PARTAGE : CHANTS D’AMOUR À LA TERRE
Voici deux lettres écrites dans le contexte que je vais essayer de vous résumer.
Michel, rédacteur à SOS Planète et dévoué à la lutte pour l’environnement était invité à participer à une émission à RFI sur ce sujet. Pris d’une crise de découragement avant son intervention, il écrit pour exprimer son blues au président de Terre Sacrée. Ce courrier, émouvant, publié sur le site SOS Planète a donné lieu à quelques très belles réponses. J’en ai choisie une qui chante l’amour de la terre et de la vie avec poésie et délicatesse. J’espère que vous aimerez aussi, ça m’a fait du bien de les lire…
Voici donc les deux courriers :
De Michel :
« Lettre au président de Terre sacrée :
Cèdre,
« L’Energie est trop puissante pour moi. Je suis en larmes, avec tout ce qui se passe. Je me sens à la fois soutenu par toute l’équipe de Terre sacrée et en même temps tellement fragile; tellement triste pour le sort que notre espèce est en train de réserver à cette planète qui nous a accueilli les bras ouverts depuis la nuit des temps. Je suis à bout de forces, meurtri comme un loup traqué par une meute d’humains enragés. Ce combat pour la vie m’épuise, et j’ai peur d’être bientôt comme l’humanité : à cours de ressources!
Pourtant, je sais que je vais devoir aller au charbon, poussé par le destin, comme les Cathares du Moyen âge qui montaient dans les bûchers que les troupes de Simon de Montfort érigeaient sur leur passage dans tout le Languedoc.
Ce n’est pas une trouille personnelle, mais la conscience de la taille de l’enjeu qui pèse sur nos petites épaules.
Pour cette nouvelle émission radiophonique quotidienne sur l’environnement (de 11h10 à 12h00 du lundi au vendredi sur Radio France Internationale), je ne préparerai rien. Je me contenterai de m’asseoir à la table du studio et je dirai ce que j’ai à dire. D’homme à homme avec les journalistes de RFI. Comme si j’allais consulter mon psy. Ca viendra tout seul, ça coulera de source ou ça restera bloqué dans ma gorge. Je ne sais pas.
Toujours est-il qu’il serait stupide et lâche de ma part de me dérober, de ne pas entrer dans ce feu « sacré » qui brûle en moi depuis mon enfance, comme une lucidité ardente qui flamboie en fait dans le coeur de tous les êtres humains, même les plus sinistres, même les plus séquestrés, mais qui est étouffée par le sommeil, l’appât du gain, le profit, l’argent, toutes ces choses illusoires, ridicules, futiles et éphémères qui ont déjà causées tant de dégâts et qu’il sera bien difficile d’enrayer ici-bas.
Et d’abord, qui jetterait la pierre aux pauvres gens qui, par exemple, ne mangent pas bio, car ils ont une famille entière à nourrir et, malgré qu’ils bossent comme des nègres, pas les finances nécessaires?
A quoi cela servirait-il de les culpabiliser?
Moi le premier, je ne suis pas un modèle. Loin s’en faut! Je ne suis passé ni à l’éolien, ni au solaire. J’ai réduit mes déplacements, certes. Je ne consomme presque plus de viande (toujours bio par contre ou label rouge : il faut penser aux malheureuses bêtes cloitrées leur vie entière dans des cages en acier et traitées comme des machines industrielles.)
Chacun en fait se débrouille comme il peut, avec les moyens du bord.
La lucidité est d’ailleurs comme une blessure ouverte, tapie dans la conscience! Elle fait mal; on souffre! Est-elle même recommandable? Ne vaut-il pas mieux rester un pion dans ce jeu d’imbéciles qu’on nous impose?
Mais tant qu’il y aura encore des braises rougeoyantes dans le coeur des gens, dans le coeur des enfants, il y aura de l’espoir.
De l’espoir pour cette vie bafouée, piétinée, qu’on assassine, qu’on élève comme du bétail, qu’on arrache, qu’on démolit avec rage et pas seulement pour se nourrir, mais pour le vulgaire plaisir de tuer.
Comme nous autres européens qui avons transformé les indiens d’Amérique du Nord en pâté pour chiens, massacré tous les bisons depuis les compartiments de nos premiers trains, sauf 6, qu’un vieil indien des montagnes a cachés et qui ont donnés naissance aux bisons d’aujourd’hui!
Comme un fils ingrat qui casse tous les jouets qu’on lui offre!
Donc confiance.
Confiance en cette invitation d’Anne-Cécile et Sébastien, les journalistes de RFI, qui est une invitation à la « Vraie Vie » laquelle n’est pas seulement « ailleurs », comme l’écrivait Arthur Rimbaud, le poète visionnaire mais incompris, mais qui, de l’intérieur, nous appelle à être vécue ici-même, maintenant, en cet instant précis d’équilibre, où tout bien sûr peut se rompre soudainement, basculer, sans qu’on s’en rende compte, dans le chaos originel, et nous rendre au chaos primitif, duquel nous venons tous.
Nous l’avons bien cherché!
Et puis si 45 millions d’auditeurs francophones (rien que ça!) pouvaient entendre, ne serait-ce qu’une seule fois, ces mots que je ne mâcherai pas, ces mots qui sont tapis tout au fond de nous-mêmes, mais qui ne peuvent sortir, tant ils sont englués dans les habitudes néfastes qu’on leur a inculquées à leur insu, tant ils sont broyés dans les engrenages du système qui les ravagent, pris en otage par « métro, boulot, dodo », à cause de ces muselières qui les enserrent et leur broient les mâchoires, à cause de cette cage dressée tout autour d’eux, en long, en large et en travers, et qui les empêche d’être libres.
