PEUT-ON SORTIR DE LA ZONE EURO ?

La question est de taille pour l’avenir. Tellement que la bataille fait rage chez les politiques comme chez les économistes.

Pour vous aider à voir plus clair, voici un quizz proposé par Le Figaro Économie, via la question grecque. On ne peut guère les soupçonner d’anti-libéralisme primaire.

Le plus surprenant, c’est que leur réponse est oui. Ceci dit, l’analyse des conséquences est la leur et méritera d’être creusée. Mais il est important, voire fondamental  que vous le sachiez.

La Grèce peut-elle réellement sortir de la zone euro ?

VRAI / FAUX – Le traité de Lisbonne prévoit une porte de sortie pour les États membres désireux de quitter le club des 28. Mais abandonner la monnaie européenne est plus complexe.

Explications.

Le «Grexit» fait son grand retour. Ce scénario d’abandon par Athènes de la monnaie unique européenne, redouté au pic de la crise de la dette en 2011, a ressurgi avec des informations parues ce samedi dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Depuis la Commission européenne a voulu rassurer en affirmant que l’appartenance à l’euro est «irrévocable». Mais que disent exactement les textes européens?

• N’importe quel pays membre peut quitter l’Union européenne.

VRAI.Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, inclut une clause de retrait. L’article 50 indique ainsi que «tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union». Le traité prévoit que «l’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union». Cet accord est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

Le retrait est acté dans un délai maximum de deux ans «sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai», précise le traité. «Avec cet article, c’est la première fois que la possibilité d’une sortie de l’Union européenne est évoquée. C’est tout à fait innovant», précise Vivien Pertusot responsable du bureau de l’Ifri à Bruxelles.

• Les traités prévoient aussi un retrait de la zone euro.

FAUX. «Rien n’est prévu à ce sujet dans les traités, car cette possibilité n’a jamais été envisagée», explique le spécialiste de l’Ifri. «Comme aucune sortie n’est prévue, cela signifie que l’adoption de l’euro a un caractère irréversible. Tous les pays entrés dans l’Union européenne doivent se plier à cette exigence de rentrer dans l’union monétaire s’ils remplissent les conditions définies par les traités. À moins d’obtenir des dérogations légales, comme le Royaume-Uni ou le Danemark», explique Vivien Pertusot.

Toutefois, l’adoption de l’euro n’a rien d’irrévocable, comme l’a pourtant affirmé hier Annika Breidthardt, porte-parole de la Commission. «Ce qui est irrévocable, et qui est précisé dans l’article 140 alinéa 3 du traité de Lisbonne, c’est le taux auquel l’euro remplace la monnaie de l’État membre concerné. La Commission exagère la lecture de ce traité», assure Vivien Pertusot.

• Un pays membre de la zone euro peut abandonner la monnaie unique tout en restant au sein de l’Union européenne

VRAI ET FAUX. Les déclarations de la Commission européenne laissent penser que toute sortie de l’Union européenne entraîne de fait une sortie de la zone euro. «Le traité ne prévoit pas de sortie de la zone euro sans sortie de l’UE. C’est la situation actuelle», affirmait d’ailleurs la porte-parole Karolina Kottova en 2011.

Mais il s’agit encore d’une interprétation très large des textes européens. «D’un point de vue purement légal, il n’y a pas de cause à effet entre les deux phénomènes. L’abence de cadre juridique pour la sortie de la zone euro fait qu’un pays pourrait demander l’abandon de l’euro tout en se maintenant au sein de l’UE ou même l’inverse!», assure le spécialiste de l’Ifri.

«En revanche, le problème est de savoir auprès de qui le pays désireux d’abandonner la monnaie unique doit déposer sa demande. Il devrait s’adresser à la Commission européenne, ayant compétence exclusive en matière de politique monétaire des pays de la zone euro, mais elle n’est pas outillée pour une telle démarche», affirme Vivien Pertusot.

L’abandon de la monnaie unique passe donc pour l’instant inévitablement par une sortie de l’Union européenne. «Mais tout est possible avec une révision des traités. On peut imaginer que l’UE révise les textes et prévoit une clause de sortie de la zone euro de façon à permettre à un pays comme la Grèce d’en sortir- et de modifier par exemple les conditions d’adoption de la monnaie unique – tout en la maintenant au sein de l’Union européenne. Avec la possibilité de négocier les conditions d’un retour. Tout est jouable, mais on est dans la politique fiction», précise Vivien Pertusot.

• L’expulsion forcée d’un pays par les autres membres est possible.

FAUX. Les textes européens ne permettent pas d’exclure un pays de la zone euro. «Même en cas de non-respect des engagements économiques par un pays membre, cette option n’est pas prévue», explique le spécialiste de l’Ifri. L’UE peut toutefois pousser un pays vers la sortie de manière indirecte, via des pressions économiques. Ce scénario circulait en 2012 pour la Grèce. Si Athènes ne poursuivait pas ses efforts de rigueur, les états membres pouvaient envisager d’interrompre le versement des aides et la BCE de stopper les prêts aux banques. A court de liquidités, le gouvernement n’aurait eu d’autres choix que de ré-imprimer des drachmes, sortant ainsi de facto de la zone euro….

• Les conséquences d’une sortie d’un État de la zone euro seraient importantes.

VRAI. «D’un point de vue politique, cela enverrait un terrible signal. La sortie d’un État entamerait sérieusement la crédibilité du projet politique qu’est la zone euro. C’est pour cela qu’à mon sens, une sortie de la Grèce est peu probable», assure Vivien Pertusot. Ce dernier avis est partagé par Christopher Dembik, analyste chez Saxo Bank: «à court terme, il n’y a aucune raison qu’après les efforts massifs consentis par les Grecs et la solidarité manifestée par les autres pays de la zone euro que Syriza et/ou la troïka choisissent la voie de la rupture et le retour à la drachme», explique-t-il.

D’un point de vue économique, la crainte d’un «Grexit» fait toutefois trembler les marchés boursiers qui ont chuté hier, tout comme la monnaie unique, tombée sous 1,20 dollar. Les analystes craignent l’arrêt des réformes fondées sur la politique d’austérité, dictée par l’UE et le FMI. Ils redoutent également l’effet systémique, même si ce dernier est balayé par l’Allemagne en raison des progrès en Espagne, au Portugal, en Irlande et de la création du Mécanisme européen de stabilité (MES).

«En dépit des garde-fous, il sera très difficile de circonscrire les conséquences d’un Grexit. Les précédents historiques montrent qu’il est quasiment impossible de maintenir en l’état une union monétaire lorsque le processus de décomposition a commencé.

Les marchés financiers ne manqueront pas de se tourner vers les autres pays vulnérables où la croissance est atone voire négative, où l’inflation est problématique et où la soutenabilité de la dette est une question ouverte», affirme Christopher Dembik. «On peut toutefois considérer qu’un scénario catastrophe pour les économies nationales n’est pas automatique. Le risque de bond de l’inflation n’est pas inévitable et dépendra étroitement des choix de politique monétaire et de politique budgétaire», conclut ce dernier.

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/01/06/20002-20150106ARTFIG00227-la-grece-peut-elle-reellement-sortir-de-la-zone-euro.php

 

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