OGM ENCORE ET TOUJOURS….

Brevets : Monsanto gagne son procès contre un fermier

La Cour suprême des Etats-Unis a donné raison, lundi 13 mai, au géant de l’agrochimie Monsanto, dans un litige qui l’opposait à un producteur de soja de l’Indiana, accusé d’avoir enfreint ses brevets dans l’utilisation des graines transgéniques.

La Haute Cour a pris cette décision à l’unanimité, considérant que la protection intellectuelle « ne permet pas à un agriculteur de reproduire des graines brevetées en les plantant et en les récoltant sans détenir une permission du propriétaire du brevet ».

Vernon Hugh Bowman, un producteur de soja de 75 ans, était poursuivi par Monsanto pour avoir replanté et cultivé des graines de soja modifiées génétiquement pour résister à l’herbicide que le géant produit également.

L’herbicide Monsanto Roundup élimine toutes les herbes adventices, mais il épargne les semences dont les gènes ont été préalablement transformés.

L’agriculteur avait signé un contrat d’utilisation qui lui interdisait de conserver et de réutiliser ces semences après la récolte, afin de garantir à Monsanto la vente de nouvelles semences chaque année.

 CONDAMNÉ À VERSER 85 000 DOLLARS

« Si l’acheteur de ce produit pouvait fabriquer et vendre un nombre illimité de copies, alors le brevet ne protégerait l’invention efficacement que pour une seule vente », a estimé la Haute Cour, dans son bref arrêt, rendu près de trois mois après l’audience.

« Après avoir acheté des semences pour une seule récolte, Bowman en a gardé suffisamment chaque année pour réduire et éliminer la nécessité d’en acheter davantage. Monsanto détient toujours son brevet, mais n’a reçu aucune rétribution pour la production annuelle de Bowman et la vente de semences traitées au Roundup », ajoute la Cour, qui confirme ainsi le jugement antérieur condamnant l’exploitant à payer 85 000 dollars à Monsanto.

UNE MOISSON DISTINCTE CULTIVÉE DE 1999 À 2007

Le cultivateur affirmait pour sa défense avoir toujours respecté son contrat avec Monsanto en achetant de nouvelles semences OGM chaque année pour sa culture primaire. Mais à partir de 1999, pour faire des économies, il avait acheté d’autres semences auprès d’un producteur local et les avait plantées pour une moisson distincte.

S’apercevant que ces semences avaient développé une résistance à l’herbicide par contamination avec le champ de graines transgéniques, il avait alors répété l’opération de 2000 à 2007 et, « à la différence de sa culture primaire, avait conservé les semences obtenues lors de sa culture secondaire pour les replanter », avait fait valoir Monsanto devant la Cour suprême.

 

A LIRE AUSSI :

Comment la diplomatie américaine veut imposer les OGM

On le sait, les organismes génétiquement modifiés (OGM) font l’objet de lobbying de la part des firmes de l’industrie des biotechnologies comme Monsanto, Syngenta, BayerDow Agrochemical et consorts. Mais ce que l’on soupçonne moins, c’est qu’une partie de cette promotion active, voire agressive, est menée depuis des années par des diplomates américains dans de nombreux pays du monde.

L’ONG américaine Food and Water Watch a analysé et compilé, dans un rapport publié mardi 14 mai, 926 câbles diplomatiques échangés entre le département d’Etat américain et les ambassades de 113 pays étrangers entre 2005 et 2009. Il en ressort une campagne soigneusement conçue pour briser la résistance aux produits génétiquement modifiés à l’extérieur des Etats-Unis, et ainsi aider à promouvoir les profits des grandes entreprises agrochimiques américaines, qui dominent la production de maïs, soja et cotton outre-Atlantique.

Le rapport offre un autre aperçu de la puissance de cette industrie, après que la Cour suprême a apporté son soutien, lundi, à Monsanto, contre un petit agriculteur de l’Indiana accusé d’avoir enfreint ses brevets dans l’utilisation de graines transgéniques.