Libres de rire, de jouer, de partager les instants sauvages, de communiquer vraiment d’être à être, de gambader dans les près comme les cabris d’autrefois.
Libres tout simplement de vivre leur vie à eux et pas celle de leurs voisins.
Libres de partager avec le monde entier cette étincelle vivante dans l’infini des astres.
Non, il n’y a rien à préparer. En tout cas pas de mon côté, ça sortira comme quelque chose qui a envie de bondir, comme les premiers poissons lorsqu’ils sont sortis de l’eau, se sont mis à ramper sur le sable des rivages, puis à marcher sur la Terre ferme en direction du grand inconnu.
Voilà. J’ai mon compte pour aujourd’hui. 14 heures de bénévolat, mais certainement pas pour des prunes. Demain est un autre jour. Peut-être parviendrons-nous dans ce feu lumineux à nous forger quelqu’outil qui nous permettra de lutter contre l’empire des ombres? Peut-être serons-nous emportés, avec l’ensemble des vivants, par les évènements tragiques qui se profilent, comme des monceaux de plastique déversés dans la mer et qui jonchent nos côtes…
Une immense révolution verte planétaire (Evolution? Mutation?) doit se faire, coûte que coûte et, du plus petit jusqu’au plus grand, tout le monde doit y participer.
Evolution des consciences, évolution de nos économies moribondes, évolution de nos politiques à la con.
Ce doit être un raz de marée, un tsunami…
Sinon ce sera la fin de l’humanité! Pas la fin du monde telle que nous la rabâchent diverses apocalypses, mais bien la fin du monde tel que nous le connaissons...
En somme : la fin des haricots!
Bonsoir à toi, Cédric, Président peut-être d’une bouée de sauvetage lancée par les gardiens de la Terre. Peut-être d’un coup d’épée dans l’eau?
En tout cas je ne porterai pas, au 116 avenue du Président Kennedy, mon entonnoir, comme Jean Pierre Coffe arbore ses lunettes roses. D’ailleurs à la radio les auditeurs ne le remarqueraient même pas.
Je serai moi-même, tout simplement, Michel, né le 17 septembre 1950, à Grenoble, que ça plaise ou non, que ça dérange ou pas, je m’en fous.
Fou?
Et comme disait Lucien Jeunesse : « A demain, si vous le voulez bien! »
Ton ami.
Michel »
RÉPONSE DE SYLVETTE
« (…) tu iras, le coeur rempli de tout ton amour pour ta planète, pour ton univers, pour tes galaxies, alors tu iras et tu leur chanteras le chant de la terre, la magie magnifique de la graine qui tombe sur le sol, du noyau qui se couche contre l’humus, qui s’enfouit doucement, qui attend, qui attend, qui se fond, qui se moule, qui attend encore, et puis la caresse de la terre, humide, comme un baiser très doux, qui enveloppe la petite écorce, et l’humidité qui vient doucement, très doucement, lécher cette petite écorce encore, et là dans le silence de l’écorce, cette amande, mandorla, qui sommeille aussi, et qui attend elle aussi…
Que d’attente, que de silence, que de patience dans le creux de la terre, tandis que passent les vers si précieux, si sacrés, qui soulèvent les mottes, qui aérent les mottes, qui permettent à la chaleur de notre sainte étoile d’arriver jusqu’au petit écrin où repose la nacre…
Tu leur diras l’enchantement alors qui soulève la terre, lorsque la graine germe, lorsque la tige pousse et que sort du sol cette fragilité blanche, jaune, verte qui deviendra une plante, un arbre…
Tu leur raconteras la magnificence des fourrures animales, les émerveillement des éclats de soleil sur la crête des vagues, tu leur diras ton envol dans les poussières de nuages pour qu’arrive la pluie, qu’elle enveloppe les feuilles, les troncs; tu leur diras la ronde des saisons et tes pas qui froissent les couleurs de l’automne, et tes bras qui embrassent les senteurs du printemps, et ton corps qui se fond dans la chaleur de l’été. Tu leur diras ton bonheur à te réfugier près du feu lorsque souffle la bise; tu leur diras ton attente aux bruits des animaux familiers dans les bois, les forêts, et aussi ton bonheur à caresser ceux qui vivent à tes côtés.
Tu leur diras la beauté, l’amour ! Et quand tu leur auras bien dit tout cela, d’un ton tranquille, sans peur et sans angoisse, quand tu auras bien décrit l’Eden, le Paradis, alors sans regret, tu leur parleras simplement des enfers !
Va, Michel, ne crains rien ! Si l’on appelle ta voix, il faut la leur donner. Ne t’emballe pas, ne t’énerve pas, ne tremble pas, ne sermonne pas…
La lettre que t’a envoyée Anne, cette dame qui travaille dans le développement durable me semble très, très, très positive et surtout très bien positionnée. C’est la voix de la sagesse.
Il me semble cependant que la voix de la Beauté est importante aussi, et celle de l’innocence et de l’enfance.
Si nous aimons si fort notre Planète et si nous souffrons tant de la voir dévastée, c’est parce que nous la regardons, parce que nous la vivons avec des coeurs d’enfants, avec l’émerveillment des premiers jours, des premières amours.
Vas-y comme l’AMANT de la Terre ! Et tu verras que tout ira bien.
Je t’embrasse. Ton amie. Sylvette. »
Consulter cette page de SOS Planète : http://terresacree.org/gorilles3.html