La nature est merveilleuse : 10 rites amoureux stupéfiants
Duel amoureux entre deux vers plats
Crédits photo © Leslie Newman
Pseudobiceros hancockanus
Cet animal au nom pittoresque est une espèce de ver plat que l’on trouve principalement dans les récifs coralliens. Comme tous les membres du genre « pseudobiceros », ce ver est hermaphrodite, et son mode de reproduction repose sur un art subtil et délicat : le combat de pénis. Chaque ver pouvant produire à la fois des œufs et du sperme, tout l’enjeu de l’accouplement est de savoir quel individu jouera le rôle du père. Pour ce faire, les deux partenaires se lancent dans une bataille épique à l’aide des deux pénis en forme de pointe qu’ils possèdent chacun sur le ventre. Après multiples esquives et assauts, le vainqueur est celui qui parvient à percer la peau de l’autre afin de l’inséminer. Le « perdant » devra endosser le difficile rôle de mère, qui lui réclamera beaucoup plus de temps et d’énergie.
Veuve noire à dos rouge – Getty images
Latrodectus hasselti (Veuve noire à dos rouge)
Avec son venin neurotoxique, cette petite araignée australienne est considérée comme l’une des plus dangereuses au monde. Mais elle est également connue pour être une des seules espèces à pratiquer le cannibalisme sexuel avec le consentement actif du mâle. Lors de l’accouplement, le mâle (4 mm de long, soit trois fois moins que sa compagne) commence par exécuter une parade amoureuse au cours de laquelle il « danse » sur la toile de la femelle, avant de tapoter le ventre de celle-ci comme s’il s’agissait d’un tambour. Ces préliminaires peuvent durer jusqu’à 5 heures. Le mâle entreprend ensuite d’insérer un de ses deux pénis dans l’une des deux spermathèques de sa partenaire, puis il exécute un saut périlleux afin de placer son abdomen sur la bouche de la femelle. Celle-ci commence alors à dévorer son amant, vivant, puis fait le choix suivant : soit elle laisse le mâle inséminer sa seconde spermathèque avant d’en finir avec lui, ce qui permettra à ce dernier d’assurer la paternité de tous les œufs, soit elle le mange directement, et attend qu’un autre mâle se présente. Les chercheurs ont observé que pour maximiser ses chances de féconder complètement la femelle, le mâle devait prolonger sa parade amoureuse pendant au moins 100 minutes avant de copuler. Au-dessous de cette limite, la veuve noire semble estimer que son partenaire ne mérite pas d’être le père de tous ses enfants.
Porc-épic d’Amérique du Nord – Credits photo wdaily.webs.com
Porc-épic
A priori, on peut se douter que la sexualité d’un animal couvert de piquants n’est pas singulière. Mais dans le cas du porc-épic, le plus étrange se déroule dès la phase de « séduction ». Tout d’abord, le mâle porc-épic tente une approche en frottant son museau contre la femelle. Si celle-ci ne le rejette pas, il se dresse alors sur ses pattes de derrière, et libère un puissant jet d’urine sur sa promise. Pas simplement par pression de la vessie, mais littéralement par éjaculation d’un long geyser continu qui peut être propulsé jusqu’à deux mètres. En moins d’une minute, la femelle est inondée des pieds à la tête. Si cette « golden shower » n’est pas à son goût, elle grognera, secouera l’urine et ira chercher un autre partenaire. Si elle est satisfaite, en revanche, elle présentera sa croupe dénuée de piquants au mâle, qui la montera avec précautions. Dans certains cas, il essaiera même de la mettre sur le dos pour entreprendre une « position du missionnaire » moins périlleuse. La femelle porc-épic n’étant réceptive à cette étrange cour que 8 à 12 heures par an, il convient au mâle de ne pas se manquer s’il veut éviter une intense frustration. Cependant, une fois l’accouplement commencé, la femelle entendra bien rattraper le temps perdu, et forcera le mâle à copuler jusqu’à ce qu’il soit totalement épuisé.
Punaise des lits
Cimex lectularius (Punaise des lits)
La punaise des lits est un petit insecte parasite dont la morsure provoque souvent des allergies chez l’homme. Le nom scientifique donné à son mode de reproduction est en soi tout un programme : on parle « d’insémination traumatique ». Lors de l’accouplement, le mâle punaise ne passe pas par les organes génitaux naturels de la femelle, qui ne servent qu’à la ponte. Ce gentleman préfère directement perforer l’abdomen de sa partenaire à l’aide de son pénis en forme d’aiguillon. Pour s’adapter à cette charmante pratique, la femelle à développé un organe paragénital nommé spermalège qui lui permet de recueillir la semence dans une cavité abdominale. Au-delà de sa délicatesse, le mâle punaise a également beaucoup de mal à reconnaitre les femelles, et il lui arrive souvent d’essayer de perforer un autre mâle. Dans ces cas-là, il n’y a pas de transfert de sperme, mais il n’est pas rare que le malheureux camarade succombe à cet assaut impromptu.
