La science autrement : La musique des protéines ou protéodies.
La musique de l’ADN et des protéines
par Alain Boudet (Dr en Sciences Physiques, Thérapeute psycho-corporel, Enseignant)
1. La molécule d’ADN et le code génétique
2. L’ADN et ses modes d’expression
3. Architecture et structure de l’ADN
4. La musique de l’ADN et des protéines
7. Les niveaux vibratoires de l’ADN
Résumé: La structure de l’ADN et des gènes sous-tend une harmonie que certains artistes et compositeurs ont transcrite en musique. Au-delà de ces visions d’artiste, la physique quantique montre, grâce à Joël Sternheimer, qu’à chaque acide aminé composant une protéine est associée une onde d’échelle, qui peut être transcrite en note de musique. Par la musique des protéines ou protéodies, il est possible d’entrer en dialogue intime avec l’organisme, ce qui ouvre des perspectives passionnantes et nouvelles en agriculture et en médecine.
Contenu de la quatrième partie |
Annexes |
Dans les parties précédentes de cette étude sur l’ADN, nous avons fait connaissance avec la molécule d’ADN au sein des cellules. Dans leur noyau, nos cellules renferment 23 paires de chromosomes, qui sont chacun constitués d’un filament d’ADN, décoré d’autres éléments tels que les grosses protéines appelées histones. Un filament ou molécule d’ADN est formé de l’enroulement en hélice de 2 brins qui se font face. La totalité des filaments d’ADN de l’ensemble des chromosomes s’appelle le génome.
Chaque brin d’ADN est constitué de l’enchainement en grand nombre de nucléotides. Un nucléotide désigne l’assemblage d’une base azotée, du « pentagone » sur lequel elle est fixée (voir figure 1) qui représente le désoxyribose, et du groupement phosphate de la chaine centrale. Les bases azotées sont prises parmi 4 types qu’on représente par les lettres C (cytosine), A (adénine), T (thymine), G (guanine). Les deux brins du filament sont associés chimiquement par les bases face à face. Celles-ci se révèlent être complémentaires l’une de l’autre, car la base C s’associe à G et la base A s’associe à T.
Fig.1- Schéma d’un brin d’ADN. Il est composé d’une chaine centrale, faite de l’assemblage linéaire de motifs identiques (les pentagones oranges représentant le désoxyribose, articulés par le groupement phosphate P ), sur laquelle sont fixés des groupements C, A, T et G Merci à G. Bourbonnais |
Certains fragments d’un brin d’ADN, appelés gènes, portent des instructions pour le fonctionnement et le développement physique du corps. L’ensemble de ces instructions est appelé le code génétique. Il contrôle la production des protéines, grosses molécules qui sont les ouvrières du fonctionnement et de la croissance du corps. Le code génétique n’occupe que 10% environ de la molécule d’ADN. On connait très peu le rôle des autres parties, dites « zones non-codantes« , mais nous avons remarqué que la succession des nucléotides comportait des structures ordonnées répétitives ou satellites et qu’on pouvait mettre en évidence une architecture dans la chaine d’ADN (Architecture de l’ADN).
Des compositions musicales associées à l’ADN et aux protéines
Certains artistes ou biologistes ont cherché à mieux percevoir l’architecture de l’ADN ou de segments d’ADN en leur associant des sons musicaux. Le but est de faciliter l’analyse et la comparaison de séquences de nucléotides et plus particulièrement celles des gènes.
Par exemple, on peut associer une note à chacun des 4 types de base, et transcrire la suite des bases d’un gène ou d’une portion d’ADN en la succession des notes correspondantes. Le procédé ne diffère pas de celui qui consiste à associer des couleurs aux bases, tel qu’effectué dans la figure 1 de cet article. Dans cette figure, chaque base a une couleur différente, ce qui permet de mieux mettre en évidence l’ordre de leur succession. On peut faire de même en utilisant des sons.
Bien évidemment, la correspondance entre bases et couleurs, ou entre bases et sons est arbitraire. C’est pourquoi les systèmes proposés sont divers. Toutefois, le concepteur cherche à ce que le résultat soit parlant, c’est-à-dire qu’il touche notre sensibilité. De même que les couleurs de la figure 1 sont choisies pour être bien distinctes les unes des autres tout en montrant les similitudes entre bases, et pour être agréables à l’œil, de même les compositions musicales devront se placer dans le champ de perception claire de l’oreille. Le plus souvent, ces artistes ont tenté de nombreux systèmes de conversion différents, avant d’en trouver un qui les satisfasse.
