Bio : distinguer le vrai du faux
Faux logos bio, bio-industriel, bio-énergivore, marges importantes des grandes surfaces… La dérive vers un « bio business » est de plus en plus décriée. Comment apprendre à distinguer le vrai du faux ?
Devenu le label référence de tous les consommateurs soucieux de l’environnement et de leur santé, le secteur du bio est en pleine croissance. Mais son succès est-il en train de lui monter à la tête ? En effet, depuis quelques années, on assiste à la multiplication de cas frauduleux et de scandales autour du bio. On pense notamment à la commercialisation à venir de poulets plus industriels que bio, par la marque DUC, objet d’un précédent article et qui semblait annoncer l’arrivée d’un « bio » moins rigoureux.
Multiplication des fraudes au bio
La semaine dernière, le Tribunal correctionnel de Vevey, dans l’ouest de la Suisse, a condamné une agricultrice à 2 ans d’emprisonnement pour escroquerie. Celle-ci a vendu de faux légumes bio entre 2002 et 2006 après avoir modifié, avec l’aide de complices, les étiquettes de ses cageots. Si elle avait bien obtenu la labellisation pour certaines de ses cultures, l’agricultrice utilisait régulièrement du désherbant prohibé et grossissait ses stocks avec des produits issus de l’agriculture conventionnelle.
Si un tel acte de malhonnêté peut sembler anecdotique, une fraude bien grave a été mise à jour le 6 décembre dernier par la police véronaise, dans le nord-est de l’Italie. Celle-ci a intercepté quelque 2 500 tonnes de faux produits bio et démantelé la filière qui les écoulait en Europe. Les produits concernés étaient de la farine, du froment, du soja et des fruits secs avec de faux logos et de faux papiers de certification. Ce trafic, organisé entre la Roumanie et l’Italie, aurait ainsi porté sur plus de 700 000 tonnes, écoulées en plusieurs années. Les produits de base étaient achetés via des sociétés écran puis « transformés » discrètement en faux bio, avant d’être revendus aux consommateurs à un prix quatre fois plus élevés. Sept personnes ont été mises sous mandat d’arrêt, dont les dirigeants des sociétés Sunny Land, Sona et Bioecoitalia, ainsi que le directeur de l’organisme de certification pour la région des Marches.
Les importations rendent-elles les contrôles plus difficiles ?
L’organisation de l’agriculture biologique Italienne (AIAB) a réagi dès l’annonce de cette affaire : » L’éclatante fraude a mis en lumière la faiblesse du secteur que l’AIAB avait plusieurs fois souligné : le problème des matières premières importées, qui vont pour l’alimentation animale du soja à l’orge, et pour la boulangerie de la pâte au pain (…) Nous avions plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur un secteur en plein expansion, pouvant attirer la spéculation et la criminalité.(…) Nous encourageons donc à proposer des produits bio et italiens, provenant d’entreprises exclusivement bio, et si possibles garanties par la marque de l’AIAB, et construire des filières entièrement italiennes . »
Afin de lutter contre ces fraudes, les associations prônent la multiplication des contrôles inopinés mais aussi l’augmentation des surfaces et des variétés cultivées issus de l‘agriculture biologique sur le territoire européen. Car comme le souligne Christopher Stopes, président de l’IFOAM Europe (International Federation of Organic Agriculture Movements), la démarche du bio va bien au-delà de l’achat de produits labellisés. « Plutôt que d’importer pour combler une demande très supérieure à l’offre disponible, il est urgent et nécessaire de développer la bio » ici et maintenant « , sur les territoires français, en aidant les agriculteurs conventionnels à évoluer vers la bio et en soutenant les installations bio » explique-t-il dans un communiqué publié peu après le scandale italien. Ainsi, les associations écologistes rappellent que la bio doit s’inscrire dans un territoire donné, respecter les rythmes des saisons et favoriser les circuits courts pour rester fidèle à sa philosophie de départ.
Quelles sont les autorités compétentes pour contrôler les produits bio ?
Les autorités compétentes
Pour le premier niveau de contrôles dans les exploitations (c’est à dire avant la mise sur le marché ds produits), les autorités compétentes sont les organismes certificateurs, qui sont eux-même contrôlés par l’INAO (l’Institut National de l’Origine et de la Qualité).
A ce jour, 9 organismes sont agréés pour le contrôle des produits bio français :
Agrocert,
Bureau Alpes Contrôles,
Certipaq,
Certis,
Certisud,
Control Union,
Ecocert, Qualité France et
SGS.
Chaque exploitation bio est ainsi contrôlée au minimum une fois par an par un de ces organismes certificateurs et peut également être soumis à des contrôles inopinés.
C’est le Ministère de l’agriculture, plus exactement la DGPAAT, qui a la charge des autorisations d’importation et l’octroi d’autorisations pour l’utilisation de certains ingrédients agricoles non biologiques. De son côté, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) effectue des contrôles après la mise sur le marché des produits. Il peut s’agir de contrôles inopinés ou de contrôles planifiés (surveillance du marché).
Le cas des produits bio importés
Pour les produits en provenance des 27 Etats de l’Union européenne, pas de panique : ils sont soumis à la même règlementation qu’en France. Il s’agit du règlement (CE) n° 834/2007.
Pour être reconnus comme biologiques, les produits hors UE doivent :
– soit provenir de pays tiers dont la réglementation a été évaluée comme équivalente par la Commission européenne : actuellement 10 pays (Argentine, Australie, Canada, Costa Rica, Inde, Israël, Japon, Nouvelle Zélande, Suisse, Tunisie) dont les organismes certificateurs reconnus et les produits concernés figurent dans le règlement (CE) n°1235/2008,
– soit avoir obtenu une autorisation d’importation délivrée par le ministère compétent d’un État membre (pour la France, les modalités détaillées sont disponibles sur le site du ministère de l’Agriculture).
Dans les deux cas, les produits doivent, lors de leur dédouanement, être présentés avec un certificat original de contrôle émis par l’autorité ou l’organisme de contrôle compétent et être contrôlés à chaque étape de la production à la mise en vente auprès du consommateur final suivant un dispositif particulier.
Comment s’assurer soi-même de la fiabilité des produits bio ?
Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que les mentions » sans traitement après récolte « , » sans pesticides » ou » naturels » n’apportent aucune garantie. Seuls les labels officiels comme le label AB ou l’écolabel européen, garantissent des produits répondant aux critères de l’agriculture biologique. Sur le plan formel, un étiquetage correct se doit d’indiquer le numéro de code d’un organisme certificateur. A noter : si l’emballage des denrées préemballées en Europe doit obligatoirement présenter l’écolabel européen (eurofeuille), en revanche, il est facultatif pour les produits importés puis transformés sur le territoire français.
Soyons également conscients que le bio n’est pas toujours synonyme d’agriculture à 100 % respectueuse de l’environnement. On a ainsi pu voir certains cas de culture sous serre particulièrement énergivore, en dépit du respect du cahier des charges bio. En raison de ces incertitudes, vous augmenterez vos chances d’acheter de vrais produits bio à faible impact environnemental en privilégiant les circuits courts ou les magasins spécialisés. En effet, si les associations de consomma’cteurs prônent le bio local et de saison, c’est que ces produits évitent bien des dépenses énergétiques et des déplacements émetteurs en CO². Garder à l’esprit ces trois principes à l’heure de remplir son caddie est certainement la démarche la plus poussée.
Alicia Munoz
SOURCE : http://www.bioaddict.fr/article/produits-bio-comment-distinguer-le-vrai-du-faux-a2534p1.html