S’initier à l’agroécologie : mode d’emploi
Comment apprendre à se passer de pesticides, à dépenser beaucoup moins d’eau, à planter en hiver sans chauffer ses serres, à semer sans payer de redevances à l’agrobusiness, tout en produisant ce que l’on souhaite pour se nourrir. Visitez avec nous la ferme expérimentale de l’association Terre et Humanisme, installée au cœur de l’Ardèche, véritable laboratoire des techniques agroécologiques. Reportage et vidéos.
Un climat rude, des terres arides, criblées de roches. Un sol si difficile à travailler que « les anciens n’y faisaient pousser que de la vigne ». C’est là, au cœur de l’Ardèche, entre Aubenas et Alès, que l’association Terre et Humanisme a décidé d’installer sa ferme expérimentale, le mas de Beaulieu. Depuis 1994, ses animateurs, influencés par le travail du « paysan philosophe » Pierre Rabhi [1], y explorent les chemins de l’agroécologie. Leur défi : restaurer la fécondité et la fertilité de ces sols desséchés.
« C’est dans ce milieu géologique et climatique difficile qu’on apprend le plus de choses », sourit Erik, agronome, en charge des jardins potagers de la ferme. L’agroécologie, c’est tout le contraire de la recherche pratiquée en laboratoire sur les plantes et semences, à coup de manipulations génétiques, de chimie, de pesticides ou de radiations (voir notre dossier sur le sujet). Ici ce n’est pas la terre, la faune et la flore qui sont sommées de s’adapter aux pratiques industrielles. Ce sont les manières de semer, de cultiver et de travailler qui prennent en compte les variations climatiques et les spécificités géologiques. Et cela fonctionne.
4 fois moins d’eau que dans l’agriculture intensive
En terme de rendements, la production maraîchère du mas de Beaulieu n’a rien à envier aux productions intensives classiques. Sans recourir aux pesticides ni aux engrais chimiques, en s’appuyant quasi exclusivement sur les énergies renouvelables et tout en puisant « 3 à 4 fois moins d’eau que ce que détermine la chambre d’agriculture comme besoin en eau pour ce type de culture », explique Pierre-François Pret, directeur de l’association.
Les deux tonnes de fruits et de légumes produits par an alimentent les 5 000 repas servis aux visiteurs : la ferme accueille 175 stagiaires et 150 bénévoles chaque année. « Des paysans, des maraîchers, des autoentrepreneurs ou des structures associatives qui proposent ensuite des prestations en jardins partagés ou leurs propres formations », détaille Pierre-François Pret. Ici, point de brevets, de droits de propriété, ou de « certificats d’obtention végétale ». Tout se partage, tout se transmet.
De l’Ardèche au Sahel
Via les formations longues et les stages, l’agroécologie essaime, lentement mais sûrement. « On commence à intervenir dans les lycées agricoles », précise Pierre-François. Terre et Humanisme cultive également la solidarité internationale [2]. Elle travaille en particulier avec des paysans africains au Sahel ou au Cameroun. Là-bas aussi les techniques agroécologiques permettent de s’adapter et de produire là où une mise en culture classique flétrirait. Et ce qui est possible au Sahel est transposable au nord de la Méditerranée.
« On milite aussi pour le retour à une agriculture créatrice d’emplois, avec des circuits courts », rappelle celui qui a été agronome pendant vingt ans en Afrique, d’Action contre la faim à la Commission européenne en passant par le Gret, qui regroupe « des professionnels du développement solidaire ». L’expérience, menée sans aucune aide publique (800 000 euros de budget, 12 salariés) est principalement financée par le livret Agir du Crédit coopératif [3], par les formations et les dons.
Autour du mas de Beaulieu, le sol s’est transformé, la terre s’est enrichie. Rien à voir avec la parcelle voisine, de l’autre côté de l’asphalte, sèche et poussiéreuse. Nous vous proposons une visite en ligne de ce laboratoire de l’agroécologie, en compagnie d’Erik, agronome et salarié de Terre et Humanisme. Ou comment s’initier aux pratiques du compost, du paillage, à la phytoépuration, et apprendre à faire pousser des tomates en plein hiver sans recourir à une source d’énergie externe [4].
Étape n° 1
Transformer épluchures et feuilles mortes en terreau : le compost
Étape n° 2
Chauffer sa serre en plein hiver sans dépenser d’énergie
Étape n° 3
Protéger et restaurer les sols sans engrais chimiques : le paillage
Étape n° 4
Irriguer en utilisant quatre fois moins d’eau que son voisin
Étape n° 5
Produire ce que l’on souhaite en protégeant la biodiversité
Étape n° 6
Assainir et recycler ses eaux grises grâce aux plantes : la phytoépuration
Etape n°7
L’agroécologie, une démarche éthique globale ?
Texte : Ivan du Roy
Images : Agnès Rousseaux
Montage : Marie-Caroline Durier
Notes
[1] Lire notre entretien.
[2] Voir le site de Terre et Humanisme.
[3] Pour plus de renseignements sur la carte Agir.
[4] Avis aux maraîchers bretons qui surchauffent leurs serres de tomates.
bastamag.net