JEUNES: ET POURQUOI PAS LE SERVICE CIVIQUE ?

Service civique. Un pied à l’étrier

Créé il y a trois ans, le service civique monte doucement en puissance. En Bretagne, 540 jeunes volontaires sont actuellement en mission. Une ligne sur le CV qui peut aider à dénicher un premier emploi.

 

« J’avais fini mon master 1 et je ne savais pas trop comment m’orienter. Le service civique a été une année de transition. » Pendant un an, Othman, 26 ans, a fait de l’accompagnement scolaire à domicile. « Une expérience qui, assure-t-il, m’a été très utile. Pour mon admission en master 2 à Lorient, je pense que cela m’a permis de me démarquer des autres candidats. »

Depuis sa création, en mars 2010, plus de 40.000 jeunes volontaires se sont engagés dans des associations ou des collectivités locales pour des missions de six à douze mois.

En Bretagne, au 31 décembre 2012, ils étaient 540 en poste. En un an, le nombre de volontaires a progressé de 29%. Dans le même temps, le nombre de structures agréées a augmenté de 52%. La solidarité, la culture et les loisirs, l’éducation pour tous sont les principaux pourvoyeurs de missions. La répartition des volontaires entre les quatre départements bretons est très inégale. L’Ille-et-Vilaine concentre 46% des missions contre 28% pour le Finistère et seulement 14 et 12% pour les Côtes-d’Armor et le Morbihan. Cette surreprésentation de l’Ille-et-Vilaine s’explique sans doute par le fait qu’il accueille de nombreux étudiants venus des autres départements et qui, après leurs études, restent faire un service civique à Rennes.

Qui sont ces jeunes Bretons qui s’engagent? Ce sont en majorité des filles (61%). Leur âge moyen est de 21 ans et demi. À la signature de leur contrat, 46% des jeunes étaient demandeurs d’emploi et 37% étudiants. « La plupart sont d’un bon niveau mais il y a aussi des jeunes qui se cherchent », observe Marie-Hélène Kérisit, référent du service civique dans le Finistère.

Nombreux, à vrai dire, sont ceux qui sont venus au service civique sans vraiment en connaître l’existence. C’est le cas d’Othman. « J’ai contacté l’association pour savoir si elle avait besoin de bénévoles et c’est elle qui m’a proposé une mission. » Référent du service civique dans le Morbihan, Christian Le Moigne confirme ce déficit de connaissance. Ce dont, selon lui, il ne faut pas vraiment s’étonner. « Après l’arrêt du service militaire, en 1995, il n’y a rien eu pendant dix ans. On n’a pas créé, comme en Allemagne, une habitude, un langage. »

L’image du service civique est encore, par ailleurs, assez brouillée. « Il est perçu comme une sorte d’aide à l’emploi et mal payé. Beaucoup y viennent par défaut quand après six mois ou un an de recherche sur le marché du travail ils n’ont rien obtenu car on leur dit qu’ils manquent d’expérience. »

Une ligne sur le CV

Le service civique est-il justement un tremplin vers le travail? Dans un sondage TNS Sofres effectué en mars dernier auprès d’anciens volontaires, 86% estimaient que le service civique leur avait permis d’acquérir des compétences utiles pour leur avenir professionnel et 61% qu’il les avait aidés à trouver un emploi. « Certains introduisent le service civique dans leur stratégie de recherche d’emploi. C’est une ligne sur le CV qui peut compter », confirme Christian Le Moigne. « Ça leur permet à la fois de garder le moral et de créer un réseau. Et je suppose que les employeurs apprécient. » Le service civique peut être également très utile pour passer des concours. « Ça les aide pour l’oral, ils ont quelque chose à dire, une expérience à raconter. On le voit dans le secteur de l’éducation spécialisée », souligne Marie-Hélène Kérisit.

 

Au final, près de 90% des anciens volontaires se disent satisfaits de leur mission. Voilà qui devrait contribuer à atteindre l’objectif de 10% d’une classe d’âge, soit 70.000 jeunes, en service civique. On en est encore assez loin.

 

Au service des animaux blessés

 

À Languidic (56), le centre de sauvegarde de la faune sauvage accueille plusieurs jeunes en service civique. Des passionnés qui apprennent beaucoup au contact de Didier et Marie qui ont créé, il y a six ans, ce « dispensaire » pour animaux.

