Espagne: mobilisation citoyenne contre les expulsions
COMME EN GRÈCE, A CHYPRE, AU PORTUGAL, LE ROULEAU COMPRESSEUR DE LA CRISE CONTINUE D’ÉCRASER LE PEUPLE ESPAGNOL AVEC LE SOUTIEN DE LEUR PARLEMENT, SENSÉ LE REPRÉSENTER ET LE DÉFENDRE…
Suite à la bataille juridique « gagnante » de Mohammed Haziz, (voir la vidéo postée ici le 15 avril dernier) on aurait pu croire que son affaire aurait fait jurisprudence… Il n’en est rien. En tout cas pour le moment.
DÉMOCRATIE, OÙ ES-TU ?
Les mobilisations contre les expulsions de familles endettées continuent alors que le parlement espagnol essaie d’enterrer une initiative de loi défendue par les associations.
Les mains se lèvent, une vague de petits cartons verts s’agite. « Sí se puede« , Oui on peut, lit-on sur les pancartes. Ils en sont sûrs, ils pourront changer la loi et empêcher les expulsions des familles qui ne peuvent plus faire face à leurs crédits immobiliers.
Ce mercredi 17 avril au soir, serrés sur les bancs d’un amphithéâtre de l’université Complutense de Madrid, les activistes de la plateforme de défense des victimes du crédit (PAH) lancent une « Commission de la vérité ». Ils veulent savoir ce qui s’est passé durant les années de bulle immobilière, alors que les prix montaient et que les banques distribuaient allègrement les crédits sur trente ou quarante ans à des familles modestes qui se retrouvent aujourd’hui englouties sous les dettes. « Nous voulons établir les responsabilités, nous demanderons justice et réparation », avertit l’avocat Rafael Mayoral.
Cette commission de la vérité est créée dans un moment d’ébullition sociale, alors que le parlement de Madrid est en train de désamorcer l’initiative populaire de loi présentée par la PAH avec l’appui de plus de 1,4 millions de signatures, qui demandait un moratoire sur les expulsions immobilières, la possibilité de la dation en paiement pour solder les dettes, et la création d’un parc de logements sociaux destinés à la location.
Le nombre d’expulsions pourrait doubler cette années
Le parti populaire (conservateur) qui a la majorité absolue aux Cortes, s’est attaché depuis des semaines à vider cette proposition de loi de son contenu, rejetant tous les amendements défendus par les partis d’opposition, insensible à la colère de la rue, alors que selon un sondage du quotidien el Pais, 90% des Espagnols, estiment nécessaire une loi qui protègerait mieux le citoyen contre les banques. Car l’an dernier, plus de 30 000 familles ont été expulsées de leurs logements, et le nombre pourrait doubler encore cette année alertent les experts. D’autant que le pays est en pleine récession et que le chômage qui touche 26% de la population continue de grimper.
« Si tu me chasses de chez moi, je dormirai devant ta porte »
« Quand j’ai reçu les papiers d’avis d’expulsion, je ne savais pas quoi faire, j’étais au chômage, on m’a dit le plus simple c’est de donner les clés, j’ai obéi, raconte Gladys, qui à 34 ans a dû retourner vivre chez ses parents avec ses trois enfants. Le pire? C’est que l’appartement saisi s’est revendu à peine deux tiers du prix qu’elle l’avait acheté en 2007, elle doit encore aujourd’hui payer le crédit restant et les intérêts qui s’accumulent.
Le gouvernement de Mariano Rajoy a eu beau essayer d’apaiser les inquiétudes en aménageant la loi en place, les associations refusent de baisser la garde: ces modifications sont « purement cosmétiques ». A des années lumière du grand virage en matière de politique du logement qu’ils réclament.
En protestation contre l’enterrement de leur proposition de loi, les militants ont entrepris une campagne de « escraches« , des mini-rassemblements devant le domicile de dirigeants du parti populaire. Ils manifestent à coups sifflets et de slogans: « si tu me chasses de chez moi, je dormirai devant ta porte ».
« Le plus insupportable, c’est qu’il y a des millions de logements vides dans ce pays et que ces banques qui nous expulsent sont souvent celles qui ont été sauvées par le l’argent public »
« Le PP essaie de soigner le cancer avec de l’aspirine », critique Vicente Perez, responsable de l’urbanisme de la fédération des associations de quartier. « Il ne n’agit plus de demander aux banques de respecter un codes de bonnes pratiques qu’elles ignorent, dit-il. Nous ne voulons pas d’une aide provisoire. »
« Le plus insupportable, c’est qu’il y a des millions de logements vides dans ce pays et que ces banques qui nous expulsent sont souvent celles qui ont été sauvées par le l’argent public », s’indigne Silvia, militante venue avec sa pancarte verte manifester jeudi 18 devant le parlement contre l’enterrement de la loi.
L’Andalousie ouvre une brèche
D’autant, rappelle-t-elle, qu’en février, une sentence du tribunal de justice européen allait dans le même sens, en critiquant la loi espagnole sur le crédit, qui impose des clauses abusives et privilégie les intérêts des banques face au droit des personnes.
Il y a quelques jours, le parlement andalou ouvrait une brèche. La région gouvernée par les socialistes en coalition avec les communistes d’Izquierda Unida, a mis en place une série de « mesures pour assurer la fonction sociale du logement », qui débouche sur l’histoire de l’expulseur expulsé: La région retire à la banque durant trois ans l’usufruit des logements saisis, pour reloger les familles les plus vulnérables.
« C’est une première vraie bonne nouvelle, que nous attendions depuis cinq ans, salue Ada Colau, l’une des fondatrices de la plateforme de défense des victimes du crédit : Reste à savoir si le gouvernement central va en permettre l’application. »
Source : l’express.fr