Justice : « Une Vème République « crépusculaire »

Dans cette sombre fin de Vème République , les « affaires » qui s’accumulent touchant le pouvoir actuel ou passé, donnent plus l’impression de pièces de vaudeville et de manipulations d’opinion que de justice.

Vous l’aurez remarqué, il y a la justice pour les gens d’en bas, et la justice pour les hommes de pouvoir.  Lorsque l’un de nous, le petit peuple,  commet une infraction ou un crime, la machine judiciaire se met en branle : enquête, procès, condamnation ou non, et application du verdict.

Et là, pas question de s’opposer. Contre le pouvoir, peu de recours. Si peu que cela peut conduire à la mort, comme nous l’a montré l’assassinat de Rémi Fraisse.

Dès que cela touche les intérêts de l’État, et on se demande bien pourquoi (?) cette mécanique bien huilée dérape. Coupable, un peu, beaucoup, passionnément, puis plus du tout.. Ces affaires ne sortent pas du puits de la Vérité, mais plutôt des dossiers de quelque collaborateur de l’État qui les gardaient bien au chaud sous le coude (contre toute éthique), comme leviers d’opinion utiles aux ambitions des uns ou des autres.  Une fois utilisées, elles sont enterrées dans le gouffre profond de l’oubli volontaire.

Quelque soit la couleur politique du ou des prévenus, l’on comprend bien que le corps juridique – enfin, celui qui croit en ce qu’il a choisi de faire –  n’a pas les coudées franches et qu’il s’agit le plus souvent de petits arrangements entre copains.

Rendre publiques des malversations ou des atteintes au droit pour jeter une banane sous les pieds de l’ennemi du moment est une chose. Laisser la justice aller au bout de l’affaire pour aboutir à une éventuelle et juste condamnation et l’appliquer en est une autre. Il ne faut tout de même pas pousser : Lorsque l’on a usé ses fonds de culotte sur les bancs des mêmes grandes écoles, qu’on fréquente les mêmes restaurants, les mêmes golfs, et que nos enfants font la fête ensemble dans les mêmes soirées, ça créé des liens. Entre gens du même monde, on se soutient et ce n’est pas moi qui le dit.

Galadriel

Communiqué de presse du Syndicat de la Magistrature d’Octobre 2009

Lettre ouverte à ceux qui feignent de croire en l’indépendance du parquet*

« Le parquet n’étouffe pas les affaires. »
Jean-Claude MARIN,
procureur de la République de Paris
le 10 novembre 2005

« Il serait erroné de conclure de la hiérarchie
réelle et indispensable du parquet
que ses décisions sont nécessairement
celles de la hiérarchie. Dans les sociétés modernes,
le propre du chef est d’aider à l’émergence
des bonnes décisions, en favorisant le dialogue et l’échange.
Il n’est bien sûr pas question d’imposer
d’en haut des décisions toutes faites.
Cela ne fonctionnerait pas. »

Laurent LE MESLE, procureur général de Paris
Le 9 janvier 2009

« Enterrer des affaires, je ne vois pas pourquoi,
et je ne vois pas surtout comment. »

Michèle ALLIOT-MARIE, garde des sceaux
Le 5 juillet 2009

« Croyez-vous que, aujourd’hui, on puisse
arrêter une affaire sensible ?
C’est impossible et c’est heureux. »

Nicolas SARKOZY, président de la République
Le 8 juillet 2009

« Je remarque que, dans le passé, même s’il y a eu
des tentatives de bloquer certaines enquêtes,
elles n’ont jamais atteint leur but
puisque les médias s’en sont saisis. »

Rachida DATI, député européen
Le 29 août 2009

« La nature ainsi que la structure du parquet
donnent aux magistrats la possibilité d’agir
selon les principes de hiérarchisation interne,
d’indivisibilité et d’indépendance. »
Rapport dit du « comité Léger »

