Dossier : La «Feuille artificielle» produit du carburant stockable à partir de la lumière du Soleil
Une « feuille artificielle » a été mise au point par Daniel Nocera et son équipe. Composée d’une cellule photovoltaïque en silicium et de matériaux catalytiques de part et d’autre de la cellule, elle est plongée dans un récipient d’eau et exposée à la lumière (simulant la lumière du soleil).
La lumière génère un flux électrique qui permet (grâce aux catalyseurs) de séparer les molécules d’eau en oxygène et en hydrogène, produisant des bulles à partir des deux surfaces.
L’énergie volée par les brevets des pétroliers
Les chercheurs dirigés par le professeur du MIT, Daniel Nocera, ont conçu un dispositif qu’ils ont nommé «feuille artificielle. En effet, comme les feuilles végétales, cet appareil peut transformer l’énergie du soleil en un carburant pouvant être stocké et utilisé ultérieurement comme source d’énergie.
La feuille artificielle – un capteur solaire en silicium avec différents matériaux catalytiques collés sur ses deux côtés – ne nécessite pas de câbles externes ni de circuits de contrôle pour fonctionner. Il suffit de la placer dans un récipient d’eau et de l’exposer à la lumière solaire, pour que rapidement, des courants de bulles soient générés : bulles d’oxygène d’un côté, et bulles d’hydrogène de l’autre.
Ce récipient devra isoler les deux courants de bulles qui seront collectés et stockés. Ils seront utilisés en fonction des besoins pour fournir de l’énergie, grâce à une pile à combustible réunissant à nouveau l’ hydrogène et l’oxygène dans l’eau, fournissant ainsi un courant électrique.
La « feuille artificielle » est un dispositif qui permet d’exploiter la lumière du soleil pour décomposer l’eau en hydrogène et en oxygène sans avoir besoin de connexions externes. Elle agit au même titre qu’une feuille végétale, capable de convertir directement l’énergie du soleil en une forme chimique stockable.
La création du dispositif est décrite dans un article publié le 30 septembre dans la revue Science. Nocera (le Henry Dreyfus de l’Energie), est professeur de chimie au MIT. Il est l’auteur principal de ce document co-écrit par son ancien étudiant Steven Reece PhD ’07 (qui travaille actuellement au Sun Catalytix, une compagnie créée par Nocera pour commercialiser ses inventions en énergie solaire), ainsi que cinq autres chercheurs de Sun Catalytix et MIT.
Le dispositif, explique Nocera, est entièrement composé de matériaux disponibles en abondance et peu coûteux – entre autres, du silicium, du cobalt et du nickel – et fonctionne avec de l’eau ordinaire. D’autres tentatives pour élaborer des dispositifs utilisant la lumière du soleil afin de décomposer l’eau se sont appuyés sur des solutions souvent corrosives ou des matériaux assez rares et coûteux, comme le platine.
La feuille artificielle est composée essentiellement d’une mince épaisseur de silicium semi-conducteur qui transforme l’énergie du rayonnement solaire en un flux électrique à l’intérieur de la feuille (et tout cela sans fils). D’un côté, une couche d’un catalyseur à base de cobalt est liée au silicium, ce qui permet ainsi de libérer de l’oxygène (le potentiel de ce matériau à produire du carburant à partir de la lumière du soleil, a été découvert par Nocera et ses co-auteurs en 2008).
De l’autre côté, la feuille de silicium est revêtue d’une couche d’un alliage nickel-molybdène-zinc, qui libère de l’hydrogène à partir des molécules d’eau.
« Je pense qu’il y a de réels débouchés pour cette idée», dit Nocera. « On pourra difficilement obtenir un résultat si peu encombrant : vous n’avez pas besoin de fils, il est léger, et il nécessite peu d’équipements supplémentaires, si ce n’est un moyen de recueillir et de stocker les bulles de gaz. « Vous le mettez dans un verre d’eau, et il commence la décomposition », dit-il.
Maintenant que l’efficacité de la « feuille » a été démontrée, Nocera suggère une possible poursuite du développement de son procédé : il existe de minuscules particules de matière pouvant décomposer les molécules d’eau lorsqu’elles sont placées en plein soleil, et agissant plus comme des algues photosynthétiques que comme des feuilles.