Baudroie des abysses
Baudroie des abysses
Le concept d’amour fusionnel ne trouve pas meilleure incarnation que chez la baudroie abyssale, qui l’applique littéralement. Ce poisson à l’allure impressionnante vit entre 1000 et 3000 m de profondeur, dans la complète obscurité des abysses. Il est particulièrement connu pour l’appendice lumineux qu’il porte au-dessus de sa tête, et qui lui permet d’attirer ses proies. Lorsque les scientifiques commencèrent à remonter des baudroies abyssales, ils furent surpris de ne trouver que des femelles, qui semblaient presque toutes avoir des petits parasites attachés à elles. Il s’avéra que ces « parasites » étaient en fait ce qu’il restait des mâles. Lorsqu’ils naissent, les mâles baudroies, beaucoup plus petits que les femelles, n’ont d’autre raison de vivre que de trouver une compagne. Et lorsqu’ils ont la chance d’en croiser une dans l’obscurité, ils s’accrochent à elle en la mordant, pour ne plus jamais lâcher prise. Commence alors un étonnant processus de fusion, au cours duquel le poisson va perdre progressivement ses organes pour se fondre dans le corps de sa partenaire. Il finira réduit à la plus simple expression de sa masculinité, en devenant une paire de testicules que la femelle utilisera lorsqu’elle souhaitera féconder ses œufs. Généralement, les baudroies abyssales sont donc affublées de plusieurs mâles plus ou moins fusionnés attachés au corps, ce qui, en plus de rappeler « The Thing », est un exemple assez radical de polyandrie.
Pisaure admirable – Crédit photo CC Mathias Krumbholz
Pisaura mirabilis (Pisaure admirable)
Lorsque le mâle pisaure souhaite séduire une femelle, il mise sur le matérialisme et lui offre un joli cadeau emballé dans de la soie, généralement une proie morte. Flattée par cette attention, la femelle laisse alors son prétendant assouvir ses pulsions pendant qu’elle savoure le contenu de son paquet. La pisaure n’est pas la seule araignée à pratiquer le cadeau nuptial, ni même la seule espèce, les humains excellant notamment dans le domaine. Mais les chercheurs ont observé une subtilité intéressante chez le mâle pisaure : il lui arrive parfois d’offrir un paquet vide pour tromper la femelle. Pendant que celle-ci est affairée à déballer son présent, le mâle se dépêche de féconder sa conquête à l’aide de ses deux appendices sexuels nommés pedipalpes. Lorsque la femelle s’aperçoit que sa surprise ne contenait qu’un morceau d’herbe ou de mousse, il est généralement trop tard. Parfois, elle essaie de s’enfuir avec le paquet, mais le mâle s’y agrippe fermement, soucieux de répéter sa tromperie auprès d’une autre ingénue. Les arachnologues constatent que les femelles pisaures pondent autant d’œufs après avoir été flouées qu’après avoir reçu un cadeau réel, ce qui explique pourquoi les deux méthodes ont perduré au fil de l’evolution.
Boule de couleuvres jarretières
Thamnophis sirtalis parietalis (Couleuvre jarretière à flancs rouges)
La saison des amours chez la couleuvre jarretière est si spectaculaire qu’elle est devenue une attraction touristique au Manitoba, au Canada. Lorsque la couleuvre femelle sort de sa période d’hibernation, elle émet des phéromones qui peuvent attirer plus de 100 mâles autour d’elle. S’ensuit alors une gigantesque orgie nommée « boule nuptiale » au cours de laquelle les mâles essaieront tous de féconder la femelle à l’aide d’un de leurs deux pénis latéraux. Le plus étrange dans cet improbable gang bang reptilien, c’est que certains mâles se mettent à relâcher des phéromones femelles dans le feu de l’action, attirant les autres mâles sur eux. Ce phénomène est longtemps resté un mystère, mais les scientifiques ont aujourd’hui une explication : quand les couleuvres émergent de leur hibernation, elles manquent d’énergie tant qu’elles n’ont pas été réchauffées par le soleil, et sont donc plus vulnérables aux prédateurs. Les mâles « transexuels » capables d’émettre des phéromones femelles chercheraient donc simplement à être protégés, et réchauffés par la masse de prétendants dupés qui s’agglutinent autour d’eux.
