Un humain archaïque inconnu découvert grâce à l’ADN
Parfois, comprendre d’où on vient, ça met un peu d’air dans la tête….
Un bout de doigt de pied ayant appartenu à une dame Néandertal qui vivait voici 50.000 ans dans une caverne des monts de l’Altaï a permis de découvrir un nouvel humain archaïque inconnu, et… les origines incestueuses de la dame.
A la fin de la préhistoire, Néandertaliens et d’autres mystérieux groupes humains croisaient nos ancêtres Homo sapiens physiquement, et parfois sexuellement, dans des cavernes de Sibérie ou d’Europe. Même s’ils tous sont éteints, on sait désormais qu’une partie de leur héritage génétique survit encore aujourd’hui en nous.
Cette histoire, c’est un petit doigt qui l’a dit. Plus précisément un petit bout de doigt de pied ayant appartenu à une dame Néandertal qui vivait voici 50.000 ans dans une caverne des monts de l’Altaï, à Denisova en Sibérie.
Des généticiens, lancés depuis 2006 sur les traces des Néandertaliens, sont parvenus à lire l’ADN de l’os et à reconstituer le génome de cette femme.
Leurs résultats, d’une précision sans précédent, éclairent d’un jour nouveau l’histoire des humains primitifs disparus mais aussi le melting pot génétique dont nous autres, humains modernes, sommes les héritiers.
A l’exception des Africains, tous les humains modernes ont ainsi dans leur génome 1,5% à 2,1% d’ADN légué par les Néandertaliens, selon ces nouvelles estimations.
L’Homme de Denisova
Quant aux populations asiatiques et aux Amérindiens, environ 0,2% de leur génome a pour origine un lointain cousin de Néandertal, l’Homme de Denisova. Une proportion qui monte à quelque 6% pour les aborigènes d’Australie, les Papous de Nouvelle-Guinée et certaines îles d’Océanie.
Publiée mercredi dans la revue Nature, « l’étude montre à quel point l’histoire des humains et des hominines (leurs cousins disparus, ndlr) était compliquée à l’époque », résume l’un des auteurs, Montgomery Slatkin.
« Nous savons qu’il y avait beaucoup de croisements, et il y en a probablement eu d’autres que nous n’avons pas encore découverts », explique-t-il dans un communiqué diffusé par l’université de Californie, à Berkeley.
Néandertaliens et Dénisoviens pouvaient aussi s’accoupler entre eux: le premier a donné au moins 0,5% de son ADN à la lignée du second.
« Il est possible que cet humain inconnu soit l’Homo erectus »
L’analyse ADN a aussi révélé la présence d’un quatrième larron dans cet imbroglio familial: le génome de l’Homme de Denisova contient 2,7 à 5,8% du génome d’un humain « archaïque », vieux d’au moins un million d’années, jusqu’alors inconnu au bataillon!
« Cette ancienne population d’hominines existait avant que les Néandertals, les Dénisoviens et les humains modernes ne se séparent », indique Kay Prüfer, de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste de Leipzig (Allemagne), auteur principal de l’étude.
« Il est possible que cet humain inconnu soit l’Homo erectus que l’on connaît par ses fossiles. D’autres études seront nécessaires pour confirmer ou infirmer cette éventualité », précise le chercheur.
En poussant plus loin la comparaison, les généticiens pensent même être parvenus à identifier les séquences génétiques propres aux humains modernes, à l’exclusion de tous les autres primates, grands singes, Dénisoviens ou Néandertaliens.
L’essence génétique de l’Homo sapiens tiendrait dans une liste « relativement courte » (87 gènes spécifiques et quelques milliers de variantes), selon Svante Pääbo, directeur de l’Institut Max Planck et pionnier de l’ADN ancien.
« C’est un catalogue de traits génétiques qui différencient les humains actuels de tous les autres organismes, qu’ils soient vivants ou éteints. Je crois qu’à l’intérieur se cachent certaines choses qui ont rendu possible l’énorme expansion des populations humaines, de leur culture et de leur technologie, au cours des 100.000 dernières années », dit-il.
« On ne peut pas pointer un gène du doigt et dire ‘voilà ce qui est responsable du langage ou d’un autre trait dont les humains modernes ont l’exclusivité' », précise M. Slatkin. « Mais cette liste de gènes va nous renseigner sur les changements que la lignée humaine a connus, même si ces changements seront probablement très subtils ».
Liaison incestueuse
Pour la petite histoire, la propriétaire néandertalienne de l’orteil était peut-être le fruit d’une liaison incestueuse. L’étude démontre en effet que ses parents partageaient le même sang: demi-frère et demi-soeur issus d’une même mère, oncle et nièce, tante et neveu ou doubles cousins germains …
Cela n’est pas forcément la preuve de moeurs dissolues mais plutôt le signe que la densité de population chez les Néandertaliens et les Dénisoviens était très faible, ce qui aboutissait à des unions consanguines plus fréquentes qu’aujourd’hui.