TROUBLES GRAVES À NOTRE DAME DES LANDES : PROVOCATEURS ?
Les opposants dépassés à Notre-Dame-des-Landes
Récit Des heurts ont eu lieu hier sur le site du futur aéroport. Les militants de la première heure déplorent l’action de radicaux éloignés de leur cause.
Dans la voix de Julien Durand, 66 ans, producteur laitier à la retraite et opposant de toujours au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, la colère le dispute à l’amertume. «C’est de la provocation ! Une petite équipe de manipulateurs tente de faire dégénérer le mouvement d’opposition !» s’insurge-t-il. Des affrontements se sont à nouveau produits, hier, sur le site du futur aéroport de Nantes, après plusieurs mois de trêve hivernale et alors qu’une journée de remise en culture des terres s’était déroulée samedi sous forme de manifestation joyeuse et pacifique pour fêter le printemps. Trois gendarmes ont été légèrement blessés ; et il y aurait trois blessés parmi les manifestants, selon ces derniers.
«Discrètes». Les heurts ont éclaté très tôt hier, non loin du carrefour dit de Fosses-noires. Un lieu jugé stratégique dans la zone d’aménagement différé (la ZAD), que les forces de l’ordre occupaient depuis fin novembre, mais qu’elles avaient quitté vendredi, à la veille de la manifestation. «Les forces de l’ordre s’étaient faites discrètes samedi pour l’opération baptisée « Sème ta ZAD », confirme Julien Durand, également porte-parole de l’Association des citoyens opposés à l’aéroport (Acipa). Et tout s’est bien passé, dans la bonne humeur. Mais dimanche matin, lorsque nous sommes retournés sur place pour pique-niquer et tenir l’assemblée générale des comités de soutien, nous avons constaté qu’une petite équipe de radicaux avait commencé à percer la route et à édifier des chicanes.» Les opposants historiques ont alors tenté d’expliquer que cette route, la seule restant en circulation libre dans la ZAD, est indispensable au travail des riverains et des paysans. «Manipulés par quelques agitateurs irresponsables, ils n’ont rien voulu entendre», déplore le porte-parole.
Pour expliquer les heurts d’hier, les manifestants affirment que les gendarmes ont voulu reprendre leur position au carrefour. De leur côté, la préfecture et les forces de l’ordre avancent que leurs hommes ont été pris à partie et ont riposté. Effectuant plusieurs charges précédées de sommations, puis de tirs nourris de grenades lacrymogènes, les gendarmes ont essuyé des tirs de cailloux et de cocktails Molotov, selon des journalistes de l’AFP. Hier après-midi, ils contrôlaient de nouveau le carrefour de Fosses-noires. «Les forces de police ont été l’objet de provocations et puis cela a dégénéré», tranche Julien Durand. «Ils étaient là pour agresser des gendarmes, assurait aussi, hier, le colonel Frédéric Boudier, commandant du groupement de Loire-Atlantique. Un gendarme mobile a été bousculé par un groupe dans un fossé, il a fait l’objet d’un jet à tir tendu et à bout portant d’un cocktail Molotov alors qu’il se trouvait à terre.»
«Dialogue». Julien Durand – qui mène la fronde depuis 1973 – veut faire le lien entre les opposants historiques et les squatteurs arrivés il y a quelques années sur le site. Selon lui, le groupe d’extrémistes à l’origine des affrontements n’a rien à voir avec les opposants de la première heure. L’Acipa condamne ces «comportements violents et inutiles qui vont entraver l’amorce de dialogue qui se dessinait avec les pouvoirs publics». Dans un communiqué, le préfet de Loire-Atlantique, Christian de Lavernée, a lui aussi regretté ces incidents qui interviennent alors qu’il engage des discussions «avec les différentes catégories d’opposants au projet, pour évoquer les modalités de mise en œuvre des préconisations des différentes commissions qui ont rendu leurs conclusions la semaine dernière».
Les opposants avaient d’autant plus retrouvé espoir que les rapports commandés à trois commissions par le gouvernement, remis mardi dernier, s’étaient révélés plutôt de bon augure pour leur combat. La commission de dialogue, celle scientifique sur la compensation des zones humides et la commission agriculture demandaient en effet chacune des aménagements substantiels au projet de plateforme aéroportuaire qui doit remplacer l’actuel aéroport Nantes-Atlantique.
Selon Julien Durand, ces instances ont validé «nombre des arguments développés par les opposants depuis le débat public en 2003», notamment sur les infractions potentielles au droit environnemental et sur les chiffrages des terres agricoles amenées à disparaître. «Nous avions réussi à retrouver une vie plus calme à Notre-Dame-des-Landes et nous allions aborder plus sereinement l’avenir. Maintenant, on repart de zéro à cause d’une poignée d’activistes irresponsables !» regrette-t-il.
Par ELIANE PATRIARCA
Source : libération.fr
Nota : ils semblerait que les affrontements continuent, mais nous attendons les infos.