La manipulation du système de pensée 1.0 : Un problème=une cause=une solution.
L’article ci-dessous explique très bien comment, face à une situation à corriger, nous sommes poussés à n’envisager qu’une seule cause et donc entraînés à ne voir qu’un ennemi. Idéal pour créer peur, séparation, voire haine de la cible ainsi désignée, nous exercer à la pensée unique et nous faire régresser vers des raisonnements incultes, infantiles et dangereux et ce, aussi bien par les penseurs du « politiquement correct » que par certains opposants à cette pensée. La vie n’est pas binaire, la vie est riche et complexe, nos esprits et nos comportements humains aussi.
On ne vous le répétera jamais assez ; Analysez, critiquez, doutez, servez vous de l’histoire, de la philosophie, ce ne sont pas les outils d’analyse qui manquent, envisagez toutes les hypothèses, utilisez votre libre arbitre !
La théorie de la cause unique ? (1/2)
Est-ce une nouvelle religion, un phénomène psychologique inexpliqué ou un effet de bord de la vie numérique ? Le mode de pensée binaire, puisqu’il s’agit de cela, est en cours d’envahir toute la sphère de réflexion collective. A chaque problème une solution, mais à chaque problème une cause…unique, ou presque. Bien entendu, la volonté d’expliquer des phénomènes inquiétants ou causant de grosses difficultés, est naturelle, très humaine.
Rester dans l’inexpliqué, entre deux rives, alors que tout se déchaine autour de soi est assez insupportable. Trouver une raison, une cause aux problèmes est donc une démarche humaine logique. Longtemps, les dieux ont été là pour permettre cette explication : capricieux et propices à mettre les être humains dans des situations impossibles, il suffisait, lorsque rien n’allait correctement, de les accuser. Le Dieu unique des monothéismes n’a pas changé grand chose à cette façon d’expliquer le monde puisqu’il a inventé le diable ou les djinns, bref des entités maléfiques censés causer des troubles à l’humanité, la défier, l’obliger à se dépasser. Au XXIème siècle, la techno-science a remplacé la plupart du temps la religion, pour en devenir une, en un certain sens. Mais le fonctionnement par principe de cause unique n’a pas beaucoup varié.
La simplification : vertu pédagogique ?
Dans un monde complexe, hyper complexe, fait de causes et d’effets pléthoriques, en perpétuel changement, avec des inventions humaines toujours plus nombreuses et surprenantes, l’esprit humain en vient à se noyer dans un océan d’informations et d’intrications de phénomènes les plus divers. Internet n’est pas étranger à cet effet de noyade intellectuelle, pour le moins sidérant. Un prochain article traitera de cette problématique d’Internet et de la sidération par trop plein d’informations. Toujours est-il que les scientifiques et experts de tous poils n’ont jamais été autant plébiscités, comme les pythies grecques de l’Antiquité, pour venir éclairer toute cette complexité.
Economie, politique, problèmes sociaux, santé, environnement, climat, tout y passe. Notons que les possibilités de séduction des foules pour certains personnages à la faculté oratoire développée sont vastes dans une époque pareille. Conférences, spectacles, meetings, ouvrages, articles, tout est bon pour venir expliquer aux masses le pourquoi du bordel ambiant, pour faire simple. Si l’on analyse les discours de ces spécialistes ou experts auto-proclamés des problèmes modernes, il ressort pour la plupart d’entre eux, malgré de grandes circonvolutions intellectuelles qui voudraient exprimer une complexité de raisonnement, une simplification extrême des dites causes modernes de la difficulté du monde.
…ou outil politique ?
Sur les modifications du climat, d’éminents scientifiques ânonnent la cause unique de l’émission de Co2 par les activités humaines et en viennent à menacer tous ceux qui oseraient chercher une explication multi-factorielle et complexe à l’étude du climat planétaire différente de la leur. Sur le cancer, l’augmentation de la pauvreté, les guerres, il est fréquent de retrouver des causes uniques, simples, faciles à assimiler et répéter autour de soi. L’ennemi unique est toujours un bon système de pensée pour arriver à soulager l’esprit qui n’arrive pas relier toutes les causes et effets en cours autour de lui.
Ainsi, pour certains, l’ennemi est le capitalisme, pour d’autres c’est le socialisme et le trop plein d’Etat, ou bien encore un ordre secret millénaire, des hommes lézards venus de l’espace, les Francs-maçons, les Juifs, l’islamisme radical, ou tout ça en même temps…mais des concepts qui font un « tout » plutôt simple à assimiler. Après tout, une secte millénaire aidée d’hommes-lézards venus de l’espace peut très bien avoir comploté avec un ordre judéo-maçonnique capitaliste qui se cache sous les traits de politiciens socialistes qui créent un nouvel ordre mondial d’Etats tout puissants qui esclavagisent les populations avec l’appui des islamistes radicaux, utilisés pour déstabiliser l’ensemble ?
