Gaz de schiste : Chez les autres oui, mais chez moi non ! Ben voyons….
LE PATRON D’EXXON NE VEUT PAS DU CHÂTEAU D’EAU QUI DOIT ALIMENTER LE PUITS D’EXTRACTION DE GAZ DE SCHISTE VOISIN POUR NE PAS DÉFIGURER SON PAYSAGE !
C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Celle d’un château d’eau que Rex Tillerson ne veut pas voir aux portes de son ranch, situé à Bartonville, au Texas. Avec une poignée de ses concitoyens, le citoyen américain s’oppose au projet depuis des mois. L’édifice est destiné, en particulier, à alimenter en eau les puits d’extraction de gaz de schiste situés à proximité de cette petite ville prospère proche de Dallas, selon la méthode contestée de la fracturation hydraulique.
La polémique aurait dû rester locale sauf que le propriétaire mécontent, Rex Tillerson, n’est autre que le patron d’ExxonMobil, la plus grosse compagnie pétrolière privée du monde.
UN RANCH ÉVALUÉ À PLUS DE 5 MILLIONS DE DOLLARS
M. Tillerson agit en connaissance de cause dans la mesure où il a investi plus de 31 milliards de dollars (22,5 milliards d’euros) dans l’extraction de gaz de schiste depuis qu’il est à la tête de la compagnie américaine. On imagine le nombre de châteaux d’eau que cela représente. Ceux-ci peuvent pousser comme des champignons chez les autres, mais pas sous les yeux du patron d’Exxon.
Le patron d’Exxon craint, avec un certain nombre de ses concitoyens, que les nuisances du château d’eau fassent perdre de la valeur à son luxueux ranch, évalué à plus de 5 millions de dollars. Outre l’aspect esthétique, c’est surtout le va-et-vient des camions transportant l’eau vers les puits d’extraction, qui inquiètent M. Tillerson. On le comprend : depuis 2007, il s’en est déjà ouvert pas moins de neuf à moins de deux kilomètres de sa propriété. Le dernier en date appartient à XTO Energy, un spécialiste du gaz de schiste racheté par Exxon en 2009, ce qui a permis au groupe de devenir le leader américain dans le domaine.
PLAINTE EN NOM COLLECTIF
Trois autres voisins se sont associés au patron d’Exxon pour déposer une plainte en nom collectif en 2013 arguant que « chacun des propriétaires a choisi Bartonville parce que la ville a adopté des réglementations dont le but est de prévenir des constructions indésirables ne correspondant pas à la nature du voisinage », explique le document révélé le 20 février par le Wall Street Journal.
Fin 2013, M. Tillerson avait rappelé à des membres du conseil municipal que s’il avait investi dans son ranch, c’était après s’être assuré que rien ne pourrait perturber son environnement bucolique. Ce scénario digne d’une série télé tombe assez mal, au moment où Exxon s’est lancé dans une campagne pour convaincre que l’extraction du gaz de schiste ne pouvait avoir que des retombées positives pour les communautés locales.
« JE SOUTIENS REX »
Le groupe a pu jusqu’à présent être relativement convaincant au Texas où la densité de population est assez faible, mais se heurte à beaucoup plus de réticences en Pennsylvanie ou dans l’Etat de New York, dont les sous-sols sont également riches en gaz de schiste. Quant aux défenseurs de l’environnement, ils se sont, bien entendu, engouffrés dans la brèche ouverte par cette dispute de voisinage.
Josh Fox, le réalisateur de Gasland, un documentaire violemment anti-gaz de schiste a même pris la tête d’une touchante campagne de solidarité sur Twitter pour soutenir son nouvel ami d’Exxon sous le mot clé : #ImwithRex (Je soutiens Rex).
M. Fox s’était lancé dans ce combat après qu’un groupe pétrolier lui a proposé de forer au fond de son jardin contre la somme de 100 000 dollars. Il en faudrait sans doute beaucoup plus pour convaincre M. Tillerson, dont la rémunération a atteint 40 millions de dollars en 2012, de finir par accepter le château d’eau.
Stéphane Lauer (New York, correspondant)
SOURCE : Le Monde/Planète