Manipulation : La dissonance cognitive
Encore une notion qu’il est bon de connaître pour débusquer la manipulation.
Attention ! Le site dont est issu l’article est consacré au mensonge et à la manipulation comme outils. L’intérêt de l’affaire, c’est qu’il y est dévoilé en creux ce dont nous devons nous méfier pour garder un bon esprit critique et ne pas nous retrouver victime de pièges que nous n’avons pas vu venir.
La dissonance cognitive : mettez vos interlocuteurs en conflit avec eux-même et profitez-en
Si vous suivez le blog régulièrement, vous avez déjà lu plusieurs articles qui parlaient de la technique de l’engagement. Je rappelle que cette technique consiste à demander un petit service avant d’en demander un plus conséquent. Pourquoi sommes nous plus enclin à accepter un gros service lorsqu’on nous en demande un plus petit juste avant ?
Ce n’est pas magique, il y a une explication rationnelle à ce phénomène psychologique.
L’explication, c’est la théorie de la dissonance cognitive.
Illustrons cette théorie avec un exemple simple d’une expérience qui a eu lieu il y a une quarantaine d’années. On demandait à des sujets opposés à la peine de mort de construire un argumentaire en faveur de la peine de mort et de l’exposer à un petit auditoire. Finalement, après l’expérience, le sujet se prononçait moins défavorable à la peine de mort qu’avant l’expérience.
Conclusion ? Un processus psychologique l’a poussé à accepter d’avantage la peine de mort pour diminuer la contradiction entre « ce qu’il pense » et « ce qu’il a écrit dans son argumentaire ». Il y avait une dissonance entre l’acte (l’écriture de l’argumentaire) et la pensée (le jugement qu’il avait de la peine de mort avant l’expérience). En acceptant un peu la peine de mort, le sujet a pu réduire cette dissonance.
La dissonance cognitive dans la vie de tous les jours
Prenons des exemples de la vie de tous les jours.
Les fumeurs justifient souvent leur addiction par le fait « qu’il faut bien mourir de quelque chose » -> « Le tabac tue ? Oui d’accord, mais je vais bien mourir un jour de toutes façons ». Par ce biais, le fumeur réduit la dissonance entre ses actes (« je fume ») et ses pensées (j »e sais que fumer tue »). Ainsi, il continuera à fumer sans trop se contredire.
Une secte millénariste croyait en la fin du monde à une date donnée. Lorsque cette date arriva et que rien ne se passa, la secte ne se remit nullement en question et transforma sa croyance en faisant croire à ses membres que la Terre avait été sauvée grâce à leurs prières et qu’il fallait continuer. Encore une fois, cette secte a su réduire la dissonance entre ses actes (« nous nous sommes préparés en priant ») et ses pensées (« la fin du monde ») grâce à une histoire de prières magiques.
La dissonance cognitive et le marketing
Finalement, cette théorie induit le dogme suivant : il est plus simple de réduire la dissonance entre nos actes et nos pensées que d’admettre une nouvelle idée. Il aurait été bien plus compliqué pour la secte millénariste d’admettre que la fin du monde était une supercherie plutôt que d’affirmer cette histoire de prières.
En marketing, la dissonance cognitive est très utilisée :
- Des fabricants de logiciels et de matériels (Microsoft, Apple etc) sponsorisent des écoles pour habituer les étudiants à leurs produits. Ainsi donc, ces mêmes étudiants auront plus de mal à changer leurs habitudes en choisissant une autre marque dans leur vie professionnelle.
- Le principe est le même pour les formations gratuites destinées aux débutants : en présentant leurs produits à des personnes neutres et sans expérience, le fabriquant espère se positionner dans l’esprit des spectateurs.
La dissonance cognitive et les « fanboys »
« Plus un apprentissage a été difficile, moins l’individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné »
Ce corolaire de la théorie de la dissonance cognitive explique parfaitement l’attachement de certains mordus d’informatique à des systèmes d’exploitation ou logiciels pas vraiment simples et agréables à utiliser. « J’en ai trop bavé pour dire aux autres que c’est pas si génial que ça au final. »
Comment réduisons nous la dissonance cognitive ?
Nous avons instinctivement plusieurs méthodes pour réduire la dissonance entre des actes et des pensées contradictoires :
- La trivialisation. Elle consiste à dévaloriser notre acte. Exemple dans la fable du Renard et des raisins d’Ésope : le renard n’arrive pas à attraper ses raisins, il se convainc que finalement, ces raisins n’avaient pas l’air si fameux que ça.
- Le support social. Le cas du fumeur est encore une fois assez typique : pourquoi deux fumeurs qui ne se connaissent pas auront-ils tendance à discuter tout naturellement s’ils grillent une cigarette sur le même banc dans un parc public ? Simplement pour s’entourer de personnes qui souffrent de la même dissonance cognitive qu’eux à l’égard du besoin de fumer. Ce besoin est inconscient, mais il existe.
- La rationalisation consonante. Vous hésitez par exemple entre deux voitures, A et B. Vous choisissez finalement la voiture A. Pour ne ressentir aucune dissonance et pour ne pas regretter votre choix, vous allez ajouter des éléments consonants à votre choix : « j’ai bien fait de choisir cette voiture, il y a un super auto-radio ». Vous allez même peut-être ajouter des éléments dissonants sur l’autre choix : « j’ai bien fait de choisir cette voiture, l’autre n’a pas des sièges très confortables finalement ».
La théorie de la dissonance cognitive explique un nombre incroyable de théories psychologiques passionnantes que je partagerai avec vous dans de futurs articles. Vous vous doutez bien qu’un levier psychologique comme celui-là est aussi une arme manipulatrice extrêmement puissante… nous verrons comment en profiter.