BEL EXEMPLE : L’école buissonnière à l’hôpital

FRANCHEVILLE (France / Rhône) – Discrète présence dans l’univers ultra-médicalisé d’enfants lourdement handicapés, l’enseignant invente d’autres codes de communication avec ses élèves, soucieux de leur offrir une ouverture sur le monde, en une école buissonnière hors de la chambre d’hôpital.

Comme d’autres professeurs de l’Education nationale mis à disposition des hôpitaux à travers la France, Franck Maltete fait classe au centre pédiatrique La Maisonnée, à Francheville, près de Lyon, spécialisé dans l’accueil des enfants sous assistance respiratoire.

Nombre d’entre eux ont une trachéotomie, ouverture dans la trachée qui permet d’alimenter en air leurs poumons via un tube relié à une machine d’assistance respiratoire. Mais, quand il fait cours au pied de leur lit, le professeur des écoles oublie le ronronnement du respirateur.

Dans un bus, il y a 45 voyageurs assis et 18 debout, combien y a-t-il de voyageurs au total?, demande-t-il dans un sourire à Senem, 13 ans.

Communiquer uniquement par les yeux

Il écrit deux réponses, l’une correcte et l’autre erronée, aux angles du petit tableau blanc qu’il montre à l’adolescente, qui ne peut communiquer que par les yeux depuis un accident cardiaque. Et celle-ci désigne du regard la bonne réponse.

Avec des enfants si handicapés, on établit d’autres codes de communication, explique le professeur, contraint à des séances de moins d’une heure, ses élèves se fatiguant vite.

Avec Senem, il regarde parfois l’émission scientifique C’est pas sorcier. Avec Léonie, 15 ans, rendue quasi-aveugle et paralysée par une tumeur cérébrale, il écoute la revue de presse de France Inter.

Et ce afin de créer une ouverture sur le monde pour ses élèves, insiste ce jeune enseignant, qui a fait le choix de travailler dans cette école pas comme les autres, l’Esem (Ecole spécialisée des enfants malades), dont les professeurs sont répartis entre plusieurs hôpitaux de la région lyonnaise.

Notre slogan, c’est +A l’hôpital, l’école continue+, confirme son directeur Christophe Beauvarlet de Moismont, défendant une école atypique mais tenant une place nécessaire dans les parcours de scolarisation des enfants malades.

1947, un premier enseignant à l’hôpital

Notre école est la plus ancienne de France: en 1947, c’est à Lyon qu’a été instauré le premier enseignant dans un hôpital, assure-t-il. Depuis, le dispositif s’est étendu à l’ensemble de l’Hexagone.

Et les enseignants s’adaptent en fonction de la maladie des élèves, des enfants sous dialyse en attente d’une greffe de rein depuis deux ans à ceux de chirurgie où le séjour est en moyenne de quelques jours, explique le directeur de l’Esem.

 

Il travaille aussi avec les écoles d’origine des enfants, notamment pour préparer leurs camarades à les accueillir avec des séquelles plus ou moins durables, comme une perte de cheveux due à un traitement contre le cancer.

Avant d’être nommé à La Maisonnée, Franck Maltete travaillait ainsi au centre lyonnais de lutte contre le cancer Léon Bérard, au sein de la même école.

A La Maisonnée, avec des élèves qui quelques années plus tôt auraient passé leur vie en service de réanimation faute de structure adaptée pour accueillir les enfants trachéotomisés, il se concentre sur trois axes: le français, les maths, l’ouverture sur le monde.

Avec Léonie, on va plus travailler sur la musique parce qu’elle ne voit pas, explique Franck. Soucieux de s’approcher le plus possible des programmes scolaires, il a travaillé un texte sur Voltaire avec cette jeune adolescente qui adorait aller à l’école, avant sa maladie.

Mon challenge? Parler de proposition subordonnée conjonctive à une élève qui ne voit pas, explique l’instituteur.

Pour faire faire des dictées à Léonie, clouée à son respirateur artificiel et à son fauteuil roulant, il lit patiemment les mots, qu’elle épelle.

Il a dû habituer son oreille au très faible son de sa voix, les élèves trachéotomisés devant apprendre à parler sur l’inspiration de l’air, et non sur son expiration, comme nous le faisons sans même y penser.

La motivation de Franck? Rendre l’éducation accessible à tous, jusqu’aux enfants lourdement handicapés qui ne reprendront peut-être plus jamais le chemin de l’école.

(©AFP / 21 mai 2013) via romandie