Sommes nous atteints par l’agnotologisme ?
Soyez rassurés, ce n’est pas une maladie de votre blog préféré ! Bien au contraire, nous nous appliquons au mieux chaque jour pour lutter contre cette horrible virus de l’esprit qui touche certains médias et dont l’étude s’appelle :
L’agnotologie
Les lobbyistes s’en servent pour semer le doute lorsque la science menace leurs intérêts. D’où l’urgence d’une contre-offensive face à ce nouveau sophisme.
Dans la famille des incrédules, on connaissait l’agnostique : celui qui, s’avouant littéralement « sans connaissance », ignorant en matière religieuse, préfère suspendre sa croyance. Désormais, il faudra compter avec l’agnotologie.
Cette discipline étudie des agnostiques d’un genre nouveau dont le doute ne porte pas sur la religion mais sur la science. Surtout, leur ignorance n’est plues subie, mais provoquée : elle est le but d’une stratégie de désinformation menée par des industriels, des États ou des associations, dès lors que la science menace leurs intérêts. Un doute entretenu à coups de millions de dollars par les cigarettiers ou les climato-sceptiques, dont le discours est un cas d’école pour cette nouvelle science de l’ignorance.
Selon l’historien des sciences Robert N. Proctor, qui a introduit le terme au début des années 1990, l’agnotologie a pour cible la « production culturelle de l’ignorance. » Elle décrypte les mécanismes de cécrédibilisation de la science destinés à alimenter des guerres d’opinions et à empêcher, ou tout du moins à retarder, les réglementations.
Pluies acides, amiante, pesticides, perturbateurs endocriniens… Dans la « La Fabrique du Mensonge » (Denoël 2013) , le journaliste scientifique Stéphane Foucart dresse la longue et inquiétante liste de ces dangers avérés pour l’environnement ou la santé publique, mais férocement contestés par ceux que Naomi Oreskes et Erik M. Conway appellent les « Marchands de doute » (Le Pommier,2012).
L’ouvrage tire son titre de la devise glaçante des fabricants de tabac : « Le doute est notre produit ». A défaut de montrer que la cigarette est inoffensive, mettons en doute la preuve de sa nocivité : ce raisonnement diabolique s’étale dans les millions de pages des documents internes saiis lors des grands procès fédéraux américains contre les cigarettiers.
Cette gigantesque industrie du scepticisme repose sur un principe simple : combattre la science sur son propre terrain pour mieux la corrompre, à grand renfort d’experts et de pseudo-publications scientifiques. La stratégie, remarque Proctor est toujours la même :
« Détourner le public de la vérité en accaparant à son profit le respect que l’on porte à la science » en reprenant par exemple la distinction entre lien et cause pour atténuer l’implication de la cigarette sur les cancers.
Ce travestissement de l’ignorance en vérité explique aussi pourquoi l’agnotologie doit être intégrée à la philosophie des sciences….
… Parce qu’elle se confronte à la puissance du faux lorsqu’il se pare des oripeaux du savoir, l’agnotologie s’ancre dans la tradition socratique pour réfuter les sophistes d’aujourd’hui passés maîtres dans l’art du lobbying sans scrupule.
Elle rencontre aussi ses difficultés : comment peut-on connaître ce qu’on ignore ? Un paradoxe que cette nouvelle discipline tente d’éclaircir en analysant les mécanismes d’oubli et de censure qui entrent dans notre désir d’arrangement avec la vérité.
Sans savoir si on doit s’en réjouir ou s’en désoler, l’agnotologie a encore de beaux jours devant elle.
Mathilde Lequin
CONCEPT : Étymologiquement, l’agnotologie est l’étude de la privation de connaissance (gnosis en grec).
Le concept désigne la science de l’ignorance et de sa production.
Elle analyse les mécanismes cognitifs de la construction du doute.
Source : Professeur d’histoire des sciences à Stanford, Robert N. Proctor est considéré comme le père de l’agnotologie, théorisée dans ses ouvrages sur l’industrie du tabac.
Exemple dans l’actualité : En Août 2013, la National Oceanic and Atmospheric Administration afirme que 6,2 à 11,7% du gas de schiste fuite lors de l’exploitation. En septembre 2013, des chercheurs de l’Université du Texas ont ramené la proportion à o,42%, un rapport financé par le secteur pétrolier et gazier.
Source : Article du N°76 de Philosophie Magasine, retranscrit par galadriel)
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SOPHISME ET SOPHISTE : Un sophisme, ou argumentation à la logique fallacieuse, est un raisonnement qui cherche à apparaître comme rigoureux mais qui en réalité n’est pas valide au sens de la logique (quand bien même sa conclusion serait pourtant vraie).
Dans la Grèce antique, les sophistes dont le nom est à l’origine du terme sophisme, enseignaient l’éloquence et l’art de la persuasion. Et c’est pour démasquer leur rhétorique parfois fallacieuse que les philosophes ont posé les bases de la logique.
Exemple de sophismes connus (mais il y en a de beaucoup plus subtils)
- Un problème comporte toujours au moins une solution. Donc s’il n’y a pas de solution, il n’y a pas de problème3. (contexte de duperie argumentaire) [figure de sens, sophisme]
- Dans l’emmental, il y a des trous. Plus il y a d’emmental, plus il y a de trous. Plus il y a de trous, moins il y a d’emmental. Donc plus il y a d’emmental, moins il y a d’emmental.
Source : wikipédia