Méduses et autres animaux à venin
Méduses: «Il va falloir s’habituer à vivre avec»
INTERVIEW – La spécialiste des méduses Jacqueline Goy nous explique pourquoi les méduses sont les nouveaux «seigneurs des mers»…
La menace est transparente, urticante et gélatineuse. Les mers et océans du globe pourraient bientôt être envahis par les méduses, ces animaux primitifs en passe de reprendre le pouvoir dans les eaux du globe. Jacqueline Goy, maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris dans le laboratoire d’ichtyologie, tient ce mercredi à Paris une conférence durant laquelle elle expliquera, avec Robert Calcagno, le directeur de l’Institut océanographique de Monaco, pourquoi les méduses nous envahissent.
Pourquoi les méduses sont-elles considérées comme une menace pour les mers?
Elles sont en augmentation dans toutes les mers. En se basant sur des données collectées pendant deux siècles, on a observé que les cycles de douze ans que suivait leur densité étaient rompus. Elles se sont installées depuis 1999 en Méditerranée et ne sont pas reparties. Cela nous indique qu’il s’est passé quelque chose, non seulement en Méditerranée mais partout ailleurs. La quantité de méduses est un indicateur du fonctionnement de l’océan, harmonieux ou non.
Quelles sont les raisons de la recrudescence des méduses?
Nous avons plusieurs pistes. Il est évident que la surpêche a modifié l’équilibre des océans: en prélevant les gros poissons prédateurs, on laisse de la nourriture disponible pour les autres animaux et parmi eux les méduses, très opportunistes, qui se jettent dessus. Ensuite, l’acidification des océans, due à l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, a un effet sur tous les animaux qui ont carapaces: quand elles deviennent plus souples, ils deviennent plus digestes et les méduses peuvent alors manger des petits mollusques pélagiques qu’elles ne mangeaient pas avant et les assimiler complètement. Enfin, la hausse de la température des eaux favorise leur reproduction.
Comment enrayer la prolifération des méduses?
Il faudrait arrêter la surpêche et freiner la concentration de CO2 dans l’atmosphère, ce n’est pas simple! Il va falloir s’habituer à vivre avec.
Quels sont les impacts pour l’homme de la présence de méduses dans les mers?
C’est d’abord très gênant quand on va se baigner sur la plage. Elles bloquent aussi certaines arrivées d’eau de mer pour le refroidissement des centrales nucléaires et des usines de dessalement. Mais elles ont aussi des avantages: on a trouvé du collagène dans les méduses qui est le même que celui de l’épiderme et du cœur humain. On peut l’utiliser dans des crèmes antirides et en médecine pour faire des cultures de peau et de cellules. Les méduses ont également un gène de la bioluminescence qui pourrait être utilisé pour fabriquer les microscopes du futur: ces protéines peuvent être introduites dans des cellules cancéreuses pour en voir la progression, les divisions et multiplications. Ce serait un test biologique extraordinaire.
http://www.20minutes.fr/planete/1374041-meduses-il-va-falloir-s-habituer-a-vivre-avec
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ANIMAUX MARINS. Dans la mythologie, on vous conseillait de ne pas croiser le regard de Méduse, sous peine d’être pétrifié. Aujourd’hui, on ferme des plages et Catherine Vadon, spécialiste du milieu marin, vous donne quelques conseils si par malheur un de ses tentacules vous touchait.
Un déferlement de physalies a provoqué la fermeture de plages sur les côtes basque et landaise. Et voilà que tout le monde crie haro sur les méduses.
Petite précision : les physalies ne sont pas vraiment des méduses, mais leurs cousines. Comme tous les Cnidaires (qui regroupent aussi les anémones de mer et les coraux), elles possèdent des cellules urticantes capables d’injecter du venin.
Les physalies (Physalia physalis) sont de bien surprenantes et passionnantes créatures marines ! Ce sont des colonies (appelées Siphonophores) composées de centaines d’individus qui ont chacun leur propre fonction – flotter, manger, se reproduire – mais qui fonctionnent tous ensemble, comme un seul organisme !
Contrairement aux méduses, elles n’ont pas la capacité de se déplacer ou de s’enfoncer en profondeur par pulsation, et vivent à la surface des océans, poussées au gré des courants et des vents. Elles portent d’ailleurs le petit nom de « vaisseau de guerre portugais ». Ces animaux vivent plutôt dans les régions tropicales des océans et sont parfois, par exemple lors de grands coups de vent de noroît, rabattus en grand nombre sur nos côtes atlantiques.
