santé, si les explications avancées par les caisses maladies n’étaient pas convaincantes.
Les handicapés et les personnes âgées désavantagés
Indépendamment de ces accusations, l’office fédéral des assurances reproche également aux caisses de sélectionner leurs clients. Certaines caisses d’assurance maladie auraient, par exemple, tenté de réduire le nombre de personnes handicapées ou en maladie chronique en les poussant par téléphone à résilier leur contrat, rappelle le quotidien die Welt.
De la même manière, certaines caisses d’assurance maladie imposent des cotisations plus élevées aux personnes âgées en raison de l’augmentation des risques, révèle le quotidien allemand Die Zeit. Un procédé illégal. Dans plusieurs cas, ces caisses auraient également tenté d’exclure des personnes potentiellement coûteuses à long terme.
http://fr.myeurop.info/2013/09/03/le-syst-me-de-sant-allemand-affaibli-par-les-scandales-12164
En Allemagne, un système riche et gourmand
Dix ans de réformes ont profondément modifié le régime public d’assurance-maladie. Il dégage aujourd’hui des excédents, mais les services hospitaliers en pâtissent.
Mission accomplie pour l’Allemagne : en un peu plus de dix
ans, le nombre de caisses est passé de 485 à 160, sous la férule des réductions
de budget imposées par les pouvoirs publics à l’assurance-maladie. Résultat : après un train de réformes qui, depuis 2007, a aussi convié les assurés à mettre la main à la poche, la sécu allemande dispose d’un matelas plus que confortable : ses réserves financières atteignent quelque 30 milliards d’euros, selon les derniers chiffres du gouvernement fédéral.
Une manne nécessaire, car l’Allemagne dépense plus que nombre de ses voisins pour son système de santé : 300 milliards en 2012, soit 11,3 % de
son PIB. Seuls les Pays-Bas et la France dépensent encore plus. C’est le
premier constat du cabinet d’audit Kpmg, qui a réalisé un comparatif de 24 pays
européens sur l’efficacité de leur système respectif de santé.
Malheureusement, l’efficacité n’est pas forcément au rendez-vous.
C’est ce que constatent les experts de l’Ocde, rapportait en août dernier le quotidien Die Welt. En particulier pour les soins hospitaliers.
Ainsi, un plus grand nombre de femmes souffrant du cancer du sein décèdent outre-Rhin : 30 sur 100 000, contre 21 en Espagne.
Le constat est semblable pour le cancer de l’utérus. Ou encore pour
l’infarctus : 9 % de décès en Allemagne un mois après traitement, moitié moins
en Norvège ou en Suède et 3 % seulement en Estonie.
Beaucoup d’hôpitaux ne parviennent pas à sortir de l’ornière : ils sont endettés et ne parviennent plus à fidéliser leurs équipes de soignants.
En sursis
Le décalage de l’Allemagne par rapport à ses voisins n’est toutefois pas lié à un manque de lits d’hôpital, puisque l’Allemagne dispose d’un quota supérieur au reste de l’Europe, avec 8 lits pour 1 000 habitants, poursuit Die Welt. Il n’est pas lié non plus à la qualité des médecins et chirurgiens, ni à celle des infrastructures. Comparativement aux pays nordiques, l’Allemagne présente surtout un ratio insatisfaisant entre le coût et la qualité des soins.
Des experts convoqués au chevet de l’assurance-maladie reprochent à celle-ci son organisation lourde, déclinée en de multiples institutions qui nuisent à la transparence. Il est malaisé de déterminer si tel ou tel soin relève de la branche assurance-maladie,
accident ou soins à domicile.
Demain, avertit Finanzen.net, l’assurance-maladie pourrait à nouveau être en danger, notamment à cause du déséquilibre croissant entre les jeunes actifs qui financent et les seniors qui vivent plus longtemps.
http://www.courrierinternational.com/article/2014/04/17/en-allemagne-un-systeme-riche-et-gourmand