L’avantage de ces petites particules, dit-il, serait d’exposer au soleil une surface beaucoup plus importante, ce qui permettrait d’exploiter plus efficacement l’énergie solaire. Par contre, l’ingénierie d’un système pour séparer et récupérer les deux gaz serait plus compliquée dans une telle configuration.
Ce nouveau dispositif n’est pas encore prêt pour la production commerciale, car les systèmes de collecte, stockage et utilisation des gaz restent à développer. « C’est une étape », explique Nocera. « Ça va dans la bonne direction ».
Il voit un avenir dans lequel les maisons individuelles pourraient être équipées de systèmes de collecte solaire basés sur ce principe : des panneaux sur le toit permettant d’utiliser la lumière du soleil pour produire de l’hydrogène et de l’oxygène qui seraient stockés dans des réservoirs, puis introduits dans une pile à combustible en fonction des besoins en électricité.
Nocera espère que ce système soit facile à fabriquer et assez bon marché pour pouvoir être largement distribué et adopté dans le monde entier, y compris dans les parties du monde qui n’ont pas actuellement accès à des sources fiables d’électricité.
Le professeur James Barber, biochimiste de l’Imperial College de Londres, n’ayant pas participé à cette recherche, déclare que la découverte de Nocera en 2008 d’un catalyseur à base de cobalt est une « découverte majeure », et que ses dernières découvertes « sont tout aussi importantes, puisque le procédé de clivage des molécules d’eau est entièrement effectué par la lumière visible qui utilise des systèmes à couplage étroit comparables à ceux utilisés dans la photosynthèse naturelle.
Il s’agit d’une réalisation majeure, et c’est un pas de plus vers le développement de technologies peu onéreuses et robustes permettant de transformer l’énergie solaire en combustible chimique ».
Barber avertit qu’ « il y aura beaucoup de travail pour optimiser ce système, en particulier en ce qui concerne le problème fondamental de l’utilisation efficace des protons générés par la réaction de dissociation nécessaire à la production d’hydrogène ». Mais, dit-il, « il ne fait aucun doute que cette réalisation est une percée majeure qui aura un impact significatif sur tous les travaux dédiés au développement de technologies basées sur la lumière pour produire de l’hydrogène, et autres combustibles solaires, à partir de l’eau.
Cette technologie va coexister et évoluer avec de nouvelles initiatives permettant d’améliorer et de réduire le coût de l’énergie photovoltaïque ».
Les recherches de Nocera sur la « feuille artificielle » sont orientées actuellement vers la recherche de « coûts de fabrication et d’utilisation de plus bas en plus bas » dit-il, et aussi vers les moyens d’améliorer l’efficacité du système.
A l’heure actuelle, la feuille peut rediriger environ 2,5 pour cent de l’énergie de la lumière solaire en production d’hydrogène, dans sa forme sans fils. Une variante du procédé, utilisant des fils pour raccorder les catalyseurs de la cellule photovoltaïque (au lieu de les coller ensemble) a atteint 4,7 pour cent d’efficacité.
Les cellules photovoltaïques commercialisées actuellement ont des rendements de plus de 10 pour cent. Entre toutes ces configurations, laquelle sera la plus efficace et la plus rentable à long terme ? Est la question que se posent encore Nocera et ses collègues.
Un autre axe de recherches portera sur l’utilisation et la réalisation de cellules photovoltaïques à partir d’autres matériaux que le silicium (l’oxyde de fer pourrait être une solution encore moins chère à produire). Pour Nocera, « Il s’agit de proposer des options et des alternatives à la réalisation de ce projet »
Avantages, inconvénients et efficacité
Les avantages de la production de carburant solaire grâce à la photosynthèse artificielle sont les suivants :
L’énergie solaire peut être immédiatement transformée et stockée. Dans les cellules, photovoltaïques la lumière du soleil est convertie en électricité puis à nouveau convertie en énergie chimique pour le stockage. Il y a cependant une certaine perte d’énergie associée à la seconde conversion.
Les sous-produits de ces réactions sont respectueux de l’environnement. Le carburant artificiellement obtenu par photosynthèse serait une source d’énergie neutre en carbone qui pourrait être utilisée pour le transport ou les maisons.