Sous leur large bouée bleutée pendent des filaments pêcheurs très urticants, longs de parfois 20 mètres. Si l’un d’eux rencontre un nageur, il ne s’agit pas (forcément) d’un acte de prédation. Leur poison est en tout cas très virulent : un spécimen au flotteur long de 30 cm peut immobiliser un poisson de la taille d’un maquereau, à la nage rapide et plutôt costaud ! Alors maintenant que l’on sait que des physalies ont été portées jusqu’à nos plages, restons sur nos gardes.
Certes, les physalies ne sont pas aussi redoutables que ces méduses tropicales Chironex (ou « Main qui tue »), au mortel venin : le moindre contact avec une longue partie de leurs soixante tentacules (qui s’allongent jusqu’à 4 mètres) cause d’atroces brûlures ; puis le venin passe dans la circulation sanguine et provoque une paralysie du cœur en quelques minutes… Heureusement pour nous, ces méduses vivent loin de nos côtes, au Nord de l’Australie.
On connaît actuellement plus de 1000 espèces de méduses dans le monde. Leur ombrelle (c’est-à-dire le corps de la méduse) mesure de quelques millimètres à 2 mètres. Si elles revêtent une magnifique multitude de formes et de couleurs, et vivent dans des environnements très divers, de la surface jusqu’aux abysses, à 7000 mètres de profondeur, leur venin est toujours présent, mais agit avec plus ou moins de virulence.
Ce venin n’est d’ailleurs pas étranger à la survie de ce groupe, vieux de 600 millions d’années ! Avec leur corps mou et gélatineux (composé de 98% d’eau), les méduses sont, contrairement aux apparences, de redoutables prédateurs carnivores, curieusement dépourvus de dent, de mâchoire et de toute partie dure.
Quelles sont donc leurs armes secrètes ? Des millions de mini-cellules à venin, ou nématocystes, réparties à la surface de leurs tentacules, et parfois même sur leur ombrelle. Si le cil sensoriel d’une de ces cellules est effleuré, par une proie ou par un ennemi (ou un innocent nageur), la méduse décharge automatiquement un mini-harpon en même temps qu’une goutte de liquide toxique. Chez certaines espèces, on peut compter jusqu’à 750.000 de ces cellules sur un tentacule de 10 m de long ! Les proies paralysées sont ensuite portées par les tentacules jusqu’à la bouche et la méduse en fera son repas…
Méfiez-vous : méduses et physalies ne sont pas dangereuses que dans l’eau. Certes, en pleine eau, les tentacules souples (peu visibles) se ploient et s’appliquent sur le corps qu’ils rencontrent. Et un tentacule détaché du corps d’une physalie est encore capable d’émettre quelques temps du venin.
Interdiction de se baigner pour cause de physalies sur la plage du Porge, le 09 août 2011 (Jean Pierre Muller / AFP)
Par prudence, ne touchez jamais une méduse ou une physalie échouée. Elles peuvent encore décharger du poison, provoquer de méchantes brûlures et le moindre contact des doigts avec les yeux peut être affreusement douloureux !
Selon la surface de peau touchée, la corpulence du baigneur ou du promeneur, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte, et selon les réactions personnelles propres à chacun, les réactions à la piqûre de physalie peuvent aller de simples rougeurs à des brûlures très intenses, du type de celles provoquées par un barbecue. Et entraîner aussi fièvre, douleurs, malaises, état de choc…
Quelques techniques à suivre, que vous soyez piqué par une méduse ou une physalie. Si le tentacule est resté collé sur la peau, enlevez-le délicatement avec une pince fine, de façon à empêcher les cellules à venin qui n’ont pas déchargé de le faire. Lavez à l’eau de mer ; éventuellement mettez un peu de sable, et grattez très légèrement avec un carton rigide puis rincez.
N’utilisez jamais d’eau douce, car cela provoquerait la décharge des cellules encore intactes. Si elles sont inoculées plusieurs fois, les substances venimeuses de ces animaux peuvent déclencher des réactions de plus en plus fortes (anaphylaxie). Aussi, mieux vaut filer voir le docteur ou vous rendre à un centre antipoison.
Édité par Daphnée Leportois pour http://leplus.nouvelobs.com/contribution/181937-physalies-sur-nos-plages-aussi-dangereuses-que-les-meduses.html