Le rapport caché et dérangeant du 100% énergies renouvelables français en 2050
Un rapport de l’Ademe qui envisageait la possibilité de remplacer l’électricité nucléaire par un bouquet 100% renouvelable, a été enterré. Que dit-il au juste ?
On le sait, l’inhumation de rapport est un sport prisé des élites politiques françaises. En général, ce sont les ministres qui se chargent d' »oublier » dans un coin un texte qui énonce des vérités trop enquiquinantes. Parfois, ce sont les rapporteurs eux-mêmes qui se coupent le sifflet. C’est ce qui est arrivé à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
L’inopportun rapport devait être rendu public le 15 avril par l’établissement public spécialisé dans les questions environnementales. Les journalistes l’attendaient, certains même l’avaient réclamé en primeur. Las ! « Le Monde » a révélé que cette étude, passablement technique pour le profane et qui a nécessité plus d’un an de travail, a été reportée pour « affiner les implications économiques et technologiques ». Traduction : elle dérange quelqu’un au sein de l’exécutif – on n’est pas encore sûr de savoir qui – et sera donc parfaite pour caler un meuble branlant.
Mais que dit-elle donc de si gênant ? Nos confrères de « Mediapart » ont réussi à mettre la main dessus, voici ce qu’on peut y lire :
# La production d’électricité « verte » pourrait atteindre trois fois nos besoins
Notre pays pourrait être techniquement capable pour 2050 de produire une électricité 100% renouvelable en s’appuyant principalement sur l’énergie éolienne, solaire et hydraulique. Cette production « verte » totale pourrait – grâce à de nombreuses améliorations techniques à venir – atteindre 1.268 terawattheures (TWh), « soit le triple de la demande annuelle », précise le rapport. On a bien lu : trois fois les besoins des Français.
# Nous pourrions nous passer du nucléaire
Mais quid du nucléaire qui fournit actuellement 75% de notre courant, mais n’est pas renouvelable ? Eh bien, l’Ademe estime que la France pourrait faire le choix de s’en passer, et c’est sans doute ce point qui coince en haut lieu. La Loi de transition énergétique, défendue en ce moment à l’Assemblée nationale par la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal n’est pas vraiment sur cette ligne. Elle défend en effet un passage à 50% d’électricité nucléaire en 2025 – ou peut-être 2030.
# Ça ne reviendrait pas beaucoup plus cher
Ce passage au tout-renouvelable coûterait 119 euros par megawattheure (MWh) contre 91 euros actuellement. Autrement dit, il ne serait guère plus onéreux qu’aujourd’hui. Argument embarrassant pour les pro-nucléaires (toujours fort nombreux dans les ministères) qui ne cessent de répéter que seul l’atome peut garantir des factures électrique accessibles et qu’un 100% renouvelable serait un suicide économique.
# Les aléas climatiques auraient peu d’impact
Bien pensée, cette conversion ne souffrirait pas de défaillances dues aux aléas climatiques. En effet, entend-on souvent, parfois le vent souffle, parfois pas, parfois le soleil brûle, parfois pas… Est-il vraiment possible de garantir que les citoyens aient autant de courant qu’ils le souhaitent, quel que soit le temps dehors ? Schémas à l’appui, l’Ademe répond affirmativement, en tablant notamment sur d’importantes capacités de stockage de l’électricité.
Bien sûr, ce ne sont que des projections, qui méritent sans doute d’être affinées, notamment parce qu’elles tablent de manière « ambitieuse » (dit le rapport) sur une France qui saurait être économe en énergie – tout dérapage en matière d’efficacité énergétique signifiant immédiatement un important surcoût.
Surtout, l’Ademe ne peut ignorer que la France a tout misé depuis un demi-siècle sur le nucléaire en terme d’emplois et de revenus des collectivités. Et il n’est qu’à observer l’effroi qui s’empare de certains de nos concitoyens (et de leurs élus) à l’idée de fermer deux réacteurs pourtant anciens, ceux de Fessenheim (Haut-Rhin), pour comprendre que le no atome n’est pas encore inscrit dans les mœurs hexagonales.
Arnaud Gonzague