Décès : Le poids financier de la douleur
Même si nous évitons d’y penser, nous le savons tous, la mort fait partie de notre nature et nous sommes tous appelés à être confronté à cette échéance, au travers de nos proches et pour nous-mêmes. Lorsque cela arrive, en plus de la douleur de la séparation, il faut affronter l’aspect économique de la question. La famille, perdue, s’en remet souvent à l’entreprise de Pompes Funèbres qu’elle a contacté et même si ce n’est heureusement pas général, certaines entreprises n’hésitent pas à influencer les achats pour le plus grand bénéfice de leur chiffre d’affaire. Pensez-donc, c’est un filon qui restera juteux et renouvelable tant qu’il y aura des humains sur terre ! Naissance et mort sont les deux portes de la vie. On peut tenter de se passer de tout, mais ces deux pôles sont incontournables. Les industries et les commerces autour de ces deux événements ne connaissent pas la crise.
Il y a environ 500 000 décès par an. Avec une dépense moyenne de 2500€ par obsèques, cela représente un chiffre d’affaire de 1milliard 250 000€ annuels. Ce chiffre n’échappe pas à Bercy.
Comme vous le lirez dans l’article, la France reste le seul pays européen à ne pas appliquer la directive européenne qui permet de détaxer le funéraire. Il n’y a pas de petits profits. Une nouvelle loi vient de passer qui augmente l’autorisation de prélèvement du compte du défunt pour l’enterrement. de près de 2000€. Le risque est de voir l’industrie funéraire en profiter… Pourquoi se gêner ???
Explication :
Le juteux cadeau de l’État au lobby des pompes funèbres
EXCLUSIF A défaut d’étendre la TVA à taux réduit qui prévaut partout ailleurs en Europe, le gouvernement a accepté de relever un plafond susceptible d’augmenter leur chiffre d’affaires.
Selon le président de l’Association française d’information funéraire, Michel Kawnick, la décision du gouvernement va se traduire par un relèvement des factures que font payer les sociétés de pompes funèbres aux Français touchés par un deuil. (C) AFP
L’arrêté est paru ce mardi 10 décembre au Journal Officiel. Le plafond des sommes qu’on peut soustraire du compte d’un défunt pour payer ses obsèques va passer de 3.050 à 5.000 euros. A première vue, c’est une bonne nouvelle. Au moins pour les Français qui n’ont pas les moyens de faire une avance de fonds à la société de pompes funèbres qu’ils ont choisi pour enterrer leur être cher. Car il faut ensuite attendre des mois voire des années que la succession soit réglée pour avoir accès au(x) compte(s) bancaire(s) du défunt. Pourtant, Michel Kawnik, le Président de l’Association Française d’Information Funéraire qui défend les intérêts des consommateurs, crie au scandale.
« Le lobby des pompes funèbres demandait depuis longtemps une réévaluation. Mais 5.000 euros c’est énorme. Songez que le prix moyen des obsèques est plutôt autour de 2.600-2.800 euros ». Selon lui, cette décision va se traduire par une hausse des tarifs: « les sociétés de pompes funèbres demandent toujours comment leurs prestations seront réglées et quand il n’y a pas de contrats obsèques (NDLR: un Français sur cinq en détient un), elles se débrouillent pour savoir combien il y a sur le compte bancaire afin d’adapter leur devis ».
20.000 francs depuis 1992
Les sociétés de pompes funèbres contestent ce risque inflationniste. « Si on, prend en compte tous les frais annexes (fleurs, prêtre, faire-part, publication dans la presse…) le prix moyen oscille aujourd’hui entre 3.800 et 4.500 euros et depuis 2010 cela n’augmente plus du fait de la crise », s’insurge Richard Feret, directeur général de la CPFM (Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie).
>> Lire à ce sujet l’étude de Xerfi sur le marché des pompes funèbres en cliquant ici.
Les professionnels du marché de la mort font remarquer de leur côté que le plafond antérieur n’avait pas été réévalué depuis 1992. A l’époque il avait été fixé à 20.000 francs (3.050 euros au cours officiel de l’euro). L’argument est recevable. A une nuance près. L’érosion monétaire ne justifie pas à elle seule une aussi forte réévaluation. A en croire le convertisseur automatique franc-euro de l’insee qui prend en compte l’inflation, 20.000 francs de 1992 équivalent à 4219,85 euros d’aujourd’hui. On est loin du nouveau plafond de 5.000 euros.
D’autant que l’arrêté du gouvernement prévoit de le réévaluer chaque année en fonction de l’inflation. « Nos coûts ont évolué plus vite que l’inflation, conteste Richard Feret, arguant des nombreux investissements que les collectivités locales leur ont imposés, comme la construction de maison du défunt ».