Abeille européenne – Crédits photo CC J-Luc
Apis mellifera (Abeille européenne)
La reproduction des abeilles est un des exemples de suicide sexuel les plus spectaculaires du monde animal. Quand il nait, le male de l’abeille, nommé faux-bourdon, n’a d’autre raison d’être que de féconder la Reine. Il n’a pas de dard, ne participe pas à la récolte du pollen, et ne secrète pas de miel. Aussi, lorsque vient le moment de jouer son rôle, il est prêt à sacrifier sa vie pour sa mission. L’accouplement se déroule en plein vol, lorsque la reine s’élance dans le ciel à la recherche de partenaires. Les males de la ruche la suivent en essaim, luttant pour avoir une chance de l’inséminer. Mais cette chance est très relative : lorsqu’un faux-bourdon parvient à saisir la Reine pour la pénétrer, l’éjaculation est si forte que son pénis explose, déchirant son abdomen. Le malheureux tombe alors au sol, mourant peu après. Lors d’un tel vol nuptial, la Reine s’accouple avec une douzaine de kamikazes sexuels, et elle récolte suffisamment de sperme pour pondre pendant le reste de sa vie, soit environ 4 ans. Le sort des faux-bourdons qui n’ont pas pu féconder la Reine n’est guère plus enviable que celui de leurs frères tombés au champ d’honneur : à la fin de l’été, les ouvrières cesseront de les nourrir, estimant que le miel est trop précieux pour de simples donneurs de sperme. Ils seront alors chassés sans pitié de la ruche, et mourront peu après de faim et de fatigue.
Limace léopard
Limax maximus (Limace léopard)
Lorsque les limaces léopard s’accouplent, leur rituel relève quasiment du happening artistique. Les deux partenaires, qui sont hermaphrodites, commencent par se faire la cour pendant plusieurs heures, en s’encerclant et en se léchant l’un l’autre. Puis ils se mettent à escalader un arbre, ou une autre surface élevée, et c’est là que le spectacle commence vraiment : une fois que les limaces ont atteint une hauteur qui leur convient, elles s’enroulent l’une autour de l’autre, et se laissent tomber dans le vide suspendues à un long fil de mucus. Pour trouver une situation comparable chez l’homme, il faudrait qu’un couple fasse l’amour en sautant à l’élastique. Un élastique constitué de bave, donc. Une fois suspendues, les limaces font sortir leurs pénis translucides de leurs gonopores, des petites ouvertures situées sur le côté de la tête. Et c’est au tour des deux organes génitaux de s’entortiller l’un autour de l’autre, afin de permettre la fécondation. Suite à cette union acrobatique, les deux participants pondront chacun des centaines d’œufs.
Jardinier satiné décorant son berceau – Crédits photo © Tim Laman
Ptilonorhynchus violaceus (Jardinier satiné)
Le jardinier satiné est un petit oiseau australien faisant partie de la famille des oiseaux à berceau, qui compte une vingtaine d’espèces. Il est principalement connu pour avoir la stratégie de séduction la plus extraordinairement complexe du règne animal. Au lieu de simplement offrir un cadeau à la femelle pour obtenir ses grâces, ou bien d’exposer un plumage exubérant, le jardinier va carrément ériger une construction ornementée digne d’une œuvre d’art. Cette structure, qu’on nomme un « berceau », est constituée de brindilles savamment disposées. Selon les espèces de jardinier, le berceau pourra avoir un toit, ou être composé de deux murs de brindilles parallèles. Mais toute la subtilité de cette construction repose dans la décoration : à l’intérieur et autour du berceau, le mâle jardinier déposera des centaines de coquilles, fleurs, feuilles, pierres et même des objets plus insolites s’il en trouve, comme des morceaux de verre ou des pièces de monnaie. Cette ornementation est très réfléchie, et l’oiseau passera des heures à l’organiser. Elle devra refléter la spécificité de son espèce, avoir des couleurs assorties, et correspondre aux préférences de la femelle. Le jardinier satiné va jusqu’à peindre son berceau avec une teinture bleue qu’il fabrique avec du jus de baie et de la salive. Dans le cas du jardinier à nuque rose, dont le berceau a une forme de tunnel, les cailloux sont disposés par ordre de grandeur pour créer un effet de perspective forcée. Ce stratagème donnera à la femelle l’illusion que son prétendant est plus grand qu’il ne l’est en réalité lorsqu’il se tiendra devant son œuvre. Une fois leur berceau terminé, les jardiniers attendent fébrilement l’inspection des demoiselles en quête de reproducteurs. Celles-ci analyseront scrupuleusement la qualité de la décoration, et elles gouteront même la peinture sur les murs du berceau. Leur jugement sera sans pitié : une fois qu’elles auront sélectionné le meilleur artisan, elles auront tendance à revenir vers lui l’année suivante, laissant les ouvriers moins doués sans l’espoir d’une étreinte.
Plus d’infos :
- Pseudobiceros hancockanus sur Wikipedia (anglais)
- Latrodectus hasselti sur Libération.fr
- Reproduction du porc-épic sur Todayifoundout.com (anglais)
- Cimex lectularius sur Wikipedia
- Reproduction de la baudroie abyssale par Ca m’interesse
- Reproduction de la pisaure sur Lepoint.fr
- Couleuvre jarretière à flancs rouges sur anapsid.org (anglais)
- Les faux-bourdons sur Wikipedia
- Video de la BBC sur la reproduction des limaces léopard (anglais)
- Le jardinier sur Mediapart.fr
Source : http://www.axolot.info/?p=1087