Santé : La thérapie de pleine conscience aussi efficace qu’un antidépresseur

La Pleine conscience ou « Mindfulness » en anglais est un terme issu du bouddhisme et qui signifie un état de conscience à ce qui se passe dans l’instant présent sans jugement de valeur.

L’indication de la thérapie de la pleine conscience s’étend à la dépression, aux troubles anxieux, ainsi qu’aux autres troubles dominés par un processus psychopathologique de ruminations mentales. Il s’agit de la pratique d’expériences de pleine conscience et de travail sur les pensées dans la dépression et le trouble anxieux. Ce programme n’a pas pour but de se sentir bien rapidement, il y a même parfois des moments difficiles et nous allons travailler à savoir traverser les épreuves et les émotions douloureuses autrement qu’à nos habitudes. Ce n’est donc pas un programme de relaxation mais un vrai travail sur l’esprit et comment il nous fait souffrir.

La thérapie de la pleine conscience prend ses racines dans la tradition bouddhiste mais ici rien de religieux, aucun Dieu n’est célébré, aucun rite n’est imposé, aucun paradis n’est promis. La spiritualité est un autre nom pour l’indépendance, il est enseigné à voir la vie comme elle est et à l’accepter toute. (1)

 

Oxford, Grande-Bretagne-Chez les patients qui ont déjà présenté au moins 3 épisodes dépressifs, l’utilisation des thérapies de pleine conscience fait jeu égal avec le traitement médicamenteux prolongé en terme de prévention des rechutes thymiques, selon une étude anglaise publiée dans The Lancet [1]. Ce type de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) de nouvelle génération permet aux patients de développer des mécanismes psychiques de résilience et une prise de conscience en temps réel des émotions et des habitudes mentales automatiques.

Selon les résultats de l’étude britannique PREVENT, les thérapies de pleine conscience pourraient être indiquées plus particulièrement chez des patients qui ont vécu des abus au cours de l’enfance et chez ceux dont le risque de rechute est important. La thérapie pleine conscience pourrait donc, selon les auteurs, trouver une place dans le traitement préventif des épisodes dépressifs chez les patients qui tolèrent mal les antidépresseurs à long terme ou chez ceux qui souhaitent bénéficier d’un traitement non médicamenteux.

Les thérapies de pleine conscience

Les thérapies pleine conscience constituent des thérapies cognitivo-comportementale de nouvelle génération. Elles permettent aux patients de développer des mécanismes psychiques de résilience et une prise de conscience en temps réel des émotions et des habitudes mentales automatiques.

Ces thérapies de durée relativement courte (12 à 24 mois) se déroulent individuellement ou en groupes et doivent être complétées par des exercices individuels.

Leur but est de permettre de détecter les événements qui entraînent habituellement des signes d’angoisse ou de dépression avant que la spirale dépressive clinique se mette en place.

Lorsque ces événements surviennent, le patient doit être capable de prendre du recul et de décider en pleine conscience de ne pas reproduire le schéma habituel de pensée automatique.

 

Risque de récidive de 80 % à 2 ans sans traitement

Ce nouveau travail sur la comparaison de la thérapie pleine conscience et du traitement médicamenteux dans la dépression fait suite à deux études préliminaires menées chez ce type de patients avec au moins 3 antécédent d’épisodes dépressifs. La première (124 patients) avait conclu à un risque de récidive à 15 mois de 47 % pour les TCC contre 60 % pour le traitement antidépresseur (contre 70 % pour le placebo) [2]. Les chiffres de la deuxième étude (84 patients), qui évaluait le risque de récidive à 18 mois, étaient respectivement de 28% et 27 % [3].

L’étude PREVENT a, pour sa part, inclus 424 patients recrutés par annonce ou par contact direct au moment d’une consultation auprès de l’un des 95 médecins généralistes retenus. N’étaient retenus que les patients qui avaient déjà présenté au moins 3 épisodes dépressifs traités.

La moitié des patients a bénéficié de séances de thérapie de pleine conscience avec un thérapeute spécifiquement formé et évalué.

Pendant les 8 premières semaines, ils ont suivi une session hebdomadaire de groupe de 2 h 15 suivie d’une session tous les 3 mois pendant toute la première année. Le programme de TCC débutait chez des patients sous traitement antidépresseur et les doses du médicament devaient être réduites progressivement par le médecin au cours des premiers mois de traitement en fonction de la tolérance.

Récidive : 44 % avec la thérapie pleine conscience et 47 % avec les médicaments

Tous les patients ont été contactés à 5 reprises par téléphone au cours des 24 mois de suivi afin d’évaluer la prévalence des récidives dépressives. Des données finales ont été obtenues chez 89 % des patients du groupe TCC et chez 92 % de ceux du groupe médicament.

Au total, un nouvel épisode dépressif a été constaté chez 44 % des personnes traitées par thérapie pleine conscience et chez 47 % des sujets sous traitement médicamenteux prolongé.

L’analyse des critères secondaires de l’étude (nombre de jours sans signes dépressifs, symptômes, comorbidité, qualité de vie, coût-efficacité) n’a pas non plus montré de différence entre les deux groupes. Seuls les patients qui  avaient subi de graves abus dans l’enfance ont présenté une meilleure réponse avec les TCC (47 % de récidives versus 59 % sous traitement médicamenteux).

Pour les auteurs, « la thérapie pleine conscience pourrait permettre aux personnes particulièrement vulnérables depuis l’enfance de mettre en place des mécanismes de résilience qui leur permette de mieux anticiper les risques de nouvel épisode dépressif ».

En compilant les données de cette étude avec celles de deux études précédentes [2] [3], les auteurs concluent à une légère supériorité de la thérapie pleine conscience sur le traitement médicamenteux (réduction du risque de récidive de 24 %).

Utiliser les médicaments et la thérapie pleine conscience conjointement

Dans un éditorial joint [4], le Dr Roger Muller (Christchurch, Nouvelle-Zélande) souligne qu’« il est aussi important chez les patients qui souffrent de dépression chronique de traiter l’épisode aigu que de prévenir la survenue de rechutes. Avec cette étude on sait que la thérapie pleine conscience permet d’obtenir des résultats similaires à ceux des médicaments dans un contexte de prise en charge en médecine générale. Chez certains patients, les deux traitements pourraient être indiqués conjointement pour éviter la spirale de la dépression chronique ».

Dr Isabelle Catala

RÉFÉRENCES

  1. Kuyken W, Hayes B, Barrett B et coll. Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (PREVENT) : a randomised controlled trial. The Lancet, publié en ligne le 21 avril 2015. https://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)62222-4.
  2. Kuyken W, Byford S, Taylor R et coll. Mindfulness-based cognitive therapy to prevent relapse in recurrent depression. J Consult Clin Psychol. 2008 Dec;76(6):966-78. doi: 10.1037/a0013786.
  3. Segal Z, Bieling P, Young T et coll. Antidepressant monotherapy vs sequential pharmacotherapy and mindfulness-based cognitive therapy, or placebo, for relapse prophylaxis in recurrent depression. Arch Gen Psychiatry. 2010 Dec;67(12):1256-64. doi: 10.1001/archgenpsychiatry.2010.168.
  4. Mulder R. Depression relapse : importance of long-term perspective. The Lancet, publié en ligne le 21 avril 2015. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)62448-X.

(1) – http://la-pleine-conscience.com/