Marchands de sable, les autres pilleurs d’océan
Deuxième ressource exploitée dans le monde, le sable est devenu un produit purement économique pour les industriels, et un objet de convoitise. Les scientifiques, eux, donnent l’alerte.
L’économie du sable. Présenté comme cela, le sujet peut paraître superflu, voire loufoque. Pourtant, pour satisfaire l’appétit insatiable des industriels et des pays en voie de développement, le gravier est devenu la deuxième matière première exploitée… après l’eau et avant le pétrole.
L’extraction du sable, considéré comme une ressource inépuisable, représente 70 milliards de dollars par an en échanges internationaux, pour un volume de 15 milliards de tonnes. Deux tiers du béton armé est constitué de sable. Et en le pompant en mer, l’homme laisse un trou, lequel finit par provoquer un glissement progressif des dunes. Origine de la disparition d’archipels entiers. « La matière n’apparaît pas rare aux yeux des groupes industriels. Ils la brassent en grande quantité. Cela ne leur coûte rien. Mais personne ne se pose de question : l’impact écologique n’est pas reconnu », explique Éric Chaumillon, géologue.
Bien sûr, l’homme n’est pas le seul responsable de la disparition des plages. Il ajoute son grain de sel au phénomène d’érosion. Ce processus, déjà, engendre une montée des eaux.
Cela ne freine en rien l’aspiration au pillage. L’économie même de Singapour dépend de ses importations de sable.
Plusieurs fois rappelée à l’ordre, cette place financière se sert désormais d’entreprises fictives pour nourrir ses ambitions démesurées : sa superficie s’est déjà agrandie de 20% en quarante ans. Comment ? En se servant illégalement chez ses voisins d’Indonésie. Dubaï, lui, a trouvé une solution encore plus maligne : importer d’Australie, par le biais de 3500 sociétés, 150 millions de tonnes de gravier, dans le but de construire sa presqu’île artificielle autoproclamée « 8e merveille du monde ». L’option de se servir dans le désert n’était pas envisageable car, selon Éric Chaumillon, « le sable n’y est pas assez grossier, ce qui le rend inexploitable pour la construction ».
En Floride, neuf plages sur dix sont en voie de disparition. Rien de bon pour le marché du tourisme, basé exclusivement sur ces lieux de farniente.
La solution : les maires engagent des entreprises pour pomper le sable d’autres plages afin de le déposer sur des zones stratégiquement touristiques. « Ça déplace seulement le problème », se désole le géologue.
Au Maroc, ceux qui accueillent à bras ouverts les touristes n’en sont pas là. Munis de sacs en toile portés à dos d’âne, les habitants sillonnent leurs propres plages pour récolter le sable, ne laissant que des paysages de roche. Et ce pour construire les résidences secondaires d’Occidentaux attirés par… ces mêmes plages. « Pas besoin d’aller de l’autre côté de la Méditerranée pour observer de tels scandales », assure Jean Grésy, avocat et cofondateur du collectif le Peuple des dunes. Entre 2005 et 2009, plusieurs associations de protection du littoral breton se sont battues contre le projet du groupe Lafarge d’extraire en masse du sable sur les bords de la presqu’île de Gâvres, près de Lorient. Elles l’ont fait plier. « C’est la première fois qu’un sablier essuie un échec », confie Jean Grésy. Le géant français du ciment s’est ensuite rabattu sur la baie de Lannion, qui subit le même envahissement industriel.
Espoir pour le collectif : un rendez-vous est fixé le 29 mai à l’Assemblée nationale avec la députée PS des Côtes-d’Armor, Viviane Le Dissez, pour trouver une solution… pour l’heure d’ordre purement local.
Source : L’humanité
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