Le nouveau marché juteux des trafics de pesticides interdits
Le trafic de produits phytosanitaires illégaux est en plein boom, les contrebandiers profitant d’un manque d’harmonisation législative au niveau européen. Ces molécules toxiques contrefaites menacent directement la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement. Le Colonel Bruno Manin, chef de l’Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP), nous révèle les dessous de ces trafics.
JOL Press : Que représentent les trafics de pesticides ?
Colonel Manin : Il est toujours très difficile de faire des estimations lorsqu’il s’agit d’un marché noir. Cela étant dit, on peut grosso modo dire, qu’en Europe, autour de 10% des ventes de produits phyto-pharmaceutiques sont illégales. Cela représe entre 400 millions et 1,2 milliard d’euros.
La proportion en France des produits illégaux sur l’ensemble des pesticides vendus serait environ la même, selon les estimations de l’Union des Industries de la Protection des Plantes (UIPP).
JOL Press : Le rapport entre des peines encourues faibles et des profits élevés n’est-il pas trop peu dissuasif ?
Colonel Manin : C’est l’un des noeuds du problème, qui explique d’ailleurs qu’il s’agit de trafics en augmentation. Les risques encourus sont faibles : deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende au maximum.
Si le contrevenant réalise 500 000 euros de chiffres d’affaire et qu’il se voit infligé 50 000 euros d’amende, cela fait 10% ; cela revient à l’impôt qu’il aurait payé s’il avait travaillé légalement.
JOL Press : Les agriculteurs le savent-ils lorsqu’ils achètent des produits interdits?
Colonel Manin : Il y a deux cas de figure. Celui où ils sont bernés par une contrefaçon de très bonne qualité ; et celui où ils traversent sciemment une frontière pour acheter des produits moins chers.
C’est le cas typique dans le Sud-Ouest, avec des agriculteurs qui passent en Espagne pour y acheter des produits qui sont parfois les mêmes mais moins chers, et parfois des produits qui sont interdits en France depuis des années – parce que l’industrie a su produire des pesticides plus respectueux de la nature comportant moins de risques pour la santé de ceux qui les répandent.
JOL Press : Quel est le schéma d’approvisionement de ces produits de contrebande ?
Colonel Manin : Le délinquant n’est ici pas un jeune de banlieue, mais un « col-blanc », un homme d’affaires qui va acheter en Inde ou en Chine des substances actives, c’est-à-dire les matières premières. A ce stade, rien d’illégal, c’est la manière de formuler ces substances qui les rend dangereuses.
Il fait donc ensuite formuler des produits phyto-pharmaceutiques à partir des substances (pesticides, fongicides, herbicides, tout ce dont on a besoin dans l’agriculture), en Ukraine ou en Russie.
Enfin, il fait commercialiser ces produits via des sociétés écran, afin qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à lui, dans les pays européens où la législation est plus laxiste que d’autres, principalement en Espagne et aux Pays-Bas.
Nous travaillons en ce moment sur une affaire : le démantèlement d’un trafic d’un produit pour les fleurs, formulé en Russie, arrivé en France – cinq tonnes – via deux sociétés « pare-feu » néerlandaises. Le produit était présenté comme étant bio alors qu’il contient des métaux lourds particulièrement dangereux pour les professionels qui les étendent.
Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press
RAPPEL : CE N’EST PAS LA SAISON DES FRAISES !
Les fraises espagnoles actuellement proposées dans vos super marchés sont industrielles et bourrées de pesticides ! Soyez patients, attendez encore un mois et n’achetez que des fraises « label rouge » qui répondent à un cahier des charges précis, ou, mieux,bio.
http://www.bfmtv.com/divertissement/cuisinez-moi-fraises-label-rouge-743573.html