Révision des bases cadastrales : quel impact sur vos impôts locaux ?
Cinq départements – dont Paris – vont expérimenter dès 2015 la révision des valeurs locatives des logements qui servent à calculer notamment la taxe foncière et la taxe d’habitation. Les conséquences pourraient être lourdes.
Les impôts locaux pourraient flamber. Bercy va réviser les valeurs cadastrales, qui servent de base aux calculs des taxes foncières et d’habitation dans 5 départements, dont Paris. La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation sera expérimentée en Charente-Maritime, dans le Nord, l’Orne, le Val-de-Marne et… Paris , selon un arrêté publié au « Journal officiel » du 26 décembre 2014. Un rapport sera rendu au parlement en septembre 2015, pour une intégration dans les rôles adressés aux contribuables en 2016. Le reste du territoire est voué à la même actualisation au plus tard en 2018.
Certaines taxes foncières et d’habitation vont ainsi fortement augmenter, d’autres pourraient baisser. Les impôts locaux (taxe d’habitation et taxe foncière) sont calculés sur la valeur cadastrale des biens. Or cette valeur, fruit d’un travail d’enquête réalisé par l’Etat… en 1970, correspond à un loyer qui n’a rien à voir avec les loyers du marché aujourd’hui. A l’époque, les immeubles anciens de cœur de ville – les appartements haussmanniens parisiens par exemple – ne jouissaient pas du confort le plus élémentaire, sanitaire en particulier, tandis que les constructions récentes de périphérie, étaient équipées de façon moderne. La réalité s’est largement inversée, et le patrimoine intra-muros, à la faveur de vagues de rénovation et de réhabilitation, a été transfiguré. Cette réforme d’actualisation des valeurs cadastrales a pour but de remettre la taxe foncière en ligne avec la valeur effective des propriétés. Comme les prix de l’immobilier ont flambé ces dernières années, il faut donc s’attendre à des hausses massives de ces valeurs locatives et donc des impôts locaux sur ces biens. « Il est incontestable que ces bases doivent être revues, par pur conformisme économique. L’impératif d’équité est mis à mal, et les mieux lotis paient moins que les autres. Il résultera de ce travail d’actualisation une photographie fiable du patrimoine des Français et chacun paiera selon la qualité de l’actif détenu ou utilisé », souligne Sylvain Elkouby, dirigeant-fondateur de SyndicExperts.com.
Les taxes pourraient être multipliées par 3 à 5
Mais ce principe d’équité cache un effet pervers. Les bases cadastrales sont calculées en multipliant pour chaque bien concerné la valeur locative qui y est attachée par un taux voté par chaque commune. Or ces taux, ont été revalorisés, notamment pour compenser l’obsolescence des bases. « A Paris, la taxe foncière a déjà cru de 68 % entre 2007 et 2012 », rappelle Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes. Or les professionnels de l’immobilier doutent sérieusement d’un futur rééquilibrage à la baisse de ces taux. « Quelle sera l’attitude des assemblées municipales lorsque les nouvelles bases seront inscrites au cadastre et mises à la disposition des élus pour le calcul des taxes ? Si on augmente les valeurs locatives, il serait légitime qu’on ajuste les taux à la baisse. Or, baisseront-ils ? Précisément, on peut en douter… », alerte Sylvain Elkouby.
S’il n’y a pas de baisse des taux d’impôts locaux, la révision des bases locatives pourrait entraîner une très forte augmentation des taxes, qui « pourraient être multipliées par 3 à 5 pour les immeubles de début de siècle au cœur des principales agglomérations, plutôt par deux pour les immeubles des années 70 », avertit Thibault de Saint-Vincent. « Les taxes en revanche pourraient baisser pour les biens immobiliers en France profonde, qui ont subi une décote importante depuis les années 70 » ajoute-t-il.
Pour lui, « les bailleurs privés sont déjà découragés face à l’augmentation des charges de toutes sortes. Aujourd’hui, il n’y a plus d’intérêt économique à être propriétaire d’un bien locatif. A la fin d’un bail, un propriétaire sur deux décide de ne pas le renouveler chez Barnes et de mettre le bien en vente. La révision des bases cadastrales est un coup de plus porté contre les propriétaires. Elle va ralentir encore les transactions, bref, représente un nouvel obstacle à la fluidité du marché immobilier », met en garde le président de Barnes.
Hausse de taxes : simulations
Exemple 1 :
Appartement de 3 pièces (70 m2) situé place de l’Odéon à Paris 5è, dans un immeuble ancien du XVIIIème siècle.
Aujourd’hui : Montant de la taxe foncière : 1.327€, base : 6291€. Taux Commune 8.37%. Taux Département 5.13%. Taux spécial d’équipement 0.42%. Taxe ordures ménagères 6.21%
Après une révision des bases cadastrales : La base serait la valeur locative de l’appartement, soit 6.291€ ou 524€ par mois. Dans la réalité, cet appartement est loué 2693€. On applique une décote de sécurité de 25%* pour parvenir à une valeur locative estimée de 2000€. La révision des valeurs cadastrales entrainerait alors une hausse de la taxe foncière de 400%.
Exemple 2 :
Appartement de 3-4 pièces (88 m2) situé rue de Rouvray à Neuilly-Sur-Seine, dans un immeuble construit en 2004.
Aujourd’hui : Montant de la taxe foncière : 985€, base 7298€. Taux Commune 2.90%. Taux Département 7.08%. Taux spécial d’équipement 0.30%. Taxe ordures ménagères 2.52%
Après une révision des bases cadastrales : La base serait la valeur locative de l’appartement, soit 7.298€ ou 608€ par mois. Dans la réalité, cet appartement est loué 2800€. On applique une décote de 25%* pour parvenir à une valeur locative estimée de 2100€. La révision des valeurs cadastrales entrainerait alors une hausse de la taxe foncière de 350%.
Impôts locaux : mode de calcul
Les quatre taxes familières que sont la taxe d’habitation, la taxe foncière, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ainsi que la contribution foncière des entreprises, sont calculées en multipliant pour chaque bien concerné la valeur locative nette* qui y est attachée par un taux voté par chaque collectivité territoriale (communes, départements, régions).
* « Les valeurs locatives sont entre 75 et 80% inférieur à la valeur réelle sur le terrain. Si on applique un prix au m² de 30€, on se basera souvent sur 24-25€ – C’est un abattement de sécurité » explique Thibault de Saint-Vincent.*La valeur locative nette est égale à la valeur locative cadastrale du bien, diminuée d’abattements (abattement forfaitaire obligatoire : de 50 % pour la détermination de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de 20 % pour la détermination de la taxe foncière sur les propriétés non bâties). Après application de l’abattement, le fisc multiplie cette valeur locative nette par des taux qui sont fixés annuellement par les collectivités territoriales (communes, départements, régions).
Hélène Dupuis pour :