La zone euro bascule dans la déflation

Le Q.E. ou « planche à billets », vous connaissez ? C’est la pommade contre les hémorroïdes de la finance. Ça calme la douleur momentanément mais ne guérit rien. La solution, c’est le coup de bistouri pour dégonfler les varices et un régime sain…

Pourtant, c’est sans doute la solution proposée par les dr Diafoirus de l’économie Européenne

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Les prix dans la zone euro ont reculé de 0,2 % en décembre. Une première depuis plus de cinq ans. La menace de la déflation, qui se définit comme un recul généralisé et durable des prix, devient réelle.

Pour la première fois depuis septembre 2009, les prix ont baissé dans la zone euro. De 0,2 % en décembre. Depuis près d’un an et demi, l’inflation était faible, en dessous de 1 % en rythme annuel. Cette fois, l’évolution des prix est négative. La zone euro est entrée dans le territoire de la déflation.

Selon la définition de l’Insee, la déflation est «une diminution générale et durable des prix». Ce premier chiffre négatif, publié mercredi par Eurostat, pour le mois de décembre, n’est encore qu’une première alerte. Pour que la situation réponde techniquement à la définition de déflation, il faut que la baisse des prix se prolonge plusieurs mois, comme c’est le cas au Japon depuis plusieurs années.

Mais tout porte à croire que ce sera le cas. «Il y a un vrai danger d’une période durable de déflation», note Jonathan Loynes, économiste en chef pour l’Europe du cabinet Capital Economics. Même son de cloche chez Markit: «Le taux d’inflation a toutes les chances de s’enfoncer davantage en territoire négatif dans les prochains mois à mesure que la chute des prix du pétrole se diffuse jusqu’aux prix à la consommation», confirme Chris Wiliamson, l’économiste en chef de la société d’informations financières.

Car c’est bien la dégringolade spectaculaire du baril d’or noir qui pousse l’ensemble des prix à la baisse. Le baril de Brent a franchi mercredi matin – pendant quelques minutes avant de se reprendre – la barre symbolique des 50 dollars. Depuis le pic de la mi-juin, le pétrole a perdu 56 % de sa valeur! Son prix est au plus bas depuis la fin avril 2009. Les économistes n’entrevoient pas à brève échéance de rebond du marché pétrolier. La production américaine et russe de brut est au plus haut, l’Arabie n’entend pas fermer son robinet pour préserver sa part de marché, et face à cette offre historiquement abondante, la demande mondiale progresse au ralenti.

La déflation, est-ce grave?

Pour le consommateur, la baisse des prix est synonyme de gain de pouvoir d’achat. Les automobilistes en font l’expérience en faisait le plein à la station service. Pour les entreprises du secteur non pétrolier, cela signifie des baisses de coût de production. Les «responsables politiques voient (la baisse du prix du pétrole) comme un bon stimulant pour l’économie, note Chris Williamson de Markit. «Les prix affaiblis de l’énergie gonflent les montants d’argent disponibles pour être dépensés ailleurs et augmentent les bénéfices dans les entreprises des secteurs hors énergie».

Mais les économistes sont inquiets. Pour eux, la déflation n’est pas une bonne nouvelle. Dans la zone euro, frappée par un chômage massif à 11,5 % (chiffre de novembre, publié ce mercredi) et une croissance «plus ou moins stagnante en décembre» selon Markit, la déflation est considérée comme une menace. C’est d’ailleurs le mandat principal de la Banque centrale européenne (BCE) d’assurer un minimum d’inflation, à 2 %. Car dans un contexte de croissance morose et de chômage de masse, la baisse des prix ne stimule pas forcément la consommation et l’activité mais peut au contraire entraîner un cercle vicieux de report des achats, voire de baisse des salaires.

Le 2 janvier, le président de la BCE Mario Draghi estimait que «le risque (d’une déflation) n’est pas exclu» . Les marchés ont surtout retenu le début de la phrase, ce qui a précipité la baisse de l’euro contre le dollar, qui a atteint son plus bas niveau depuis neuf ans.

De nombreux analystes s’attendent à ce que la BCE décide, lors de sa réunion du 22 janvier, d’injecter massivement des liquidités pour ranimer l’économie européenne, en rachetant de la dette d’État, cet instrument de politique monétaire que l’on appelle l’assouplissement quantitatif ou quantitative easing, «QE» en anglais.