La France applique une TVA à taux plein quand Bruxelles prône la TVA à taux 0
Si le lobby qu’il représente est parvenu à faire plier le gouvernement sur ce sujet c’est peut-être aussi parce que ce dernier a quelque chose à se faire pardonner. La Commission européenne autorise en effet les États membres de l’UE à exonérer de TVA, ou à appliquer un taux réduit, les prestations de service dans le domaine funéraire. Mais la France se refuse à appliquer cette directive. Seul le transport du corps bénéficie de la TVA à taux réduit en vigueur pour… tous les transports (7% aujourd’hui, 10% au 1er janvier 2014). Pour les autres services, c’est le taux normal qui s’applique (19,6% jusqu’au 31 décembre et 20% ensuite).
« La France est désormais le seul pays d’Europe à appliquer une TVA sur les services funéraires » assure le directeur général de la CFPM. Un sénateur socialiste, Jean-Marc Pastor a bien tenté d’interpeler Bercy sur les raisons justifiant cette exception fiscale qui selon ses calculs permet à l’Etat de gagner 185 millions d’euros par an. La réponse du ministère était un peu dans la question. « Cette mesure pèserait sur les finances publiques dans un contexte où le gouvernement est fermement engagé à réduire les déficits ». C’était le 19 juillet 2012. Gageons que l’an prochain, l’Etat gagnera encore plus que 185 millions d’euros avec les quelques 40 à 55.000 Français qui meurent chaque mois.
MAIS COMMENT FONT LES PAUVRES ?
Exemple en Savoie :
Des places au cimetière pour enterrer les plus démunis
Les indigents jetés à la fosse commune ? Ce temps est bel et bien révolu. Le point sur la législation.
C’est une obligation légale : tout maire doit mettre à disposition dans le cimetière de sa commune un « terrain général » (appelé aussi « terrain commun ») pour les familles souhaitant inhumer leur défunt sur un emplacement gratuit, indépendamment de leur situation financière.
Ces parcelles font en général 2 m x 1 m et accueillent un corps, voire deux (par exemple pour les couples, que la loi interdit d’enterrer séparément).
Mais ces emplacements en « terrain général » sont plus généralement utilisés pour l’inhumation de personnes n’ayant pas les moyens d’acheter une con-cession, voire tout simplement de financer leurs obsèques. Mais ne parlons pas d’indigents : « Ce mot ne s’emploie plus, argumente Christine Perrin, responsable du service population à la mairie. Ces parcelles sont gratuites mais décentes, et nous préférons parler de personnes sans ressources suffisantes. » Car toujours selon la loi, le maire a l’obligation de pourvoir aux obsèques de ces personnes, aux frais de la commune. « Ce qui représente deux à quatre cas par an, en moyenne. » Sont principalement concernés les sans abris et les personnes démunies sans famille connue… mais pas uniquement. « Beaucoup de familles ne font pas partie des personnes sans ressources suffisantes, poursuit Mme Perrin, mais elles n’ont pas de quoi assurer la totalité des frais d’obsèques – et cela de plus en plus dans le contexte économique actuel. La Ville verse donc le complément. » Mais comme il s’agit des deniers publics, le service population mène à chaque fois une enquête pour justifier cette dépense. De même, s’il reste un peu d’argent sur le compte bancaire du défunt, sa banque est tenue de financer les frais d’obsèques et la Ville assure la différence si nécessaire. « Dans les cas où c’est à la commune de tout prendre en charge, de la levée du corps à l’inhumation, le coût pour la collectivité est de 1 000 euros environ. Là encore, ce sont les prestations les plus simples mais elles sont décentes, tant que possible dans le respect des volontés du défunt, si nous pouvons en avoir connaissance. » Concernant la mise en terre, on est aussi bien loin de la fosse commune. Les tombes du « terrain général » sont creusées en pleine terre, mais si elles sont gratuites, en revanche la loi prévoit qu’elles peuvent faire l’objet d’un relevage du corps au bout de seulement cinq ans. A Thonon, les places sont suffisantes pour aller bien au-delà de cette échéance : « Cette année, les tombes que nous avons relevées avaient vingt-cinq ans.
» Et là encore, la Ville entend procéder avec humanité ! Les familles (s’il est encore possible de les joindre) ont alors le choix entre l’achat d’une concession et un relevage pour une crémation, ou bien le transfert de la dépouille mortuaire : ce qu’il reste du corps est alors rangé soigneusement dans l’ossuaire.
YVAN STRELZYK pour www.lemessager.fr