US : 2 millions 1/2 d’enfants SDF
Le drame des enfants sans domicile fixe
Aux États-Unis, un enfant sur trente est sans-abri. Ce sont les données qui ressortent du récent rapport publié mi-novembre par le National Center of Family Homelessness (centre national de la famille sans-abri). On apprendra en le lisant que la pauvreté y a fait un bond de 8 % entre 2012 et 2013 et que plus de 2,5 millions d’enfants sont aujourd’hui sans domicile fixe. La rue, les voitures, les campings, les espaces confinés où règne la promiscuité font partie pour eux d’un quotidien qui les oblige à jongler avec les situations précaires.
Le rapport met en avant les effets potentiellement dévastateurs à long terme de la pauvreté et de l’itinérance des enfants. Près de 25 % d’entre eux souffrent ainsi à l’âge préscolaire de troubles de santé mentale… un pourcentage qui atteint jusqu’à 40 % chez les enfants scolarisés. La compilation des données rassemblées sur le terrain montre que ces enfants sans-abri sont plus exposés à la maladie et beaucoup plus susceptibles de rencontrer des problèmes émotionnels ou cognitifs.
« Dans une Nation qui ne manque ni de richesse, ni d’opportunités, cette situation est intolérable ». Carmela J. DeCandia, directrice du centre, n’y va pas par quatre chemins.
« Nous n’avons pas été assez attentifs, et il faut impérativement mettre un frein à cette situation avant qu’elle ne nous échappe ». Des raisons multiples et complexes expliquent une précarisation accrue de ces enfants. En effet, les situations de détresse augmentent de façon générale et notamment chez les personnes connaissant des ruptures dans leurs trajectoires, parmi lesquelles on trouve de nombreuses femmes élevant seules leurs enfants.
Ce sont avant tout des événements liés à la vie familiale ou à l’emploi qui influent sur l’entrée dans la pauvreté. Les foyers monoparentaux sont ainsi plus fréquemment concernés par la pauvreté persistante. 39,9 % des familles monoparentales formées par la mère étaient en 2013 sous le seuil de pauvreté, contre 7,6 % des ménages composés d’un couple marié.
On remarquera aussi qu’aux États-Unis, l’origine raciale influence grandement les destins : le taux de chômage des Noirs est systématiquement au moins deux fois supérieur à celui des Blancs, indique l’Economic Policy Institute. En 2013, près d’un travailleur noir sur cinq s’est ainsi retrouvé au chômage.
Et les Hispaniques ne sont guère mieux lotis. Des difficultés qui se répercutent concomitamment sur les jeunes générations. Quelque 50 % des enfants blancs nés aux États-Unis depuis 1980 passeront une partie de leur enfance dans une famille monoparentale ; la proportion s’élève aux alentours de 80 % pour les enfants noirs… une différence due surtout au nombre croissant des enfants noirs nés hors mariage. Cela s’explique par le fait que les pressions économiques ont pesé plus durement sur les Noirs. En 1955, la différence des taux de chômage chez les hommes jeunes noirs et blancs était à peu près négligeable.
Le United States Department of Housing and Urban Development (département du logement et du développement urbain des États-Unis) avait estimé en janvier 2013 à 610.042 le nombre de sans-abris. La plupart d’entre eux (65 %) vivaient dans des logements d’urgence, le reste (35 %) étant voué aux quatre vents. Près d’un quart de ces sans domicile fixe (23 %, soit 138.149) sont des enfants âgés de moins de dix-huit ans et 10 % (soit 61.141) avaient entre 18 et 24 ans. Des chiffres bien inférieurs à ceux du United States Department of Education (département de l’éducation) qui englobe les familles sans-abri séjournant épisodiquement dans des motels, en famille ou chez des amis.
Quel que soit le chiffre exact de ces jeunes livrés à eux-mêmes, il est clair, pour les associations d’éducation et d’aide aux démunis, que les jeunes les plus touchés durant la crise sont loin de sortir la tête de l’eau. Le mode de vie à l’américaine constituait jusqu’ici une promesse d’abondance, celle d’une consommation de masse marquée par la profusion et le renouvellement permanent des marchandises… jusqu’à l’overdose. Le moins que l’on puisse dire est que le mythe est désormais sérieusement écorné.
Capitaine Martin