Contrôle des médias par la CIA (suite)
Démocratie. Notre interview exclusive avec l’éditeur
allemand lanceur d’alerte contre la CIA
Des détails fascinants font surface. Des groupes de réflexions en vue et les services secrets allemands sont complices.Tentative d’étouffement par menace de poursuites judiciaires. Black-out dans les médias allemands
En exclusivité pour Russia Insider, le journaliste Eric van de Beek s’entretient avec le rédacteur en chef qui fait sensation avec ses allégations sur le paiement par la CIA de professionnels des medias allemands pour qu’ils tournent leurs articles dans un sens favorables aux buts américains.
On a écrit là-dessus il y a deux semaines
(= link to russia-insider.com =)
et cet article est devenu l’un des plus lus de notre site.
Udo Ulfkotte révèle dans son succès de librairie “Journalistes achetés” comment on lui a “enseigné à mentir, à trahir, et à ne pas dire la vérité au public”.
L’ancien rédacteur en chef de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui est l’un des plus grands journaux allemands, était en secret employé par la CIA et les services secrets allemands, présentant les informations d’une façon biaisée favorable aux Etats-Unis et mauvaise pour leurs opposants.
Dans son dernier entretien, Ulfkotte soutient que certains médias ne sont rien d’autre que des organes de propagande de partis politiques, d’agences de services secrets,
de groupes de réflexion internationaux et d’entités de la haute finance.
[…]
Maintenant, plus de détail de l’entretien :
“Journalistes achetés”, qui sont-ils ?
“On parle de marionnettes au bout de leur fil, de journalistes qui écrivent ou disent quoique ce soit que leurs maîtres leur dictent. Si vous regardez comment les journaux grand public rendent compte du conflit en Ukraine et si vous savez ce qu’il en est réellement, vous voyez le tableau. Les maîtres en arrière-plan poussent à la guerre avec la Russie et les journalistes occidentaux coiffent leur casque”
“Et vous étiez l’un d’entre eux, et maintenant vous êtes le premier à lancer l’alerte ?
“j’ai honte d’y avoir participé. Malheureusement, on ne peut pas changer ce qui a été fait. Quoique mes supérieurs au Frankfurter Allgemeine Zeitung aient approuvé ce que j’ai fait, je reste encore à blâmer. Mais oui, en effet, du mieux que je sache, je suis le premier à m’accuser et à apporter la preuve que beaucoup d’autres sont à blâmer”
Comment êtes-vous devenu un journaliste acheté ?
“Les choses ont commencé très tôt après le début de ma collaboration au Frankfurter Allgemeine Zeitung. J’ai appris à considérer les invitations luxueuses comme tout à fait acceptables et à écrire en retour des articles positifs. Plus tard j’ai été invité par le German Marshall Fund of The United States [NdT : Fonds Marshall allemand, institution américaine] à voyager aux Etats-Unis.
Ils payaient toutes mes dépenses et me mettaient en contact avec les américains qu’ils souhaitaient que je rencontre. En fait La plupart des journalistes de médias respectés et importants sont en relations étroites avec le German Marshall Fund et l’Atlantik-Brücke [NdT : Pont-Atlantique] et autres organisations dites transatlantiques. Beaucoup d’entre eux en sont même membres. Je suis un membre du German Marshall Fund.
Ce qui se passe est que, une fois que vous êtes en relation, vous vous faîtes des amis avec des américains choisis. Vous pensez qu’ils sont vos amis et vous commencez à coopérer. Ils travaillent sur votre ego, et vous conduisent à vous sentir important. Et un jour l’un d’eux va vous demander ‘pouvez-vous me rendre ce service’ et un encore autre vous demandera ‘pouvez-vous me rendre ce service’ .
On vous fait peu à peu subir un lavage de cerveau. J’ai fini par publier sous mon nom propre des articles écrits par des agents de la CIA et d’autres agences de renseignement, particulièrement le service de renseignement allemand”
Vous avez dit que vos supérieurs approuvaient ?