Tout ça est en fait très sérieux
La vision du monde (post-moderne) que les citoyens tentent d’avoir est très fragmentaire, parce que mouvante et travaillée par de nombreux groupe d’intérêts qui cherchent à engager dans leur sens, le plus grand nombre. A force de manipulations éventées, de tentatives d’influences plus ou moins réussies (de la part de ceux qui en ont les moyens), les populations en viennent à ne plus accorder leur confiance aux élites censées les guider, ou tout du moins les éclairer et améliorer leur sort.
L’explication unique devient alors vraiment importante, nécessaire, sinon, c’est la sensation d’être le dindon de la farce qui supplante tout. Une forme d’écrasement sous le poids de forces terribles, exogènes et anthropique qui au final empêchent l’individu d’exercer son libre-arbitre. C’est ainsi qu’en ce moment, des groupes plus ou moins importants de personnes en France manifestent et cherchent à s’opposer à mal unique qui rongerait le pays. Ils sont différents, n’ont pas tous le même ennemi, mais ont en commun cette simplification des causes. Avec des responsables en ligne de mire. Oui, sauf que la responsabilité, les causes ne sont pas si simples…
(Re)lire Nietszche #oupas
La lecture d’ouvrages du célèbre philosophe fou allemand a tendance à causer plusieurs réactions assez étranges. Parfois c’est exaltant, lumineux, parfois tout devient sombre, incompréhensible, déprimant. Ce penseur n’en reste pas moins un génie, unique dans son genre, qui a su porter très loin la capacité humaine à conceptualiser l’existence et la réalité relative du monde. Lire Nietszche, c’est nager dans la complexité. Ce qui procure à la fois humilité, apaisement et rage, envie de taper sur tout ce qui bouge ou aller se rouler dans l’herbe sous un orage en éclatant de rire. Bref : s’il y a des choses qui aujourd’hui nous guettent, elles sont potentiellement inscrites au fond d’un ouvrage du célèbre penseur qui s’est figé et n’a plus jamais écrit ou parlé après avoir vu un homme qui maltraitait un cheval à Turin.
Parler de Nietszche ne change pas la situation de désarroi désormais établi d’une grande part de la population française, c’est certain. Pour autant, ne pas tenter de remettre un peu de sens dans cette époque, est ennuyeux. Parce qu’il y a du sens, autant dans les emportements de la « manif pour tous », des « bonnets rouges », des « dieudonnistes », du « Printemps français » et autres soraliens, chouardiens, frontistes. Laisser dire n’importe quoi de la part de ceux qui mènent ces groupes, ou qui les soutiennent, si l’on estime leur message réducteur, insultant, dangereux, menant à la violence, n’est pas non plus possible. Mais dans un deuxième temps, ne pas faire savoir que tout cet emballement contestataire est le fruit d’une complexité vaste—mais exprimable—est dommage.
Le fruit d’un processus long et…collectif
Ce n’est pas avec cet unique article que toutes les causes des énervements populaires actuels seront développées. Par contre, sortir de la cause unique (ou presque) des problèmes déclarée par ces groupes, pour aborder la réalité objective des problèmes auxquels nous sommes confrontés, peut être effleuré. Des tentatives ont été faites ici même, sur Reflets, pour comprendre, par exemple, les origines de la crise financière, crise de la dette, crise économique : rien n’est simple, de nombreux facteurs se sont accumulés pour mener des sociétés telle que la nôtre, là où elle en est. Travail difficile, non exhaustif, tentative de chercher à réfléchir sur le monde qui nous entoure : il n’y a pas de volonté de tout résoudre ici, c’est impossible. Mais chercher des pistes, oui.
Si l’on parles des responsabilités vis-à-vis de l’état de la société, de l’économie, de la société en général, il est assez fréquent de pointer les responsables politiques. Oui, mais : qu’avons-nous fait si ce n’est leur donner notre accord pour qu’ils s’occupent des affaires du monde ? Les citoyens des démocraties occidentales s’empoignent depuis longtemps pour la défense d’un camp contre un autre : gauche contre droite, libéralisme vs socialisme… etc… Et arrive un moment où toute cette belle horlogerie s’écroule : les masques tombent, il n’y a rien derrière ces camps, aucune approche du monde, pas de projet de société, mais seulement des perroquets en costume-cravate ou tailleur, qui récitent les mêmes couplets avec une conviction que l’Actor-studio ne renierait pas. Pour appliquer toujours la même politique, rester aux commandes et faire payer à la population des choix toujours plus destructeurs pour elle. Et si la population s’en rend compte, le fait savoir, il y a là un moment assez particulier.
C’est ce moment qui est en train de survenir. En sachant que les révolutions arabes, la tunisienne en particulier, ont donné un espoir assez fou en Europe et aux Etats-Unis de pouvoir faire changer le système en place, pour l’amener à moins d’injustice : les indignés espagnols, puis les occupy wall street ont été ce début d’étincelle vite étouffée. Les 99% et les 1% : encore une cause unique ? Cela reste à analyser. Ce que tentera de faire l’article suivant.
Suite demain…
SOURCE : http://reflets.info