Comme le disent Rie Takahashi et Jeffrey H. Miller (département de microbiologie, immunologie et génétique moléculaire à l’université de Los Angeles): Dans le contexte de la recherche fondamentale, la conversion de séquences génomiques en musique peut offrir un moyen pour présenter aux étudiants les concepts de séquences d’ADN et de protéines par leurs caractéristiques telles que durée, tempo et dynamique. Le but de notre travail est de trouver un mode de conversion des séquences génomiques (zones codantes et aussi non-codantes) en notes de piano qui sonnent de façon acceptable à l’oreille d’un musicien, tout en restant fidèle à la science des séquences de protéines.
Une suite de notes pour représenter les bases azotées et les acides aminés
L’association la plus simple et la plus évidente est de faire correspondre 4 notes aux 4 bases azotées. C’est ce qu’ont fait par exemple Nobuo Munakata et Kenshi Hayashi qui, à G, C, T, A, associent Ré, Mi, Sol, La. Comme cela restait un peu pauvre, ils ont étendu le système aux protéines en associant 20 notes aux 20 acides aminés (I isoleucine, V valine,L leucine, F phénylalanine, C cystéine, M méthionine, A alanine, G glycine, T thréonine, S sérine,W tryptophane, Y tyrosine, P proline, H histidine, N asparagine, Q glutamine, D aspartate, E glutamate, K lysine, R arginine). Un acide aminé est représenté aussi bien par sa note que par la suite de notes de ses bases.
Fig.2. La table de correspondance entre notes et acides aminés de M.A. Clark n’est pas identique à celle de Munakata.
Cliquez ici pour entendre la gamme des acides aminés
La durée de chaque note varie en fonction du nombre de codons différents associés à l’acide aminé. Les codons sont représentés par une harpe qui joue les 3 bases de chaque codon sous-tendant l’acide aminé. Les 3 derniers codons qu’on entend sont des codons stop et ne correspondent pas à un acide aminé.
Merci à M.A. Clarck
La mélodie de la protéine comporte autant de notes que d’acides aminés (voir fig.2). Mais comment choisir l’ordre d’attribution des notes aux acides aminés? Les compositeurs les ont classés par leur degré d’attirance ou de répulsion pour l’eau, une propriété physique qui a une importance considérable dans l’assemblage et la forme des molécules.
En anglais, les notes de musique La à Sol sont désignées par les lettres A à G (voir Sensations sonores: hauteur et fréquences). A désigne donc à la fois la base Adénine et la note La, C désigne la Cytosine et le Do et G la Guanine et le Sol. Aussi il était tentant d’associer les deux. C’est ce qu’a fait R. D. King (Université du Pays de Galles) pour sa Musique des protéines. Pour la 4e base, il a assigné à T la note E (Mi). Il superpose une autre ligne mélodique qui correspond aux codons et aux acides aminés, selon une correspondance analogue à celle de Munakata. Des variations d’octave y sont ajoutées (écouter un exemple musical).
Aurora Sánchez Sousa, à la fois microbiologiste et musicienne à Madrid, a porté son attention sur les rythmes ternaires créés par le regroupement par 3 des bases en codons, et d’autres rythmes pour les introns.
Rie Takahashi et Jeffrey H. Miller (département de microbiologie, immunologie et génétique moléculaire à l’université de Los Angeles) définissent des rythmes par la durée des notes en rapport avec l’abondance du codon dans l’organisme. Pour donner un aspect plus musical, Rie, qui est musicienne, remplace les notes par des accords de 3 notes. De plus, différents instruments sont affectés à différentes parties du génome: gènes, zones intergènes, séquence de régulation, etc.
Les caractéristiques physiques mises en musique
Certains, n’étant pas satisfaits de cette correspondance arbitraire, ont recherché une correspondance qui tienne compte des caractéristiques physiques des bases et des acides aminés. Dans la musique de Peter Gena, en collaboration avec le généticien Charles Strom, la hauteur de la note représentant un acide aminé dépend de la composition des codons en bases, son intensité varie avec le nombre de liens hydrogène entre les deux brins d’ADN, et sa durée est fonction du poids moléculaire de l’acide aminé (exemples sonores dans son site).
