La loi peut-elle obliger les agriculteurs à utiliser des pesticides ?

 

Emmanuel Giboulot, vigneron en biodynamie en Côtes d’Or, devrait passer un Noël agité. Le 24 décembre, il sera convoqué au tribunal d’instance de Beaune, a t-il indiqué à Basta !. Le vigneron bio encourt jusqu’à 30 000 euros d’amende et 6 mois de prison pour avoir refusé d’épandre un insecticide pour lutter contre une maladie de la vigne, la flavescence dorée (lire notre précédent article qui a révélé l’affaire). En juin dernier, unarrêté préfectoral impose le traitement aux pesticides de « l’ensemble des vignobles de la Côte-d’Or »« Cela revient à détruire une partie de la faune auxiliaire, tout ce qui génère les équilibres de nos vignobles », explique le viticulteur, dont les parcelles sont en agriculture biologique depuis 43 ans. Il a donc refusé de se plier à l’arrêté préfectoral.

 

La loi peut-elle obliger un agriculteur à recourir aux pesticides ? L’arrêté préfectoral fait référence à un article du Code rural qui, selon le partiEurope Ecologie – Les Verts Bourgogne« ne stipule pas le recours systématique à l’utilisation des pesticides ». Le motif invoqué dans la convocation d’Emmanuel Giboulot serait donc « illégitime ». Pour les écologistes bourguignons, cette convocation « a tout d’une manœuvre d’intimidation destinée à dissuader les autres viticulteurs d’entrer en désobéissance civile contre cet arrêté préfectoral qui interprète arbitrairement le Code rural »« Dans cet arrêté, il est prévu une exception pour les viticulteurs qui voudraient expérimenter des alternatives [1], ajoute Marcellin Babey de l’association environnementale CAPEN 71 [2]. Raison pour laquelle nous sommes très surpris de la virulence avec laquelle la répression s’abat sur M. Giboulot ».

 

Plusieurs associations et syndicats [3] demandent « l’arrêt des poursuites judiciaires envers les viticulteurs qui ont refusé le traitement obligatoire en 2013 dès lors qu’ils s’engagent dans une procédure alternative » [4]. Ils préconisent une surveillance régulière, la détermination d’un zonage de traitement limité aux foyers avérés et davantage de recherches sur les pratiques qui pourraient stimuler la résistance de la vigne à la flavescence.« C’est un combat qui commence avec un appui énorme de la société civile, souligne Marcellin Babey. Il y a manifestement un ras-le-bol de cette main-mise des phytosanitaires sur notre vie. Dans le cas présent, une alliance sacrée est en train de se nouer entre producteurs et consommateurs ». De nombreuses pétitions (ici et  notamment) et pages de soutien ont été lancées. La convocation d’Emmanuel Giboulot le 24 décembre chez le procureur devrait être suivie par un procès dont la date n’est pas encore fixée.

 

Notes

[1] La page 3 de l’arrêté préfectoral en Côte d’Or stipule que « Des dérogations à cette obligation de traitement insecticide en 2013 peuvent être accordées par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt pour la conduite d’études ou d’expérimentations par des organismes scientifiques et techniques après examen favorable d’un dossier argumenté sur les objectifs et les modalités de ces travaux. Des mesures de précaution définies et contrôlées par la DRAAF/SRAl sont notifiées aux responsables des études ou expérimentations ».

[2] Confédération des associations pour la protection de l’environnement et de la nature en Saône et Loire

[3] Agir pour l’environnement, Amis de la Terre, L’Appel de la Jeunesse, ASPRO-PNPP, Confédération paysanne, Demeter, FNAB, Générations Futures, Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique, Nature et Progrès

[4] Voir leur motion de soutien

 

Sophie Chapelle

Basta via le Nouveau paradigme

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