 

Il est 11 h et c’est l’heure de nourrir le hibou moyen-duc. C’est Tiphanie qui s’y met. Avec une extrême délicatesse, elle met dans le bec de l’animal mal en point, à l’aide d’une pince, des petits morceaux de viande. Un peu plus tôt, Julie s’était occupée de l’oeil meurtri d’un pigeon voyageur probablement heurté par une voiture. Tiphanie et Julie font partie, avec Solène, Vincent et Maël, des cinq jeunes en service civique au centre de soins animalier de l’association Volée de Piafs, à Languidic. Des jeunes qui ne sont pas arrivés là par hasard. Excepté Vincent, qui a une formation de menuisier, les autres ont la passion des animaux et de la nature. Tiphanie, 20 ans, vient de terminer un BTS de gestion et de protection de la nature. Même chose pour Solène. Julie, elle, a une licence de biologie.

Bénévolat rémunéré

Tous espèrent acquérir ici une expérience qui leur permettra ensuite de décrocher un « vrai boulot » dans un zoo ou un centre animalier. Mais pour l’instant, ils se disent très contents d’être là, au mileu des pigeons, des hiboux, des goëlands et autres hérons. Et ça se voit. La plupart ont trouvé ce service civique en cherchant du travail sur internet. Vincent, lui, s’était inscrit lors de la journée de recensement militaire. « C’est là que j’ai appris l’existence du service civique. » « Pour moi, c’est une sorte de bénévolat rémunéré », observe Julie qui, jusqu’à présent, avait multiplié les stages. Elle se satisfait des 500 euros qu’elle perçoit. « Cela me permet d’avoir mon indépendance et l’important c’est de faire ce qui me plaît. Je ne travaille pas forcément pour l’argent. » Tiphanie, qui a « toujours voulu travailler avec les animaux », est arrivée au centre le 1er mai dernier. Son contrat est d’un an. « Je n’aurais jamais travaillé aussi longtemps. C’est bien parce que l’on a le temps d’être vraiment formé », se réjouit Tiphanie. Solène, qui souhaite ensuite travailler dans l’animation nature, attend elle aussi beaucoup de ce service civique. « Ce qui compte, ce n’est pas tellement une ligne de plus sur le CV mais d’apprendre plein de choses sur les animaux. »

Un échange

Pour l’association, ces services civiques sont une aubaine. Sans eux, le centre aurait du mal à fonctionner. « On considère que c’est un échange. On forme ces jeunes et ça les aide à trouver du travail. La plupart de ceux qui passent ici restent dans le secteur animalier », explique Marie qui, avec Didier, dirigent ce centre. Volée de Piafs aurait aimé pouvoir embaucher quelques-uns de ces jeunes mais c’est impossible financièrement. « On forme des jeunes que l’on n’a pas les moyens de garder. » Un petit peu frustrant quand même.

 

« Une vraie expérience professionnelle »

 

Péran, 20 ans, est étudiant en droit à Quimper. Il fait partie de la vingtaine de jeunes qui effectuent un service civique au sein de l’association T’es C@p, de Plonéour-Lanvern (29), spécialisée dans l’accompagnement scolaire gratuit à domicile. Depuis octobre, il donne des cours de maths à cinq jeunes lycéens à raison d’une heure et demi à deux heures par semaine. « Ça m’apporte beaucoup de choses et cela me permet de prendre confiance en moi », assure-t-il. Péran le reconnaît, sa démarche n’était pas au départ de faire un service civique. Il ne connaissait d’ailleurs pas son existence. « Cela s’est fait un peu par hasard par le biais d’une petite annonce de l’association T’es C@p. » Aujourd’hui, Péran mesure tous les avantages que lui offre ce statut. « C’est une vraie expérience professionnelle, ce n’est pas considéré comme un stage », précise-t-il.

Confiance

Au total, temps de préparation compris, il consacre 24 heures par semaine à cette mission. « Cela demande une organisation. Mais en même temps, c’est moins contraignant qu’un travail classique. » Péran perçoit environ 500 euros (*). L’association prend en charge les frais de déplacement. « Ça me permet d’être financièrement plus à l’aise. » Ce n’est certes pas ce qui motive en premier les jeunes mais le service civique est pris en compte pour la retraite. Un trimestre de service équivaut à un trimestre d’assurance retraite. Pour l’association, qui accompagne pas moins de 400 familles, ces jeunes sont une chance. « Ils rafraîchissent sérieusement la moyenne d’âge des bénévoles », souligne Jean-Jacques Bataille, le président de T’es C@p qui se félicite de leur comportement. « C’est une responsabilité importante d’aller chez les gens. Je leur fais confiance. En trois ans on n’a eu que très peu de problèmes. »

* L’indemnité de l’État est de 467,34 € auxquels s’ajoute une somme minimum de 106,31 € versée par l’organisme d’accueil.

