REGARD : A PROPOS DE L’OUVERTURE DES MAGASINS LE DIMANCHE

Travail dominical : pour les patrons !

Le pouvoir d’achat des ménages ne dépend pas de l’horaire d’ouverture des commerces ; c’est une valeur fixe. Mais la répartition de cette valeur entre les commerces dépend étroitement des plages horaires d’ouverture. On voit donc que les commerces qui souhaitent ouvrir le dimanche demandent benoîtement à ce que leurs revenus augmentent… au détriment de ceux qui ne peuvent pas ouvrir. L’ouverture du dimanche favorise donc la concentration du capital. Chacun a à faire son choix : être pour ou contre l’ouverture le dimanche, c’est être pour ou contre la concentration du capital !

Prenons l’exemple de Bricorama. La célèbre chaîne de magasins de bricolage, qui n’a pas le droit d’ouvrir le dimanche en région parisienne, conteste que ses concurrents, Leroy-Merlin et Castorama, puissent le faire. L’affaire va en justice, et Bricorama perd ! Surprise ? Eh bien pas vraiment ! Il suffit de comparer les chiffres d’affaires : Bricorama : 732 millions d’euros ; Leroy-Merlin : 5,5 millards ; Castorama : 3,3 milliards ! Il est clair que pour la justice aussi, l’ouverture du dimanche est une question de concentration du capital… et elle est pour !

Mais ces questions d’ouverture du dimanche ont un autre volet, syndical celui-là, et il n’est pas très glorieux ! Certes, nombre de syndicats résistent, comme par exemple les cinq UL CGT du Bassin Minier Ouest. Mais où sont donc les confédérations ? Elles laissent, quasiment sans réagir, les patrons manipuler les salariés qui viennent dire : « on ne gagne pas beaucoup, alors travailler le dimanche, ça met du beurre dans les épinards ! ». Et ces étudiants d’expliquer devant des caméras compatissantes que « le dimanche, c’est le seul jour où on peut travailler… parce que les bourses ne volent pas très haut ! ». Et on voit des salariés, avec tee-shirts et banderoles fabriqués par le service com de la maison, manifester sur les Champs-Élysées.

Il n’y a pas problème, là ? Les salaires bas, le temps partiel, les bourses de misère, ça ne demande pas une expression syndicale, des explications, des commentaires, une prise de position, une mobilisation ?

Les syndicats, et surtout leur direction, permettent d’intégrer le prolétariat dans la société capitaliste à travers des aménagements, et ce afin de contenir la colère des exploités. Pour Léon de Mattis, auteur de « mort à la démocratie »,

« le patronat et l’État se cherchent toujours des interlocuteurs pour représenter ceux qui luttent contre eux. Ils savent que c’est la meilleure manière d’en stériliser la puissance potentielle. Or, il n’y a aucune permission à demander avant de s’opposer en actes aux décrets du pouvoir qui nous oppresse. La sédition n’a pas besoin de se justifier. Elle est en elle-même sa propre justification ». Difficile de lui donner tort…

DR

source : Résistance.fr

Réflexion sur le sujet d’un site chrétien. Au delà de l’attachement des croyants au  repos dominical, les arguments déployés se basent sur la simple notion d’humanisme. (Non non ! les religieux ne sont pas tous rétrogrades  -))

Repos du dimanche : une digue d’humanité

« dimanche pour tous » sera-t-il le nouveau combat de cette rentrée ? De nombreuses enseignes commerciales bravent la loi et ouvrent le dimanche, en dépit de lourdes amendes. Des salariés sont mêmes volontaires pour travailler ce jour-là. Les débats sont vifs et dépassent les clivages habituels. Mais notre société n’a-t-elle plus besoin d’une halte hebdomadaire la plus partagée possible afin que la vie ne se réduise pas à produire et consommer ?

Certains se souviennent peut-être qu’effectuant un dimanche une visite à Paris, Michelle Obama s’était fait ouvrir rien que pour elle les étalages d’un grand magasin de la capitale. L’enseigne parisienne s’était fait ce matin-là une belle publicité. Mais personne ne connaîtra par contre la réaction de la vendeuse à charge d’enfants qu’il avait fallu convoquer (et séance-tenante) en plein repos familial. A faire croire qu’à l’heure de l’humanisme nous sommes tous obligés d’adhérer au système ultra-libéral sous peine d’encore passer pour des rétrogrades !

