Opinion : « Les mains ensanglantées, BHL fait de l’esprit »
Réponse à l’interview de Bernard Henri Levy dans Libération. C’est plutôt bien envoyé !
Bernard-Henri Lévy fait de l’esprit. Très bien. On en déduit qu’il est en forme. Et il est même tellement en forme qu’il nous invite à voler au secours de l’Ukraine.
De cette « nouvelle Ukraine née il y a an sur le Maïdan ». Comme est née, faisant exulter les démocraties occidentales, une nouvelle Lybie. Après tout, les cadavres, avec ce qu’on a maintenant de pétrole à fort bon marché, ce ne sont que de simples dégâts collatéraux.
Le cas de l’Ukraine est encore plus saisissant. Les Lybiens ne mourraient pas en serrant contre le cœur le drapeau de l’UE. Si on en croit Monsieur-je-me-prends-pour-Sartre, de jeunes Ukrainiens sont morts pour l’Europe place Maïdan, abattus par les snipers de Ianoukovitch. Il est vrai que ces jeunes dupes-paix à leurs âmes- avaient été leurrés par les velléités pro-européistes du Président déchu. Un jour sur deux on allait dans le sens d’une intégration économique avec l’UE, un jour sur deux on y renonçait, incertain du résultat et de l’éventuelle réaction de Moscou. Mais de là à dire que ces jeunes pro-Maïdan étaient prêts à mourir pour l’Europe, il faudrait arrêter la pratique vicieuse des reductio ad absurdum.
S’y ajoute le fait que cette Europe tant revendiquée par ces jeunes idéalistes tombés sous les balles de snipers anonymes, loin d’être représentée par le drapeau bleu piqué d’étoiles scintillantes, incarnait plutôt un pays sans corruption, un pays où il y a du boulot.
C’était l’Europe en Ukraine et non l’Ukraine en Europe avec toutes ses « valeurs » spécifiques inapplicables aux réalités du monde eurasiatique parce qu’incompatibles et indésirables. Cette nouvelle Ukraine que M.BHL oppose à l’ancienne dans une récente tribune du 25 janvier publiée sur les pages de Libé, n’a-t-elle pas concentré toute la haine inqualifiable et délirante que les oligarchies sans foi ni racines nourrissent vis-à-vis des peuples,notamment des peuples non-alignés?
Cette nouvelle Ukraine, n’est-elle pas celle de la division? Le Donbass ne veut plus entendre parler de Kiev, notre philosophe n’a qu’à y faire un tour pour en avoir le cœur net. Les populations d’origine roumaine et hongroise appelées sous les drapeaux ont préféré regagner leur bercail historique en attendant la fin de la mobilisation dans des motels de l’autre côté de la frontière.
Le nombre de réfugiés ukrainiens en Russie-car il est fréquent que les victimes cherchent refuge chez leur agresseur!-oscille entre 2 millions et 2,5 millions de personnes. Enfin, quid des cyborgues dont une partie,une fois sur le terrain, rejoint l’insurrection concevant avoir été trompée puis balancée dans une guerre fratricide qui sera une défaite et pour le pays(émietté), et pour les deux parties en conflit?
Si la Novorossia perd, c’est l’Ukraine qui perdra. Les gagnants ne sont pas ukrainiens.
Ils se moquent des Ukrainiens comme ils se moquent éperdument des Syriens massacrés par une opposition djihadiste aussi mondialiste qu’eux-mêmes. Normal. Quand on est de la caste des élus,on peut se permettre de régler en untermensch. Cela me fait penser aux étranges préoccupations d’AFP qui feint de s’inquiéter des conséquences qu’entraîneraient les sanctions sur la commercialisation des produits de luxe en Russie-rouge à lèvres de Dior et lingerie dentellée-sans trop se soucier des SDF français. C’est à en mourir de rire. Pourquoi ne pas évoquer le sort des jeunes enfants de Gorlovka planqués dans de sombres et froids sous-sols à cause des pilonnages perpétrés par les protégés de l’Europe Occidentale?
Bernard-Henri Lévy ne cesse de nous épater par le ridicule de ses propos. Plus il exhibe quantité de miroirs aux alouettes, plus ces mêmes miroirs reflètent la pensée vampiresque et crasseuse qu’il partage avec les néo-conservateurs américains.
Sa dernière publication dans Libé montre cependant que ce géant du Verbe et du Clavier est à court d’idées. Premièrement, il radote. On croirait à un nouveau résumé d’Hôtel Europe à Odessa. Dommage qu’on ne pouvait ressusciter les morts du 2 mai qui sans doute auraient deux mots à dire sur ce macabre spectacle.
Deuxièmement, le co-auteur de notre BHL-à titre exclusif (?)-n’est autre que Georges Soros, vous savez, le fameux financier milliardaire américain qui a reconnu avoir crée «une fondation en Ukraine avant que l’Ukraine ne devienne indépendante de la Russie, [une fondation qui a fonctionné depuis et a joué un rôle important dans les événements d’aujourd’hui]. Que d’efforts à 84 ans pour prendre la tête de la Banque centrale de Kiev. M. Soros, se croirait-il éternel? Tout comme M. Lévy se croirait éternellement crédible en dénonçant, main dans la main avec son co-auteur, de un, «l’oligarchisme prédateur» de l’«Ukraine d’hier»,de deux, la corruption généralisée.
C’est fort original quand on voit qui dirige l’Ukraine d’aujourd’hui. Autre trait d’humour à ne pas manquer: les réformes! Il est vrai que la dénationalisation partielle du gouvernement avec 3 ministres étrangers dans le gouvernement dont l’un ne parle ni ukrainien, ni russe, la vente aux enchères des grandes entreprises énergétiques, sidérurgiques et agro-alimentaires, la suppression progressive des aides sociales constituent autant de réformes indispensables à l’intégration européenne du pays.
Enfin, voici la cerise sur le gâteau. Selon BHL et co, il faudrait obtenir des dirigeants occidentaux que «tel fonds d’aide, en principe réservé aux peuples de l’Union, soit étendu à ces Européens de cœur et d’adoption». Et l’austérité alors? Les peuples européens vont sans doute apprécier cette faveur des Soros et Lévy vis-à-vis d’un pays qui est, soyons réalistes, le cadet de leurs soucis. Et ils vont doublement apprécier en apprenant- si ce n’est pas encore arrivé- que leurs impôts serviront au financement des opérations militaires de Kiev dont les civils sont les premiers à pâtir.
Toujours plus d’austérité au nom d’une guerre contre les peuples et pour les oligarchies économiques atlantistes et pro-atlantistes.
Suivant cette logique, comment ne pas donner raison à Alexandre Zakhartchenko, Président de la RPD, qui «rendant» les cyborgues prisonniers à leurs parents leur demande de ne plus jamais regagner le front «parce que cette guerre n’est pas [la leur], cette guerre n’est pas la nôtre».
Celle des BHL, des Soros, des banquiers de Wall Street, des faucons néo-conservateurs et d’autres «grands amis» de l’Europe qui contribuent à sa perte. Avec un peu de chance et de bon sens, l’Ukraine se sauvera elle-même, sans les BHL et leurs béquilles, les ONG. Qu’elle craigne les Danaens*, même porteurs de présents.
Françoise Compoint
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