Source : Le Télégramme

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Le bon grain associatif : Des parcours, des initiatives, des projets…

 

Des jeunes, dont beaucoup font leur service civique, recevront demain une certification de Bordeaux 3 après une formation sur le fonctionnement des associations.

 

«De l’idée au projet, du projet à l’action »… Il n’y a pas qu’un pas. À tel point que la frontière entre amateurisme et professionnalisme est parfois ténue dans le domaine associatif. Ainsi les participants qui ont suivi une semaine de formation « Responsabilité associative » à Pessac, sous la houlette de Bordeaux 3 en partenariat avec la mairie, recevront une « certification », demain, à la Maison des étudiants.

Jeunes mais déjà souvent pleins d’expérience, les futurs certifiés proviennent des horizons les plus divers.

 

Mauve Mathis, 26 ans, a été professeur stagiaire : « Je me suis retrouvée sans formation, après la suppression des IUFM, dans une classe multiniveau. Ça m’a un peu dégoûtée. Je pense que le milieu associatif me conviendra mieux, avec la possibilité de prendre des initiatives dans le cadre de montage de projets. » Elle fait son service civique à l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) : « Je fais de l’accompagnement éducatif de jeunes. »

Mélanie Coulon, 19 ans, a un parcours très différent, bien qu’elle soit dans la même association pour son service civique. Elle a arrêté ses études un peu vite après un bac pro. Aujourd’hui, elle s’intéresse au travail d’équicien. « Cela consiste à accompagner des handicapés à travers des actions avec des chevaux. »

 

Pierre Le Quéré (Bac et DUT génie mécanique et productique) s’intéresse plutôt aux liens entre le monde associatif et la mécanique : « Comme par exemple ce qui se fait au Garage moderne de Bordeaux ».

 

Thomas Saunier, 25 ans, titulaire d’un BTS agricole s’est investi au sein de l’association Cœur soleil et par le biais du service civique, à Terre d’Adeles et au Radsi (Réseau aquitain pour le développement et la solidarité internationale).

« On partage nos expériences », souligne Mélanie. « Cette formation nous donne aussi des clés pour concrétiser un projet », indique Mauve. « On aborde la comptabilité, le domaine juridique, le montage de projets, la communication », ajoute Pierre.

 

Thomas Saunier est allé loin dans ses expériences avec les deux associations pessacaises : « Pour Cœur soleil, j’avais mis en place un atelier photo pour les enfants des rues de Kinshasa. Ce qu’ils ont réalisé m’a permis de monter une exposition. Elle a été présentée dans plusieurs endroits, notamment à l’Alouette, où des enfants ont à leur tour fait des photos selon la même démarche. » Avec Terre d’Adeles, il a encadré des ateliers de jardinage dans des centres sociaux… Il n’est pas blasé pour autant : « C’était intéressant de confronter nos expériences avec celles de professionnels ou de responsables associatifs. »

« Je suis en train de réorganiser mes objectifs », confirme Thomas. « L’an prochain, je ferai une licence en agriculture biologique, conseil et développement. »

Il se verrait bien conseiller des agriculteurs bio. Son sens du contact qui avait germé quand il s’occupait des enfants de Kinshasa, n’a pas fini de pousser.

 

« Cette certification a été l’occasion de partager des expériences, confronter des démarches, en fonction des parcours de chacun », explique André Nèble, attaché territorial à la mairie de Poitiers (citoyenneté et lutte contre les discriminations). Il a abordé la méthodologie de projets associatifs. « Depuis 2008, j’interviens dans cette formation mise en place par Serge Pialoux (service de la vie étudiante). Auparavant, elle se faisait à la fac tout au long de l’année. Cette fois elle a été concentrée sur une semaine dans des locaux fournis par la ville de Pessac au Jean-Eustache. »

 

La responsabilité

André Nèble connaît la musique : « J’étais engagé dans le mouvement associatif étudiant quand je faisais mes études d’histoire à Bordeaux, puis de communication professionnelle. Par la suite, j’ai aussi travaillé à la mairie de Bordeaux, où j’accompagnais les projets des jeunes. »

S’il y a autant de schémas que d’associations, le thème de la « responsabilité » renvoie à des constantes : « Il y a de plus en plus de normes, de règles à respecter et en cas d’accident, le moindre manquement peut être gravissime pour le responsable », rappelle André Nèble.

 

Voir plus clair

La formation n’avait pas pour but de briser les élans, au contraire. Une meilleure connaissance technique permet, selon André Nèble, de leur « donner une capacité à aller au bout de leur démarche ». Et éventuellement d’y voir plus clair dans sa vie professionnelle.

Car le monde associatif est plus que jamais au carrefour du bénévolat et de métiers d’avenir.

Source : Sud-Ouest