En décrivant l’enchaînement des bases du filament d’ADN et celui des acides aminés dans la protéine, on ne considère que la forme déroulée, étirée de la molécule, que les biologistes nomment la structure primaire. Or dans la réalité, ce fil se replie et se recroqueville. On a vu que l’ADN s’enroule en hélice, mais c’est également vrai pour les protéines qui forment des hélices, des enroulements ou des plissements, qu’on nomme la structure secondaire. Des artistes ont cherché à introduire cet aspect dans leur représentation musicale des protéines.
La biologiste M. A. Clark (Université du Texas), en collaboration avec l’artiste et informaticien John Dunn, a composé des musiques pour représenter non seulement la structure primaire, mais aussi la structure secondaire. Pour la structure primaire, la hauteur des notes est en rapport avec le poids moléculaire et le volume des acides aminés tandis que les 3 aspects de la structure secondaire sont représentés par 3 instruments différents (exemple sonore dans son site The Music of Protein Sequences). De plus, elle a pris soin dans son site, d’inventorier tous les projets de recherche sur la musique génétique et d’expliquer leur démarche. Je lui dois beaucoup pour cette partie de l’article.
Linda Long, qui est à la fois biochimiste et musicienne à Bristol (Angleterre), utilise la position des atomes dans l’espace (leurs coordonnées), déterminée par la diffraction aux rayons X, qui décrit la structure secondaire. Elle en tire des compositions musicales qui lui servent à enseigner les structures de protéines complexes. Elle compose aussi des musiques représentant les protéines de plantes aromatiques et médicinales et du corps humain destinées à la relaxation et aux soins (Exemples sonores dans son site Molecular Music).
L’intégration des caractéristiques physiques s’est révélée fructueuse sur le plan pédagogique et a constitué un bon support pour l’inspiration des artistes. Toutefois, le choix des correspondances entre les notes et les caractéristiques physiques reste arbitraire, et soumis à l’imagination du compositeur.
Les molécules n’émettent-elles pas elles-mêmes une musique, ou tout au moins des ondes qui pourraient être retraduites en sons? La réponse est oui. Les atomes, les groupes d’atomes, les molécules sont des édifices électriques et électromagnétiques qui vibrent, et par là-même émettent des ondes électromagnétiques qu’on peut mesurer par spectroscopie (voir L’ADN électromagnétique).
La compositrice Susan Alexjander (Oregon, USA) et le biologiste David Deamer ont mesuré les rayonnements infrarouges de chacune des 4 bases individuellement. La lumière infrarouge s’étend sur une large gamme de fréquences. Lorsqu’on éclaire un agglomérat d’une des bases avec ce rayonnement, certaines des fréquences sont absorbées. Chacune des bases est caractérisée par le nombre et la valeur de ces fréquences absorbées (son spectre de fréquences). Elles correspondent aux vibrations des liens chimiques entre les atomes ou groupes d’atomes composant la base. Pour les traduire en note, chacune des fréquences est divisée par 2, c’est-à-dire qu’on descend d’une octave, 36 fois de suite pour tomber dans la gamme des fréquences des sons audibles. C’est avec les notes obtenues, qui ne se situent pas dans l’échelle de la gamme tempérée habituelle (voir L’intonation juste), qu’a été composée la musique Sequencia (1990) (exemples sonores dans le site Our Sound Universe).
Les protéodies de Joël Sternheimer
Ce qu’ignorent probablement les artistes, ainsi que la majorité des scientifiques, c’est que chaque acide aminé émet une onde caractéristique, autre que les ondes infrarouges. L’existence de ces ondes appelées ondes d’échelle a été démontrée par la physique quantique. C’est le physicien Joël Sternheimer qui les a découvertes et mises en évidence (voir l’encadré). Il en a proposé des applications pratiques nouvelles en agriculture et en médecine qui respectent l’environnement et les organismes. Avec les ondes d’échelle, on quitte le domaine artistique et pédagogique pour entrer dans le dialogue intime avec la nature et avec l’ADN.
Les acides aminés émettent des ondes
Suite de l’article ICI
A CONSULTER ÉGALEMENT :
Applications de proteodies en viticulture
http://www.genodics.com/applications-de-proteodies-en-viticulture