Nouvelles d’E.Giboulot, le viticulteur en biodynamie bourgignon jugé aujourd’hui
Dernières nouvelles : le procureur aurait requis 1000 euros d’amende avec sursis.
Rappel de l’affaire :
Dijon (AFP) – Un vigneron bio de Côte-d’Or comparaît lundi à Dijon pour avoir refusé de traiter ses ceps contre une maladie, la flavescence dorée, un procès qui scandalise les écologistes tandis que la profession bourguignonne s’inquiète d’une mauvaise publicité.
L’affaire débute au printemps dernier, quand la découverte de foyers de la maladie près de Beaune conduit le préfet à imposer de traiter tous les vignobles du département contre la cicadelle, l’insecte qui répand la flavescence dorée.
Viticulteur en biodynamie depuis les années 1970, Emmanuel Giboulot s’y refuse sur les dix hectares qu’il exploite en Côte-de-Beaune et Haute-Côte de Nuits. Même à la pyréthrine, pesticide naturel. Après un contrôle en juillet de la Direction régionale de l’agriculture, il a été convoqué devant la justice et encourt six mois d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.
« Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas traiter, mais il faut traiter là où c’est nécessaire », a déclaré M. Giboulot avant l’audience lundi, soulignant qu’en Côte-d’Or il n’y avait pas encore de maladie avérée selon lui.
« Est-ce qu’on va donner de la chimiothérapie à quelqu’un, en prévention d’un éventuel futur cancer? », a-t-il ajouté.
– Champagne et accordéon –
Trois cents à 400 personnes, selon une journaliste de l’AFP, étaient rassemblées devant le tribunal en soutien au vigneron, à l’appel d’organisations écologistes. Des tables étaient dressées pour un pique-nique au soleil et au son d’un accordéon, des convives trinquant même au champagne.
« Emmanuel Giboulot est un honnête citoyen », « Pesticides veut dire tuer », « Logique préfectorale », « Pesticides aveugles », pouvait-on lire sur des pancartes.
Selon le chef du Service régional de l’alimentation, Olivier Lapôtre, la flavescence dorée est « une maladie mortelle et très contagieuse », d’où la nécessité de traiter partout.
Un important foyer avait été découvert fin 2011 dans le nord Mâconnais, en Saône-et-Loire. « Presque tout le vignoble français est touché, hormis le Jura, la Champagne et l’Alsace », précise Denis Thiéry de l’Institut national de recherche agronomique de Bordeaux, pour qui l’épidémie, apparue en France en 1949 en Armagnac (sud-ouest), « explose depuis une dizaine d’années ».
Reste que selon la préfecture de Bourgogne, une seule parcelle de 0,20 hectare, fortement touchée par la flavescence dorée en 2013, a dû être arrachée, contre 11,3 ha en 2012. Pour l’avocat du vigneron, Me Benoist Busson, le préfet n’était en outre pas compétent à agir, « seul le ministre » l’étant, en l’absence d’urgence motivée dans son arrêté.
– Martyr du bio –
Pour lui, le préfet a même fait du zèle: un arrêté ministériel de 2003, revu récemment, prévoit que lorsqu’un cep est contaminé sur une parcelle, le périmètre de lutte contre la flavescence dorée inclut la commune où elle se trouve et éventuellement ses voisines, « mais pas tout le département ».
« La liberté de choix, en l’absence de menace sanitaire avérée, devrait être de mise », martèle Sandrine Bélier, députée européenne EELV du Grand Est, qui voit dans l’assignation du vigneron une « absurdité ».
Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) dénonce quant à lui des « contre-vérités » autour du cas de M. Giboulot, dont il refuse de faire un martyr du bio car « il n’est pas l’unique défenseur de la nature ».
Dans le collimateur du BIVB, une vidéo lancée par l’Institut pour la protection de la santé naturelle, association basée à Bruxelles, promeut des « solutions alternatives » pour lutter contre la cicadelle.
« Dire qu’il suffit de mettre des pièges orange et un peu d’argile, ce n’est pas vrai (…) Si l’on constate, par une analyse fine comme nous l’avons fait, qu’il n’y pas d’autre choix, il faut traiter », insiste Pascal Lambert, du Service d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne.
« Non, la Bourgogne ne pollue pas » en traitant ses vignes, tonne Claude Chevalier, président du BIVB, pour qui ce procès ne fait pas une bonne publicité aux crus bourguignons, notamment à l’étranger.
Source : Le Nouvel Observateur