RELATIONS PUBLIQUES

Les câbles, publiés par WikiLeaks en 2010, mettent tout d’abord en lumière la stratégie de relations publiques, via des dizaines de conférences, événements et voyages tous frais payés aux Etats-Unis, visant à convaincre scientifiques, médias, industriels, agriculteurs et élus des avantages et de l’absence de danger des produits génétiquement modifiés – dont la question du risque et des rendements est posée.

Parmi les nombreux exemples dévoilés par le rapport, un câble de 2005 indique qu’un circuit dans quatre villes italiennes pro-OGM, organisé par le consulat à Milan, avait débouché sur une interview de quatre pages dans le magazine L’Espresso, ainsi que des reprises dans des quotidiens et à la télévision. En 2008, pour empêcher la Pologne d’interdire les OGM dans l’alimentation du bétail, le département d’Etat avait également invité une délégation du ministère polonais de l’agriculture à rencontrer des experts, notamment du département de l’agriculture américain. Entre 2005 et 2009, 28 voyages ont été organisés de la sorte aux Etats-Unis, avec des délégations de 17 pays.

PRESSIONS ET TERRAIN JURIDIQUE

Les diplomates américains devaient aussi faciliter les relations entre les firmes des biotechnologies et les gouvernements étrangers, notamment des pays en développement comme le Kenya ou le Ghana, pour promouvoir non seulement les politiques favorables aux biotechnologies et à la brevetisation du végétal, mais aussi les produits et exportations de ces entreprises. En 2005, l’ambassade d’Afrique du Sud informait ainsi Monsanto et Pioneer de deux postes vacants au sein de l’agence gouvernementale de régulation des biotechnologies, leur suggérant de proposer des « candidats qualifiés ».

Enfin, l’effort du département d’Etat s’est aussi déployé sur le terrain juridique : les diplomates américains installés à l’étranger se sont ainsi opposés à des lois sur l’étiquetage des produits OGM ou des règles bloquant leur importation. Et les Etats-Unis ont saisi plusieurs fois l’Organisation mondiale du commerce, notamment contre le moratoire de sept pays européens sur la culture du maïs MON810.

Selon le rapport de Food and Water Watch, 70 % des câbles échangés avaient à trait aux lois et régulations des pays étrangers quant à l’agrochimie et 38 % portaient sur des pays membres de l’Union européenne, parmi les plus hostiles. Dans un câble de 2009, l’ambassade américaine en Espagne demande ainsi « une intervention du gouvernement américain de haut niveau », à la « demande urgente » de Monsanto, pour lutter contre les opposants espagnols aux cultures OGM. L’ambassade de France a, elle, proposé de tenir une conférence sur le thème « comment les biotechnologies peuvent répondre aux pénuries dans les pays en développement » pour contrer l’image négative dont pâtissent les OGM dans l’Hexagone.

ARGENT DES CONTRIBUABLES AMÉRICAINS

A la suite de la publication de ces câbles, l’un des porte-parole de Monsanto, Tom Helscher, a répondu qu’il était « crucial de maintenir un dialogue ouvert avec les autorités et industriels d’autres pays ». « Nous sommes engagés à aider les agriculteurs dans le monde, alors qu’ils travaillent à répondre à la demande alimentaire d’une population croissante », assure-t-il.

« Cela va vraiment au-delà de la promotion de l’industrie des biotechnologies américaine, rétorque Wenonah Hauter, directrice exécutive de la Food & Water Watch, citée par Reuters. Il s’agit de saper les mouvements démocratiques locaux qui peuvent être opposés aux cultures OGM, et de faire pression sur les gouvernements étrangers afin de réduire également la surveillance sur ces cultures. »

« Il est consternant de constater que le département d’Etat est complice de soutenir cette industrie, malgré l’opposition du public et des gouvernements de plusieurs pays, regrette de son côté, dans les colonnes de l’agence de presse, Ronnie Cummins, directrice de l’ONG Organic Consumers Association. L’argent des contribuables américains ne devrait pas être dépensé pour remplir les objectifs des géants des biotechnologies. »

Audrey Garric pour Le Monde Planète