Le système des retraites est mort, apprenez à faire les poubelles en prévision de vos vieux jours !

Cela fait bien des années, depuis la décomplexion de l’ère post-communiste et ce qui pudiquement s’est appelée la dérégulation, ou la mondialisation, ou l’ultralibéralisme, ou je ne sais quel vocable pour éditocrate pressé, oui, des années que ce système des retraites par répartition, que l’on croyait inébranlable et surtout juste et équitable, s’est progressivement délité.

Certes, ce système continue à fonctionner, mais différemment, avec une répartition qui devient de moins en moins équitable, et aux extrémités les privilégiés et les recalés. Les retraites, c’était comme la sécu un beau rêve humaniste décidé après la Libération par le Conseil national de la résistance. Beaucoup de travailleurs ayant sué de leur corps ou donné de leur personne ont pu bénéficier d’une pension de retraite, sans doute restreinte aux débuts, mais suffisante pour mener une fin de vie sans être dans le besoin comme on dit.

 

Les retraites ont ensuite augmenté, permettant à un grand nombre d’agrémenter leur existence du troisième âge avec des petits plaisirs, de quoi s’offrir un peu de superflu. Inutile de servir quelques images poétiques très convenues de la vieille dame qui va chez son boucher pour s’acheter un tournedos savoureux chaque semaine, ou du senior partant à la pêche ou encore d’autres situations déclinables à l’infini et pouvant servir de matière à reportage pour le JT de Jean-Pierre Pernaut. Les retraités des années 1970 et des décennies qui ont suivi ont été en général bien « traités » par le système mais avec quelques bémols. Les choses ont commencé par se gâter. Ce système conçu à l’origine pour être social est devenu plus généreux au fil des ans, notamment avec l’abaissement de l’âge de la retraite sous Mitterrand et qui dit généreux dit coûteux. D’où depuis 1990 un déséquilibre entre les répartitions et les cotisations. Et des tas de plans successifs pour revenir à l’équilibre. Le déséquilibre est dû pour une part à l’augmentation de l’espérance de vie et d’autre part à la situation économique. Le reste relève de la mauvaise gestion des comptes publics par les gouvernements successifs.

Rendez-vous à la case 2020, enfin, n’allons pas si vite. Rien ne garantit que le pays fonctionne encore. Disons plutôt 2015, avec certainement un énième plan pour les retraites et la proposition d’un allongement de la durée de cotisation à 44 ans pour un taux plein. On voit bien se dessiner l’injustice croissante de ce système. Nous sommes dans une société de l’accès. Une disparité galopante sépare les individus selon l’accès aux différents dispositifs permettant un bien-être.

Accès aux soins, aux lunettes, aux couronnes dentaires, aux vacances, aux spectacles, à la culture, à la gastronomie… Tout reposant en dernier ressort sur l’accès fondamental permettant d’accéder aux multiples biens et services. Cet accès c’est en premier lieu celui du travail. Les individus ont de moins en moins accès au travail. L’entrée dans la vie active est retardée par le chômage massif des jeunes, la sortie de la vie active est accentuée par la violence du système économique et les plans de licenciement. D’où par ricochet une ségrégation de plus en plus étendue entre prétendants à une retraite, en nombre et en échelle de revenu. Sans compter les disparités entre régimes spéciaux et régimes pourris. Bon, blague à part, cette configuration du système des retraites conduit à produire des situations quelque peu sordides…

 

Mais aussi des situations privilégiées comme celles des cadres de la fonction publique.

Quelques oreilles chastes vont être choquées mais les faits sont avérés. Prenons le cas d’un fonctionnaire en fin de carrière que l’on va comparer à la situation d’un ouvrier dans le privé (ou même d’un technicien ou encore un cadre au parcours « chahuté »). Premier avantage, la sécurité de l’emploi, avec à la clé la possibilité de cotiser les 41.5 annuités et bientôt 44. Second avantage, le montant de la pension calculé non pas sur les 25 meilleures années mais à partir du salaire en fin de carrière. Un avantage parfois agrémenté par une promotion obtenue six mois avant le départ à la retraite. Quant au privé, ce mode de calcul est controversé car il désavantage certaines catégories de travailleurs. Troisième avantage, l’épargne retraite défiscalisée.

C’est tout bénéfice car avec un salaire conséquent permettant de vivre bien une fois le prêt immobilier remboursé, ce cadre pourra mettre des sous de côté en réduisant ses impôts. Le beurre et l’argent du beurre. Sinon, autre possibilité mais qui concerne tous les ménages à bon revenu, l’investissement Scellier et maintenant Duflot. De quoi s’assurer un complément de revenu avec au départ de belles économies fiscales. Et enfin quatrième avantage lié à l’espérance de vie d’un cadre, supérieure de cinq à dix ans à celle d’un ouvrier. La pension sera donc plus élevée et versée plus longtemps. Les faits sont là mais chacun peut interpréter selon son appréciation personnelle de ce que représente l’équité. Pour les uns, c’est mérité, pour les autres, ces données signifient quelques privilèges. Notamment avec les leviers fiscaux qui dévoient le principe de l’impôt progressif.

