Le clonage humain devient réalité
Avancée ou cauchemar ? Les derniers obstacles ont été levés..Après les plantes, les animaux, les humains sont devenus clonables.
Des chercheurs sont parvenus à dupliquer des cellules humaines. Un exploit scientifique qui pourrait être sans lendemain avec l’apparition de techniques plus simples, comme les iPS*.
Shoukrat Mitalipov dirige l’équipe américaine à l’origine de l’exploit. © OHSU
C’est peu dire qu’ils se sont fait désirer. Mais ça y est, ils sont enfin parmi nous ! « Ils », ce sont les premiers clones humains. Pas de panique toutefois. Des individus photocopiés à la chaîne ne sont pas près de déferler dans nos rues.
« CLONABLE ». Les travaux accomplis par trois équipes scientifiques indépendantes ont consisté « seulement » à cloner des cellules humaines et à établir des lignées cellulaires stables. Reste que l’exploit est incontestable. Après deux décennies d’échecs, l’être humain finit par entrer dans le club des espèces « clonables » aux côtés des brebis, chats, souris, veaux ou chiens, qui se sont multipliés ces dernières années dans les laboratoires.
Depuis 1996 et malgré tous les aménagements possibles, la technique de clonage développée pour la brebis Dolly ne semblait en effet pas fonctionner sur l’être humain ni, plus largement, sur les primates. Qui saurait contourner les difficultés et mettre au point la recette miracle ?
Ce qu’ont accompli Mitalipov et son équipe est remarquable – Laure Coulombel, directrice de recherche à l’Inserm
Tout a commencé en mai 2013 quand l’équipe de Shoukhrat Mitalipov, de l’université de la Santé et des Sciences de l’Oregon (Beaverton, Etats-Unis) a publié sa méthode de clonage humain dans la revue Cell.
« Ce qu’ont accompli Mitalipov et son équipe est remarquable, s’extasie Laure Coulombel, directrice de recherche à l’Inserm. Pas étonnant que ce soit leur laboratoire qui ait trouvé la recette, fort de l’expertise qu’ils développent depuis de nombreuses années en travaillant sur le primate ». Et en avril, est venue la confirmation : oui, le clonage humain est sans l’ombre d’un doute une réalité scientifique. Et ce sous la forme d’une double publication dans les revues Cell Stem Cell et Nature de travaux menés respectivement à l’université de Séoul (Corée du Sud) et à l’Institut de recherche de la Stem Cell Foundation de New York (Etats-Unis).
Des « fausses » annonces ont conduit à la prudence
Si Dolly avait fait les unes du monde entier, c’est un relatif silence qui a suivi la publication de 2013, pourtant révolutionnaire, comme celles d’avril. Il faut avouer qu’en matière de clonage humain, tout le monde y regarde en effet à deux fois avant de crier victoire. Après plusieurs épisodes rocambolesques, prudence et rigueur sont désormais de mise.
On se souvient d’abord de la fraude mémorable perpétrée par le chercheur coréen Hwang Woo-Suk, de l’université de Séoul. L’annonce victorieuse en février 2004 de la réussite du clonage d’un embryon humain fut infirmée moins d’un an plus tard. On se souvient peut-être aussi du spectacle de foire auquel s’était livrée quelque temps auparavant la secte Raël, avec le faire-part de naissance d’un clone nommé Eve… dont on n’a plus jamais entendu reparler. Quant au père de Dolly en personne, sir Ian Wilmut, anobli par la reine pour ses travaux, il a beaucoup tiré la couverture à lui, s’adjugeant des lauriers qui n’étaient pas totalement les siens. En 2007, il admettait que sa contribution à la création de Dolly avait été beaucoup moins importante que celle de son collègue Keith Campbell qui n’a jamais eu les honneurs d’un adoubement royal. Bref, le clonage fait tourner les têtes jusqu’à la folie ou presque.
Un exploit scientifique indiscutable
Celles de Shoukhrat Mitalipov et de son équipe semblent, au contraire, s’être maintenues correctement en place. Serait-ce grâce… au café ? Pas tout à fait une plaisanterie, puisque la caféine figure au premier rang des ingrédients qui ont rendu l’exploit possible !
© Sylvie Daoudal pour Sciences et Avenir
La substance semble stabiliser l’ovocyte receveur et faciliter la fusion du noyau de l’organisme donneur. Sans caféine, le taux de réussite chute brutalement et aucun blastocyste cloné n’a été en mesure de donner des lignées stables de cellules embryonnaires. Leur exploit scientifique, fondamental, est indiscutable. Une question, cependant, se pose : ces travaux ne surviennent-ils pas trop tard ? Après avoir tant déchaîné les passions et alimenté les scénarios les plus débridés, le clonage humain, ironie de l’histoire, ne suscite plus aujourd’hui une quelconque attente.
iPS. C’est qu’entre-temps, en 2006, une autre révolution est venue tout bouleverser qui a pour nom « cellules iPS ». Ces « cellules souches pluripotentes induites » ont été mises au point par Shinya Yamanaka, récompensé du prix Nobel de médecine 2012 pour ses travaux, et son équipe de l’université de Kyoto (Japon). Obtenues en ajoutant simplement un cocktail spécifique à des cellules adultes, elles permettent, pour développer des lignées de cellules souches embryonnaires, de ne plus avoir recours à des donneuses d’ovocytes et à leurs embryons.
Les iPS sont beaucoup plus faciles à obtenir
Il suffit de faire « rajeunir » des cellules différenciées prélevées chez un adulte pour parvenir à un résultat similaire. « Que ce soit d’un point de vue éthique mais également pratique, les iPS sont incomparablement plus faciles à obtenir, moins contraignantes, moins coûteuses en personnel comme en temps », détaille Laure Coulombel.
Nathalie Gaborit, chercheuse à l’Institut du thorax de Nantes, explique à Culture Science (le site des sciences pour les jeunes en Pays de la Loire) comment les cellules se transforment et se mettent à battre comme un cœur :
Le clonage ne présente-t-il vraiment plus aucun intérêt aujourd’hui ? Prudence, une fois encore. « On ignore si les cellules iPS ne soufrent pas de défauts épigénétiques trop importants pour être utilisées en thérapie, détaille Alice Jouneau, de l’Inra de Jouy-en-Josas (Essonne). Il semble en tout cas que celles-ci soient beaucoup plus susceptibles d’accumuler des anomalies que les cellules dérivées d’embryons clonés. L’étude du clonage pourrait être utile pour améliorer l’obtention des iPS ». On comprend mieux pourquoi la plupart des équipes de recherche qui travaillaient sur le clonage ont déserté la thématique et se reportent aujourd’hui sur celle des cellules iPS.
Hervé Ratel pour Sciences et Avenir
*iPS : Cellules pluripotentes induites (IPS)
Transformer une cellule adulte spécialisée en cellule immature capable de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme ? Désormais, il ne s’agit plus d’un rêve de chercheur mais bien d’une réalité. Celle-ci a d’ailleurs valu le prix Nobel de médecine 2012 à Shinya Yamanaka, le chercheur japonais qui a mis au point la technique six ans plus tôt à l’université de Kobé.
Source : INSERM