Vers une diminution de la vitesse sur les routes départementales

Un rapport, rendu le 30 septembre par les experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR), et auquel l’AFP a eu accès, préconise de réduire de 10 km/heure la vitesse sur les routes où elle est limitée à 90 km/heure. Elle passerait ainsi à 80 km/heure.

En France, les deux-tiers des décès se produisent en effet sur le « réseau départemental principal » – il s’agit des routes qui n’ont pas de séparateur médian.

Les experts sont toutefois divisés sur les mesures à prendre: ils indiquent que 450 vies seraient sauvées chaque année si on baissait la vitesse sur l’ensemble du réseau, et 200 seulement, si on ne le faisait que « sur les zones les plus dangereuses ».

Les premières réactions:

La proposition sera discutée le 29 novembre par l’ensemble des membres du CNSR, que préside le député PS Armand Jung.

Tout en se refusant à prendre ses collègues de vitesse, Pierre Chasseray, le délégué général de 40 millions d’automobilistes, s’y déclare opposé.

En effet, son association remet en cause l’une des conclusions de l’accidentologie qui met en évidence un lien entre vitesse et accidents. En 1982, Jan-Eric Nilsson, chercheur à l’Institut suédois des routes, a montré qu’une diminution de 1 % de la vitesse moyenne entraîne une baisse de 4 % du nombre des accidents mortels.

                                        1% —-> 4%

Ce modèle a pourtant pu être vérifié entre 2002, date à laquelle le président Jacques Chirac a élevé la sécurité routière au rang de « grande cause nationale »,et 2010.

Les politiques mises en œuvre, notamment l’installation des radars automatiques et la fin des indulgences envers ceux qui doivent payer des amendes, ont permis de faire baisser la vitesse moyenne.

De 90,5 km/h en 2002 , la vitesse moyenne a chuté à 79,4 km/h en 2010, soit une réduction de 12,26 %. Le nombre de morts est passé de 8250 en 2001 à 3992 en 2010.

Tout en déplorant « la fuite de ce rapport confidentiel », Chantal Perrichon, la présidente de la Ligue contre la violence routière,  se réjouit au contraire de cette proposition.
Elle espère qu’elle sera adoptée – par le conseil interministériel de sécurité routière – qui devrait se tenir en janvier – , en dépit de la proximité des élections municipales.

Elle souhaite qu’elle concerne l’ensemble du réseau départemental et non seulement des « zones dangereuses », qui, selon elle, n’existent pas, la dangerosité sur trouvant partout.

Elle rappelle que son organisation est favorable à la diminution des vitesses sur tous les réseaux, mais en priorité sur celui-ci.

Sera-t-elle suivie d’effet?

Le ministre de ‘intérieur, Manuel Valls, avait déclaré, le 21 juin, lors de la dernière séance plénière du CNSR: « Je reste convaincu que c’est en baissant davantage la vitesse sur les routes, et notamment les routes secondaires, que nous aurons une baisse de la mortalité. Si demain, il faut des mesures dans ce sens, je n’hésiterai pas à les prendre. »

L’objectif de l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, était de passer sous la barre des trois mille tués par an, à la fin de son quinquennat. Celui de Manuel Valls, en fait imposé par la Commission européenne, est de les faire passer sous la barre des deux mille en 2020.

Les experts du CNSR l’invitent à agir: ils estiment que les mesures actuelles de sécurité routière, comme le contrôle par les radars, continueront certes à produire leurs effets dans les années à venir. Mais ils évaluent à 2.800 le nombre de tués d’ici à 2020 « si rien de nouveau ne se produit ».

Les experts du CNSR proposent également d’éliminer les obstacles verticaux au bord des routes (arbres, murs, poteaux ou fossés), impliqués dans 1.370 décès en 2012, ou au moins de les isoler, par exemple grâce à des glissières de protection.

Une telle mesure, si elle était mise en oeuvre en priorité sur les routes secondaires supportant le plus gros trafic, permettrait selon eux de sauver « entre 120 et 270 vies ».
Les experts recommandent pour la financer d’utiliser les recettes des radars (le contrôle sanction automatisé, CSA).

Il suggèrent par ailleurs de lutter contre l’alcool au volant, notamment en réfléchissant à la mise en place d’éthylotests anti-démarrage (EAD) dans certains cas. Les EAD pourraient ainsi être proposés aux jeunes conducteurs, contre une réduction de leur prime d’assurance

Ils invitent à renforcer le « management de la sécurité routière », principalement via une communication « plus réactive et pertinente » – lire à ce propos cet article concernant les insultes à Mme Perrichon – le développement du contrôle sanction automatisé (CSA) et l’affectation des recettes du CSA « au financement des actions agissant directement sur la sécurité routière« .

Source : Le Monde/conso