Les inconvénients sont -pour l’instant !- les suivants :
Les matériaux utilisés pour la photosynthèse artificielle se corrodent souvent dans l’eau, de sorte qu’ils pourraient être moins stables que dans les systèmes photovoltaïques habituels sur de longues périodes de temps. La plupart des catalyseurs d’hydrogène sont dégradés, voire même, dans l’impossibilité de fonctionner correctement en présence d’oxygène. De ce fait, des dommages peuvent se produire au fil du temps.
Le coût global du procédé n’est pas encore assez avantageux pour rivaliser avec les combustibles fossiles en tant que source d’énergie viable commercialement.
Nous ne savons pas quelle sera l’efficacité réelle du catalyseur car nous ne connaissons pas encore la quantité de lumière incidente utilisée par le procédé. Nous allons la comparer à l’efficacité photosynthétique , où la conversion de la lumière en énergie chimique est mesurable. Les cellules photosynthétiques sont capables de recueillir environ 50% du rayonnement solaire incident, mais les cellules photochimiques pourraient utiliser des matériaux absorbant une plus large gamme de rayonnement solaire.
Il n’est cependant pas aisé de comparer la production de carburant entre un système naturel et un système artificiel : par exemple, les plantes ont un seuil théorique d’efficacité en production de glucose de 12% (par photosynthèse), tandis qu’un catalyseur réduisant le carbone peut aller au-delà de cette valeur. Cependant, les plantes sont efficaces dans l’utilisation du CO2 concentré dans l’atmosphère, tandis que les catalyseurs artificiels ne savent toujours pas le faire.
Impact mondial potentiel
En proposant une source de carburant solaire renouvelable et neutre en carbone, produisant de l’hydrogène (qui, lorsqu’il est brûlé produit de l’énergie et de l’eau potable) et des hydrates de carbone, la photosynthèse artificielle se distingue des autres sources d’énergie renouvelable (notamment hydroélectrique, solaire, photovoltaïque, géothermique et éolienne) produisant de l’électricité directement et de manière centrale, sans problèmes de stockage, de transport ou de carburant intermédiaire.
En tant que telle, la photosynthèse artificielle pourrait devenir une source très importante de carburant pour le transport. Contrairement à l’énergie de la biomasse, elle ne nécessite pas de terres arables et, par conséquent, ne sera pas en concurrence avec l’approvisionnement alimentaire. On peut imaginer plusieurs alternatives pour mondialiser la photosynthèse artificielle.
Nous pourrions envisager de grandes installations de capture de la lumière reliées à des installations industrielles métropolitaines côtières où l’eau de mer pourra être divisée pour produire de l’hydrogène et de l’oxygène. Nous pourrions aussi utiliser toutes les structures humaines existantes sur la surface de la terre (routes, véhicules, bâtiments etc.) ce qui permettrait d’être plus efficace que les plantes.
A la quinzième réunion du Congrès international de recherche en photosynthèse (ISPR) à Pékin 27 Août 2010, une proposition a été faite pour un projet « macroscience » : Global Artificial Photosynthesis – GAP (Photosynthèse artificielle mondial), présentant sept modèles à l’évaluation. Une conférence internationale a eu lieu sur le sujet entre le 14 et le 18 Août 2011 à Lord Howe Island , sous les auspices de l’ UNESCO Secteur des sciences naturelles.
La réunion proposait des présentations à la fois scientifiques et non scientifiques de chercheurs du monde entiers, tels que Peidong Yang , Dan Nocera et Michael Kirby. Les articles présentés ont été modifiés pour une édition spéciale open-source du Journal australien de chimie. Des articles ont été publiés par les principaux chercheurs dans la revue Energie et sciences de l’environnement pour soutenir le projet de Photosynthèse artificielle mondiale (GAP) et influencer les décisions politiques publiques dans ce domaine.
Il a été avancé que la photosynthèse (aussi bien dans ses formes naturelles qu’artificielles) doit être déclarée patrimoine commun de l’humanité en vertu du droit international. A ce titre, la Photosynthèse artificielle mondiale doit être considérée comme l’aboutissement moral des nanotechnologies. Son utilisation mondiale devrait-être appliquée par les gouvernements et le concept devrait s’intégrer dans un plan politique, social et écologique harmonieux, conforme au concept Sustainocene.
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Artificial_photosynthesis
Source : SOS Planète