Des solutions, il y en a. C’est la volonté qui manque…
Journée de l’alimentation: «Avec les serres bioclimatiques, la période de culture s’allonge»
INTERVIEW Camille Nègre, qui travaille pour le Geres en Mongolie, présente les spécificités de la serre solaire passive pour le maraîchage, une solution pour lutter contre l’insécurité alimentaire…
A l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation ce jeudi, un collectif d’une quinzaine d’organisations publie le Baromètre de la faim 2014 pour sensibiliser à la lutte contre l’insécurité alimentaire. Parmi ces organisations, le Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités (Geres) propose une solution à ce problème: des serres solaires passives, ou serres bioclimatiques. Explications avec Camille Nègre, agronome du Geres en charge du projet de développement du maraîchage en Mongolie.
Qu’est-ce qu’une serre solaire passive?
Une serre «classique» est seulement composée d’arceaux métalliques et recouverte d’une couche de plastique. Il n’y a pas d’inertie thermique, et, s’il gèle à l’extérieur, il gèle à l’intérieur. Une serre solaire passive est composée d’un toit et de trois murs isolés, faits en matériaux lourds et denses pour accumuler la chaleur pendant la journée et la restituer la nuit ou quand il y a des nuages. Cela permet de continuer à produire sans chauffage des légumes même quand les températures extérieures sont inférieures à -15°C.
La situation climatique de la Mongolie correspond parfaitement à cet outil, particulièrement compétitif et performant dans les régions froides avec un bon ensoleillement.
En quoi cet outil est-il un atout pour les producteurs de Mongolie?
Ici, il y a des gelées presque toute l’année qui impliquent souvent la perte d’une grande partie de la récolte. Mais grâce aux serres solaires passives, ce risque est supprimé et une bonne récolte de fruits et légumes à haute valeur ajoutée est assurée. Par ailleurs, ces serres permettent de multiplier par deux la période de culture: alors que ceux qui cultivent en extérieur ou dans des serres classiques ne peuvent produire que de juin à septembre, ceux qui cultivent à l’aide de serres bioclimatiques peuvent le faire de mars à novembre. Ils peuvent ainsi enchaîner plusieurs cultures maraîchères: des légumes-feuilles (épinards, laitue, bok-choy…) au printemps et en automne, et des légumes-fruits en été (tomates, concombres, poivrons…).
Comment ces serres permettent-elles de réduire l’insécurité alimentaire?
Actuellement, notre projet cible 18 groupes de producteurs, ce qui correspond à 63 familles. L’objectif est de leur permettre d’être autosuffisantes en légumes, donc d’améliorer leur alimentation en quantité et en qualité.
Le projet leur permet aussi de vendre les surplus de production: outre les serres, nous construisons des unités de transformation (mise en bocal, en conserve…) et des celliers pour leur permettre de conserver leur production et échelonner les ventes. Ils vendent ainsi au meilleur moment dans l’année, et pas seulement lors de la période de récolte, où les prix sont très bas du fait de l’afflux de produits sur les marchés. Cela permet aussi de réduire l’insécurité alimentaire à l’échelle des villages où ces familles vendent leurs produits, permettant à la population d’avoir accès à des légumes locaux de qualité tout au long de l’année.
Cela demande aussi beaucoup de formation…
Oui, c’est indispensable, car, l’agriculture est quelque chose de relativement nouveau en Mongolie, où de plus en plus les familles quittent l’élevage, se sédentarisent, et cherchent de nouvelles activités. Les petits agriculteurs doivent apprendre quand et comment semer, arroser, comment gérer la température de la serre… C’est bien de leur proposer des innovations technologiques et des outils performants, mais il faut absolument qu’ils sachent comment s’en servir pour que les projets soient pérennes.