Cinq ans après, rien n’a changé, le lobby bancaire a gagné !

Souvenez vous, il y a cinq ans…. Tout le monde s’accordait alors sur la nécessité de mettre au pas une finance devenue folle. Où en est-on aujourd’hui ?

Mercredi soir, sur France 3, pour son 100e numéro, le magazine « Pièces à conviction » diffuse une enquête corrosive sur le sujet, montrant comment les bonnes résolutions prises après la crise financière de 2008 ont été oubliées.

Les banques n’ont cessé de grossir

Le document n’est pas tendre pour la classe politique, droite et gauche confondues. Les images, pas si anciennes, dans lesquelles on voit Nicolas Sarkozy ou François Hollande jurer que l’ère du n’importe quoi financier était révolu, sont cruelles. Et l’enquête des journalistes Laurent Richard et Jean-Baptiste Renaud sur la façon dont le système a assuré sa survie et continue de croître ne l’est pas moins.

Si vous avez aimé le formidable documentaire américain « The Inside Job », de Charles Ferguson, vous apprécierez « Banquiers : ils avaient promis de changer ».

Laurent Richard et Jean-Baptiste Renaud examinent par exemple ce qu’est devenue la promesse de François Hollande de séparer la banque de dépôt de la banque de marché. Le regroupement de ces deux activités sous le même toit est dangereuse, pour une raison simple à comprendre :

  • une banque de dépôt jouit de la garantie de l’Etat ;
  • la garantie de l’Etat permet un accès à bas prix au crédit ;
  • un accès à bas prix au crédit autorise toutes les pirouettes spéculatives possibles…

Les deux journalistes décortiquent comment le lobby bancaire, avec le soutien d’économistes travaillant pour lui, a fait dérailler le projet. Les activités spéculatives des banques seront simplement filialisées et du fait de leur définition ultrarestrictive, elles représentent une part infime de l’activité des banques : probablement 0,75%, peut-être même moins, de l’aveu même du patron de la Société générale, Frédéric Oudéa, auditionné en janvier dernier par la Commission des finances de l’Assemblée nationale !

« Pièces à conviction » s’interroge sur le rôle, dans cette affaire, de la Corefris une commission opaque au coeur du système. Elle a aidé à préparer ce projet, alors qu’elle comptait parmi ses membres deux personnalités liées à la BNP (Jean-François Lepetit, administrateur de la banque, et Jacques de Larosière, conseiller pendant plus de dix ans du Président).

Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, affirme aux deux enquêteurs que la commission a entendu des acteurs de différents horizons, mais la liste des personnes auditionnées n’a pas été rendue publique. J’ai moi-même fait la demande pour obtenir cette liste, le 22 avril, sans succès : personne ne m’a rappelé.

Le lobby bancaire a gagné sur toute la ligne. Pendant ce temps, depuis cinq ans, les banques n’ont cessé de grossir. Le total des actifs de la seule BNP (et non le produit net bancaire, comme le disent par erreur les auteurs de l’enquête) vaut aujourd’hui autant que le PIB de la France, 2 000 milliards d’euros. S’il devait y avoir un problème, l’Etat serait obligé de venir au secours de ces énormes banques : il reste l’otage de la finance.

Ils spéculent sur la mort d’Américains

Autre sujet abordé : la moralisation des activités bancaires. Laurent Richard et Jean-Baptiste Renaud ont choisi d’examiner ce qu’est devenue une des activités les plus immorales qui soit : la spéculation sur la mort.

Aux Etats-Unis, des personnes âgées revendent leur assurance décès, pour se faire un peu d’argent. L’assurance est rachetée par des épargnants ou des fonds d’investissement : si la personne meurt, ils touchent l’argent de l’assurance (voir l’extrait de l’émission ci-dessous).




Le cynisme, sur ce marché, n’a pas de bornes. Ainsi, pour annoncer à un de ses clients la « réalisation du risque » (c’est-à-dire la mort d’une personne), elle écrit :

« Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous informer que la police 7200490 a expiré plus d’un an avant l’échéance pronostiquée ! »

Qui spécule sur la mort de ces américains ? Surprise : 80% des investisseurs seraient des Européens, et parmi eux, on compte des Français.

(Un spot appelant les vieux à revendre leur assurance décès (Capture d’écran)

Les auteurs de l’enquête ont repéré de tels produits dans les actifs gérés par le Crédit Agricole et BNP-Paribas. Le Crédit Agricole a refusé de s’expliquer. A la suite des questions insistantes des deux journalistes, BNP-Paribas a fait le ménage dans ses portefeuilles…

Source : rue89 via SOS Planète