Humanisme

C’est bien sur ce créneau-là qu’il faut rester : parce que le repos dominical est une digue d’humanité. Ce n’est pas d’abord un sujet confessionnel, celui de sanctifier le jour du Seigneur (même si on est pour, hein ?), car force est de constater qu’une fois de plus, l’Eglise ne défend pas ici son intérêt mais le bien commun.

Pourquoi donc il y a-t-il si peu de voix pour défendre les joies familiales et sociales qui viennent se nicher dans le dernier créneau de gratuité préservé par la loi ? Oui au repos dominical pour tous ! Si la digue saute, le verrou jusqu’ici imposé à la puissance économique fera de nous tous des victimes. Il nous faut un « jour off » pour rendre visite à des voisins ou des parents, taper dans un ballon, jouer aux cartes, aller courir, lire un bouquin, vivre un engagement associatif, prier … bref, un espace de gratuité pour rappeler que l’homme ne se réduit pas à sa capacité de production ou de consommation.

Le rôle de l’Etat

L’Etat doit être le garant de cet espace-là. Il doit même veiller, pour le bien de tous, à ce qu’il soit respecté. On sait d’ailleurs qu’il a déjà encadré quelques exceptions, sans oublier bien sûr ceux qui sont d’astreinte et se dévouent au service de leurs contemporains … à commencer par les curés ! On ne peut pas non plus oublier ceux qui n’ont pas le choix et qui doivent absolument gagner davantage pour « tenir ». Ils sont de plus en plus nombreux … Sur le court terme, on ne peut que les comprendre et même reconnaître leur courage. Mais l’Eglise et ses pasteurs doivent aussi continuer d’alerter les consciences : quelle société voulons-nous ? Ce qui est en jeu sur le long terme va plus loin qu’un simple dépannage et touche aux modèles que nous voulons promouvoir.

Un nouveau choix de société nous est encore proposé. Le repos dominical a façonné notre culture. Il est le fruit d’une sagesse profonde et ancienne qui dit quelque chose de l’homme. On ne peut tout de même pas bousculer tout cela sans crainte !

Il ne faut pas se le cacher : la crise actuelle a donné à notre politique du « tout économique » un sérieux avertissement. Quand allons-nous donc ouvrir les yeux ? Le paradoxe est que cette question du repos dominical – qui n’est ni plus ni moins que la partie visible de l’idéologie ultra-libérale – soit posée à une majorité socialiste. Une idéologie qui consisterait à faire croire que l’homme pourrait mieux vivre en reportant ses courses au dimanche.

Sur ces questions d’humanité, la France a une belle tradition politique et est écoutée par le concert des nations. Ne peut-on pas penser qu’elle s’honorerait en invoquant les droits de l’homme dont elle est si prompte à se faire l’avocate ? Elle gagnerait même en respect et en attention si elle interrogeait le monde : « pouvons-nous rester des hommes et pas des caddies ? Consommer est-ce exister ? ». On l’aura compris : on nous promet un progrès alors qu’il s’agit d’une régression. L’idéologie du travail le dimanche n’est pas humaine, elle n’est donc pas acceptable. Encore moins pour un chrétien qui sait que le dimanche est le jour où le Christ est ressuscité, et donc le jour de la vie par excellence[1] ! Un jour à contempler comme un espace de gratuité suprême car le Dieu fait homme en profite pour se donner lui-même à tout son peuple dans l’Eucharistie.


[1] Dans son homélie aux JMJ de Cologne (2005), le pape Benoît XVI avait merveilleusement développé ce thème du dimanche comme un jour « différent ». A une époque où les différences sont si respectées et revendiquées, n’y a-t-il pas là une nouvelle vigilance à observer ? Le dimanche : un jour pas comme les autres, qui me permet de me tourner vers les autres et vers l’Autre ! Un texte à relire.

Source : http://www.aleteia.org

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