Journal d’un jardin du bassin parisien (suite) : Ode discrète au ver de fumier

 

Jardiner dans la grande ville ? Difficile. Alors Christine s’échappe toutes les fins de semaine, pour maraîcher et observer la nature. Voici que la rhubarbe fait son retour. Et un don providentiel de fumier va permettre de saluer des vers bien utiles.

Les heures dans le jardin sont comptées avant que le printemps n’arrive. Déjà, les semis de rhubarbe, frêle plantule aux tiges rouges et feuilles vert éclatant mises en terre à l’automne, font leur retour timide. C’est une belle découverte car j’avais l’impression que les limaces les avaient dévorées…

En prévention, je protège la feuille encore fripée d’une petite cage en fer fabriquée pour un dahlia qui a succombé aux attaques des gastéropodes. Les feuilles des jonquilles commencent leur ascension verticale vers la lumière ; La ciboulette aussi, au milieu de l’herbe qu’il faut dès maintenant enlever pour se prémunir de l’envahissement.

Aura-t-on le temps pour les dernières plantations d’arbustes ? En plus du pommier, des deux noisetiers et des trois boutures de cassis, je voudrais rapporter des pieds de framboisiers et de groseillers de mon jardin précédent : une petite langue de terre prêtée par un couple de septuagénaires du village voisin. Nous l’avions dégotée en 2010 sur le site « savez-vous planter chez nous » qui met en relation des propriétaires de jardins et des jardiniers sans terre. J’y ai mis en pratique mes 25 ans de lecture de la revue Les 4 saisons du jardinage.

Dans ce nouveau jardin, nous avons plus de liberté pour faire nos premiers pas en permaculture. C’est à la ferme du Bec Hellouin, en Normandie, que j’ai découvert comment créer un jardin qui s’inspire de la nature.

A cette saison, dans la nature, c’est le sol qui est important. La vie microbienne et l’activité des vers de terre sont à leur maximum. Les feuilles de chêne répandues sur les buttes se sont ramollies avec les pluies et comme dans la forêt proche elles sont peu à peu digérées, formant un complexe argilo-humique favorable au développement de la végétation.

Dans les bacs à compost, une autre espèce de ver de terre est à l’œuvre, le ver du fumier (Eisenia foetida), qui vit de la décomposition des végétaux. Ils sont très nombreux, à moins de trente centimètre sous la surface du tas. Je les découvre en enfouissant les épluchures de légumes de la semaine, rapportées à vélo.

Pour m’éviter de traverser les écuries avec ma brouette, le responsable du centre équestre m’a gentiment déposé devant la porte du jardin un tas de fumier. Dedans, pas de vers, mais de grands filaments blancs, comme du mycélium de champignons. J’en remplis tout un casier à compost en prévision de l’année prochaine. Comme il en reste, j’en dépose au pied d’un rosier qui pousse à l’entrée et sur l’allée centrale du jardin, avec l’espoir que cette couche épaisse prive de lumière la végétation coriace. J’y sèmerai plus tard du trèfle blanc.

Source : Reporterre – Chronique d’un jardin sans pétrole – Christine Laurent