Le 1er septembre 2009

Mesdames et Messieurs les représentants du pouvoir exécutif,
Messieurs les hauts procureurs,

Par vos déclarations angéliques tout entières au service d’un projet politique d’asservissement de la justice, vous contribuez, avec l’autorité qui est la vôtre, à mystifier le peuple français. Vous n’hésitez pas, alors que se joue le destin d’une institution, le juge d’instruction – qui, malgré ses défauts, dont nous étions prêts à discuter, présentait l’immense avantage d’une certaine indépendance – à fausser les termes d’un débat essentiel en affectant de croire que le ministère public, qui vous est tout acquis, pourra mener toutes les enquêtes avec la même indépendance que le juge que vous entendez supprimer.

Vous avez une conscience aiguë, aux fonctions qui sont les vôtres, de la duplicité de votre discours. Vous percevez parfaitement l’un des enjeux principaux de votre réforme, qui est d’anéantir l’une des principales garanties du système pénal actuel, et de contrôler sans réserve toute la justice, alors même que vous savez que son indépendance a été pensée au bénéfice du peuple et non à celui de ses juges.

Le droit comparé vous enseigne que le parquet français est celui dont le rapport entre l’étendue de ses pouvoirs et la précarité de son statut est le moins porteur de garanties pour le justiciable. La Cour européenne des droits de l’Homme vous l’a clairement dit : le ministère public ne présente pas les caractéristiques d’une autorité judiciaire parce qu’il n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Qu’à cela ne tienne : vous renforcez encore son pouvoir sans changer son statut.

Nous n’ignorons pas plus que vous les objectifs de votre discours, parce que nous travaillons chaque jour dans vos parquets, ou à côté, comme juges du siège, mais également au ministère de la justice, où se décide chaque jour le sort des affaires que vous appelez « sensibles ». Nous savons qu’il s’agit pour vous de garder le contrôle absolu de ces affaires, quelles qu’en soit le coût pour la démocratie.

Aujourd’hui, afin que chacun puisse se faire une opinion qui ne soit pas faussée par votre propagande, nous rappelons les faits qui confortent nos inquiétudes et que vous ne sauriez honnêtement contredire : tel qu’il est conçu et tel qu’il fonctionne, le parquet français n’offre pas les garanties minimales d’indépendance et d’impartialité qui vous permettraient de lui confier la direction de toutes les enquêtes. …/…

(vient ensuite une série d’exemples que vous trouverez sur la page originale)

…/…

Ne cherchez pas de scoop, il n’y en a pas. La presse s’est déjà fait l’écho de ces faits, ce qui n’a pas empêché leur répétition… Une actualité chassant l’autre, la mémoire nous fait parfois défaut et on omet d’analyser tous les ressorts de ces affaires judiciaires. Cette compilation ne révèle qu’une chose : la totale hypocrisie de votre discours. Il est aujourd’hui très difficile qu’une affaire sensible prospère devant un tribunal correctionnel lorsque le parquet ne l’a pas souhaité. Demain, avec la suppression annoncée du juge d’instruction, il faudra un miracle. Mais tout cela, vous le savez, puisque c’est essentiellement dans cet objectif que vous l’avez décidée.

LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE (1)

Une cinquième République crépusculaire

…:/…

Certes, la loi du 25 juillet 2013 interdit les instructions individuelles du ministre de la justice dans les dossiers. Mais le Garde des sceaux est toujours le chef du parquet. Les procureurs ont une obligation de l’informer  des rapports, annuels ou particuliers.  Et l’exécutif  conserve encore tous les moyens qui permettent d’accélérer ou de ralentir le cours de la justice. Il peut décider du nombre d’officiers de police judiciaire affectés à un dossier. Il décide seul de déclassifier les dossiers « secret défense ». Il décide aussi des poursuites en matière fiscale. 

