Marketing démocratique et tour de passe-passe
Lisez attentivement ce qui suit pour comprendre l’esprit tordu des technocrates bruxellois
L’Europe a décidé d’une consultation publique sur le traité Transatlantique en cours.. Pas sur le traité, non ! Sur un point précis. Lorsqu’on lit l’article, on se rend compte qu’en fait, il s’agit de créer une structure qui permet à une entreprise de porter plainte et demander des dommages et intérêts à un état dont les décisions ou les lois seraient la cause d’une perte de chiffre d’affaire.
Autrement dit, il s’agit ni plus ni moins que d’enlever encore un peu plus de souveraineté aux états pour rassurer les investisseurs. Sauf qu’au-lieu de l’imposer directement, (ce qui n’est en réalité pas dans les prérogatives de l’administration bruxelloise,) ils ont décidé qu’il y aura débat. Le problème, c’est que chez nous, le Sénat a déjà dit non ! Autrement dit, l’Europe par cette manoeuvre tente de passer au dessus de l’Etat. Magnifique !
Ouf ! on a eu peur, on a cru que Bruxelles perdait brutalement ses œillères ultra-libérales…
Bruxelles lance une consultation publique sur l’accord commercial entre l’Europe et les États-Unis
Les citoyens européens pourront-ils donner leur avis sur le futur accord commercial entre les États-Unis et l’Europe ? Les États-membres ont été informés le 20 janvier du lancement d’une première consultation publique sur cet accord controversé (lire notre enquête) par le commissaire au Commerce, Karel de Gucht. D’une durée de trois mois, à partir de mars, cette consultation portera uniquement sur le volet « protection des investissements ». Et notamment sur la possible intégration dans cet accord commercial d’une clause très critiquée de « règlement des différends » entre investisseurs privés et États.
Selon cette clause, des entreprises pourraient porter plainte contre un État si elles considèrent être pénalisées par des évolutions de la législation, comme une nouvelle législation du travail ou des règlementations environnementales trop « contraignantes ».
Les entreprises pourraient alors réclamer des dommages et intérêts, devant un tribunal spécial. Un mécanisme, présent dans d’autres accords commerciaux, qui a déjà permis à des entreprises européennes d’engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou. Des milliards de dollars sont actuellement réclamés par des multinationales, là où un dispositif similaire a été mis en place, en compensation de mesures comme l’interdiction de produits toxiques, de l’extraction des gaz des schiste, l’encadrement de l’exploitation de l’eau, du sol ou du bois.
Revirement du gouvernement français ?
Une telle décision risquerait « de remettre finalement en cause la capacité à légiférer des États », a alerté le Sénat français dans un rapport. L’ouverture de cette consultation publique européenne permettra-t-elle de débattre sereinement de cette question ? Est-ce une tentative de la Commission européenne pour tester l’acceptabilité sociale d’une telle mesure, alors même que celle-ci ne fait pas partie officiellement du mandat actuel des négociateurs européens ? Ou du marketing « démocratique » pour éviter une vague eurosceptique lors des prochaines élections européennes ?
Le Commissaire européen affirme vouloir lancer cette consultation, à cause d’un « intérêt public sans précédent ». Il souhaite trouver « le bon équilibre entre la protection des investissements et le droit des pouvoirs publics » : « Les gouvernements doivent toujours être libres de réguler afin de pouvoir protéger les personnes et l’environnement. Mais ils doivent aussi trouver un juste équilibre et traiter les investisseurs équitablement s’ils veulent attirer des investissements ».
L’annonce de cette consultation a en tout cas été saluée par la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq. Qui prévient : « Le mécanisme de règlement des différends entre investisseur et État doit faire l’objet d’une vigilance particulière. J’invite la société civile française, notamment les organisations non gouvernementales mobilisées sur ce projet, les syndicats de salariés et les entreprises, à participer largement à la consultation qui sera ouverte. »
« La position exprimée par le Parlement français contre ces tribunaux était pourtant claire », s’indigne au contraire Jean-Luc Mélenchon. L’Assemblée nationale avait demandé fin mai 2013 que le mécanisme concernant le règlement des différends entre investisseurs privés et États soit exclu du mandat de négociation. « Aucun tribunal d’arbitrage ne devrait être discuté dans ces négociations », estime le leader du Parti de gauche, qui reproche à la ministre socialiste de se féliciter de cette consultation. « Les votes du Parlement français n’ont donc aucune valeur pour [Nicole Bricq]. Elle est peut-être déjà décidée à n’en tenir aucun compte. C’est une forfaiture », lance le député européen.
Pour tout comprendre sur cet accord commercial en cours de négociation, lire notre décryptage : Accord Europe – États-Unis : que nous réserve la plus grande zone de libre-échange du monde ?
Agnès Rousseau pour Bastamag