 

Mais plus généralement, toutes les structures et institutions publiques semblent dévoyées, non seulement les retraites mais par exemple l’université, la recherche, les médias squattés par les prédacteurs (vous avez bien lu, ce néologisme combinant le rédacteur, en chef, adjoint, de rubrique, et le prédateur, avec les revenus plus que corrects alors que les pigistes sont payés au lance-pierre). Adieu république. La société ressemble de plus en plus à un jeu, avec des lois et parfois arnaques et règles truquées ou contournées.

Ces retraites, elles seront réparties mais avec des disparités croissantes. Il faut prévoir ses vieux jours dit le monsieur dans le communiqué publicitaire à la radio avant les bavardages de Patrick Cohen sur Inter. Tout le monde est concerné mais des millions d’individus doivent s’attendre à n’avoir que de maigres pensions, inférieures à 1000 euros, voire même 800. Tout dépendra du parcours professionnel. Mais aussi des règles de calcul. Il n’y a pas de secret, la galette est limitée. Ce qui va aux uns n’ira pas aux autres. En plus, ces faibles pensions risquent d’être amputées par un loyer et donc, pour se préparer aux vieux jours, il faut acquérir quelques réflexes et habitudes. Autant commencer tôt. Par exemple faire les poubelles ou à défaut, arpenter les vides greniers. On peut trouver de quoi se vêtir pour 5 euros. Question bouffe, apprendre à manger des pâtes pendant une semaine, avec quelques légumes d’agrément et du pâté en boîte. On raconte que parfois, des vieux achètent des conserves pour animaux mais c’est idiot car la charcuterie premier prix ne coûte guère plus cher. Ensuite, il y a les fins de marché, de quoi récupérer fruits et légumes plus très frais mais mangeables une fois cuits. Apprendre aussi à quémander auprès des vendeurs leurs invendus. Autre apprentissage pour s’habituer aux vieux jours, vivre dans une pièce à 15 degrés voire moins. C’est possible, avec une bonne laine. Cette pratique permettra de vivre plus tard dans un logement mal chauffé. Il faudra choisir entre mourir de faim ou de froid. Pardon, je voulais dire entre bouffer de la merde et se les peler. Pas question de mourir, la vie est sacrée, il faut survivre, même avec une maigre retraite, et puis se dire qu’une fois parti dans l’au-delà, la lumière ne s’éteindra pas, même si on ne peut pas payer la facture d’électricité. Il y aura aussi à boire et à manger. Loué soit le Seigneur ! Quant aux méchants qui ont martyrisé les retraites, ils iront dans la pénombre de l’enfer, condamnés à écouter en boucle Nicoletta chanter il est mort le soleil ! Alléluia !

Il faut donc s’habituer à voir s’installer le système de répartition inéquitable et de décréter que les retraites équitables d’antan sont morte, ou du moins en état de soins palliatifs. Ce n’est pas la peine de se mettre en colère, ça produit des acidités dans l’estomac. Stoïque il faut rester car la tendance est prise et quand un fleuve suit le sillon qu’il a créé, il ne peut qu’accentuer la largeur du sillon. N’espérez pas un retour de la croissance ou une amélioration. Le mécanisme d’appauvrissement des retraites est automatique, c’est structurel, c’est systémique, comme du reste le chômage massif et la pauvreté. Le problème des retraites et du chômage repose sur la quantité de fonds alloués aux salaires et aux retraites. Ce fond se répartit dans des canalisations qui irriguent de plus en plus les secteurs privilégiés au détriment de la tierce économie et du tiers monde qui se met en place au sein des sociétés hyperindustrielle. Une compréhension systémique permet de voir le processus perdurer et s’accentuer. L’affaire est classée quoi qu’en disent les bonimenteurs qui vous font espérer. Sauf prise de conscience massive et révolution avec refonte complète des mécanismes de répartition, bref, un nouveau programme de résistance.

Sinon, stoïcisme et résilience seront de mise. Faire l’impasse sur les soins dentaire. Les dents ne sont plus utiles lorsqu’on a rien de bon à manger mais ne pas lésiner sur des lunettes correctives, surtout pour lire ou bien regarder la télé. Il faut entretenir ses neurones et puis le livre, c’est une denrée devenue moins chère que la bouffe. 50 centimes ou 1 euro le bouquin dans un vide grenier. Idem pour vinyles et CD. Restez curieux, l’esprit alerte, enrichissez votre pensée, même si vous n’avez pas le sou. Si vous savez jouer à la belote, au rami, au tarot, au scrabble, ce sera l’occasion d’entretenir des relations. Il y a clubs pour seniors dans tous les coins de France et de Navarre. Et puis, la pratique du vélo est indiquée. Cela permet de se déplacer sans dépenser le moindre sou. Restez soudé avec vos proches, c’est bon pour le moral. Allez, 800 euros, ce n’est pas un drame. Il y a en qui se pourrissent la vie avec trois fois plus.

Source : Agoravox