Dès lors, il importe peu d’observer que la ministre de la justice a tenu sa promesse de ne pas intervenir dans le cours des affaires, ou même de constater que le pouvoir en place n’a objectivement aucun intérêt à retarder le cours des dossiers de M. Sarkozy. Il importe peu de rappeler que le nouveau parquet financier a pris de décisions normales lorsqu’il a été saisi de faits concernant l’ancien chef de l’Etat. 

Le soupçon demeure. Il suffit de lire le dernier rapport d’évaluation du Conseil de l’Europe (Groupe d’Etats contre la corruption) sur la justice, paru en janvier 2014 : il constate que les textes sont insuffisants pour prévenir le soupçon d’instruction politiques déguisées. Et l’article 64 de la Constitution prévoit toujours que le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, ce qui n’est pas vraiment un exemple de séparation des pouvoirs. 

Des réformes pourraient remédier en partie au moins  à cette situation. Certains textes sont déjà déposés au Parlement, comme le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le projet attribue notamment au Conseil le pouvoir d’émettre un avis conforme sur les nominations des procureurs. Le Garde des sceaux dispose aussi d’un excellent rapport sur la Refondation du Ministère public

Mais cette réforme modeste, comme celles relatives à la suppression de la cour de justice de la République, à la responsabilité juridictionnelle chef de l’Etat et à la composition du Conseil constitutionnel, est enlisée en 2013, du fait d’un groupuscule sénatorial appartenant à la majorité qui s’est allié à la droite. Aujourd’hui, la droite est majoritaire au Sénat, et la perspective d’une adoption de ces textes par le Parlement est abandonnée.

Pourrait-on surmonter l’obstacle parlementaire et répondre à la défiance de l’opinion vis-à-vis du pouvoir?  Si le législateur n’est pas à la hauteur des enjeux, une consultation du peuple, conformément à l’article 11 de la Constitution, est possible. Elle serait peut-être même souhaitable sur ces projets et quelques autres qui  remettent en cause des avantages auxquels les parlementaires ne sont pas disposés à renoncer

Le fondateur de la cinquième République posait aussi au peuple, par le référendum, la question de confiance, au risque de l’échec. C’était sa grandeur. 

Aujourd’hui, la perspective d’un référendum n’est guère plausible. Cette vérification démocratique à mi-mandat est totalement improbable  : un signe parmi d’autres du crépuscule de la cinquième République. »

Eric Alt – Magistrat (2)

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*Qu’est-ce que le Parquet  ?
En droit français, le ministère public ou le parquet (ou encore les magistrats « debout » par opposition aux magistrats du siège) est l’autorité (principalement composée de magistrats, parfois représentée par d’autres personnes comme des fonctionnaires de police) chargée de défendre l’intérêt de la collectivité et l’application de la loi.

Le ministère public peut exercer l’action publique pour les infractions pénales causant un trouble à l’ordre public et être à l’initiative des poursuites (ou des non-poursuites).

Susceptible d’intervenir devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, il n’a jamais vraiment exercé le même rôle dans l’ordre administratif, à part devant les juridictions financières.

Le ministère public est, en France, sous la hiérarchie du pouvoir politique par le biais du garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Direction des affaires criminelles et des grâces. (wikipédia)

SOURCES DE CET ARTICLE :

(1)  http://www.syndicat-magistrature.org/Lettre-ouverte-a-ceux-qui-feignent.html

(2)  http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-alt/101114/une-cinquieme-republique-crepusculaire

 Note : Le site du Syndicat de la Magistrature est intéressant à explorer. Vous y trouverez de nombreuses informations, dont : Le « Guide du manifestant arrêté » mis à jour (...)

En ce moment, et probablement dans ceux qui viennent, ça peut servir….

La justice n’a pas qu’un rôle punitif et coercitif. Elle a également une fonction de soutien et de défense, Dans cette profession aussi, il y a des gens lucides, intègres et gavés  par les magouilles… pensez-y.