“Ils approuvaient. De mon point de vue, rétrospectivement, ils m’ont même envoyé faire l’espion. Par exemple en 1988 ils m’ont embarqué dans un avion pour l’Irak, où j’ai voyagé jusqu’à la frontière de l’Iran. En ce temps là Saddam Hussein était encore vu comme un type bien, un allié étroit des Etats-Unis, qui le soutenaient dans sa guerre contre l’Iran. A environ 35 kilomètres de la frontière, en un endroit appelé Zubaidad, j’ai observé des Iraquiens tuant et blessant des milliers d’Iraniens par des attaques au gaz. J’ai fait exactement ce que mes supérieurs m’avaient demandé de faire. J’ai fait des photos des attaques aux gaz. De retour à Francfort, mes chefs paraissaient montrer peu d’intérêt pour les atrocités dont j’avais été le témoin. Ils me permirent d’écrire un article sur le sujet, mais en limitèrent sévèrement la taille comme pour quelque chose de peu d’importance. En même temps ils me demandèrent de passer les photos que j’avais faites à l’association des entreprises chimiques allemandes à Francfort, Verband der Chemischen Industrie. Ce gaz mortel qui avait tué tant d’Iraniens était de fabrication allemande”
Quelle est votre avis sur les voyages de presse ? Les journalistes ordinairement s’excusent en disant qu’ils sont parfaitement capable de suivre leur propre jugement et qu’ils ne s’engagent envers ni rien ni personne
“J’ai participé à des milliers de voyages de presse et je n’ai jamais fait un compte rendu mauvais pour ceux qui payaient les dépenses. Vous ne mordez pas la main qui vous nourrit. C’est là que commence la corruption. Et c’est la raison pour laquelle le Spiegel ne permet pas à ses journalistes d’accepter des invitations à des voyages, sauf s’ils règlent leurs frais eux-mêmes”
Devenir un lanceur d’alertes peut avoir de sérieuses conséquences. Avez-vous des indices que des gens auraient cherché à empêcher la publication de votr livre ?
“Lorsque j’ai annoncé au Frankfurter Allgemeine que j’allais publier un livre, leurs avocats m’ont envoyé un courrier me menaçant de suites judiciaires si je publiais un quelconque nom ou secret – mais je ne m’en soucie pas. Voyez-vous, je n’ai pas d’enfant dont je doive prendre soin. Et vous devez savoir que j’ai été sévèrement blessé pendant l’attaque au gaz à laquelle j’ai assisté en Irak en 1988. Je suis le seul Allemand survivant d’une attaque au gaz allemande. J’en souffre encore. J’ai eu trois attaques cardiaques. Je ne m’attends pas à vivre plus que quelques années.”
Dans votre livre vous mentionnez beaucoup de noms de journalistes achetés. Comment vont-ils à présent ? Ont-ils été renvoyés ? Cherchent-ils à faire effacer leur nom ?
–”Aucun journaliste de la presse grand public n’est autorisé à faire de compte rendu du livre. Sinon il sera licencié.
Donc nous avons un grand succès de librairie sur lequel aucun journaliste allemand a le droit d’écrire ou de parler.
Encore plus choquant : nous avons de très respectés journalistes qui semblent être parti explorer les grands fonds depuis longtemps. C’est une situation intéressante. J’attendais et j’espérais qu’ils me feraient un procès devant un tribunal. Mais ils ne savent pas quoi faire.
L’estimé Frankfurter Allgemeine vient juste d’annoncer qu’il allait virer 200 employés, parce qu’il perd des souscripteurs en très grand nombre et à grande vitesse. Mais ils ne me poursuivent pas. Ils savent que j’ai des preuves pour tout”
Article source : http://russia-insider.com/en/germany_politics_media_watch/2014/11/06/01-08-03pm/our_exclusive_interview_german_editor_turned_cia
NB : Voilà ! C’est clair net et précis. N’imaginez pas que comme le nuage de Tchernobyl, ce genre de pratique s’arrête aux frontières de l’Hexagone. Vous pouvez mieux comprendre maintenant l’aveuglement apparent, la mauvaise foi et l’unanimité des médias classiques chez nous. Entre la pression du pouvoir politique et la peste CIA, les journalistes n’ont plus de marge de manoeuvre. À part quelques courageux, le choix d’un jeune journaliste entre son assiette pleine et sa déontologie est vite fait.. C’est malheureusement très humain…. Nous sommes dans un système perverti jusqu’à la moelle.