Surprise ! Les banques utilisent les filiales offshore pour leur propre évasion fiscale

 

Spécialiste du système bancaire, l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran a été auditionnée ce mercredi par la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale. Elle souligne que l’implantation des banques dans les paradis fiscaux ne sert pas seulement les intérêts de leurs clients : les groupes bancaires eux-mêmes utilisent leurs filiales offshore pour «optimiser» leurs impôts, dont le taux implicite est en baisse par rapport aux années 1990.

 

En matière fiscale, les banques sont-elles de bonnes élèves ?

 

L’analyse de la contribution des banques aux recettes fiscales révèle que celle-ci n’a fait que s’affaiblir depuis le milieu des années 1990. De cette date à la veille de la crise, l’imposition des banques a été multiplié par 1,5. Mais leurs profits, eux, étaient multipliés par dix, en raison du fort développement de leurs activités. On a donc un taux d’imposition «implicite» en baisse. Et l’une des principales raisons de cette optimisation fiscale, c’est l’implantation des banques à l’étranger, et notamment dans les paradis fiscaux. L’autre explication, c’est le recours à la déductibilité des intérêts d’emprunts, à laquelle les banques ont beaucoup recours. Mais c’est en contradiction avec la volonté des régulateurs de sécuriser le système financier.

 

Il y a donc une «double utilité» aux filiales offshore ?

 

Tout à fait : ces implantations servent en partie les clients des banques, en partie les banques elles-mêmes. Pour les clients, cela ne devrait pas changer grand-chose en théorie, puisqu’ils sont censés déclarer leurs revenus en France – sauf à être en fraude sous couvert du secret bancaire. Mais les banques, comme les autres entreprises, peuvent tirer profit des différences de fiscalité entre les pays pour payer moins d’impôts.

Quelle est la solution ?

 

Il faut automatiser les échanges internationaux d’informations bancaires, au lieu du système «à la demande» qui prévaut aujourd’hui. Cela permettrait d’y voir clair quant aux comptes de particuliers et d’entreprises – y compris de banques – dans les paradis fiscaux. Mais pour ces dernières, il n’est pas forcément illégal de profiter des différences de fiscalité, via la création de filiales offshore. Tant que ces écarts existeront, les entreprises en profiteront. La transparence ne réglera donc pas tout : il faut aussi œuvrer à la convergence des systèmes d’imposition. Aux Etats de tirer les conséquences.

 

Vous vous plaignez des difficultés d’accès aux données…

 

Quand on s’intéresse aux activités des banques, il est essentiel de disposer de ces données : tarifications, rémunérations… Or, leur accès est très difficile. D’une part parce que les régulateurs ne sont pas assez exigeants vis-à-vis des banques, même si ce problème tend à se résorber. D’autre part, parce que les informations récoltées par les autorités financières – telles que la Banque de France – ne sont pas rendues accessibles. Il y a en France un problème de transparence, qui vient d’une culture différente de celle des pays anglo-saxons.

Source : wikistrike