NOTRE PEAU FABRIQUE UN ANTIBIOTIQUE PUISSANT
«Dermicidine»: souvenez-vous de son nom. C’est celui donné à une molécule naturellement élaboré par la peau. On vient de découvrir qu’elle a une action potentielle contre de nombreuses bactéries gravement pathogènes pour l’homme. D’où l’espoir de l’utiliser comme un nouvel antibiotique. Explications.
C’est une équipe de scientifiques travaillant dans différents pays européens qui vient d’en faire la découverte, découverte qui pourrait avoir de considérables conséquences et, peut-être, permettre de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la recherche pharmaceutique. Cette dernière se révèle incapable de mettre au point de nouveaux antibiotiques tandis que les germes bactériens trouvent de nouveaux moyens de résister aux antibiotiques actuels qui perdent ainsi progressivement en efficacité. Le travail de ces chercheurs vient d’être publié dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS). On en trouvera un résumé ici.
Nous sommes, comme de très nombreux êtres vivants, régulièrement exposés à l’action nuisible des bactéries et champignons microscopiques et nous luttons contre ces germes en produisant naturellement de petites molécules (des peptides) qui ont une action à la fois large et d’une efficacité réelle quoique parfois bien modeste. On a identifié environ mille sept-cents de ces molécules d’auto-défense dont on connaît encore bien mal les mécanismes d’action. Pour certains, il s’agit là d’un réservoir dans lequel il sera peut-être possible de puiser et d’exploiter une nouvelle génération de médicaments antibiotiques.
Microscopiques grenades dégoupillées
Les chercheurs ont ici choisi de travailler sur une molécule découverte en 2001 par Birgit Schitteck et ses collaborateurs de l’université de Tübingen. Ce travail avait alors été publié dans la revue Nature Immunology. Il s’agit d’un peptide anti microbien uniquement présent dans la sueur. On imagina d’emblée que cette molécule (un peptide de 47 acides aminés de long) pouvait avoir un vaste rayon d’action. On découvrit aussi que la dermicidine était produite par les glandes sudoripares, sécrétée dans la sueur puis transporté à la surface de la peau après avoir subi quelques modifications de structure qui la rendait active. Une microscopique grenade dégoupillée en somme, à des dizaines de millions (ou plus) d’exemplaires. Son action antimicrobienne avait aussi été progressivement démontrée contre des bactéries (Escherichia coli, Enterococcus faecalis, Staphylococcus aureus) ou encore contre des champignons microscopiques (Candida albicans).
Bacille de Koch et staphylocoque doré résistants
La publication d’aujourd’hui marque une étape de plus. Elle correspond à un décryptage complet de sa structure (inhabituellement longue, perméable et adaptable) et de son mode de production et d’action au travers et sur la peau. A ce titre elle constitue un précieux modèle pour concevoir de nouveaux médicaments antibiotiques. Activée dans un milieu salé et légèrement acide comme la sueur cette molécule ouvre de minuscules canaux dans la membrane cellulaire. Puis elle reste stabile et activée grâce aux micro-particules chargées de zinc présentes dans la sueur. De ce fait, l’eau et les particules chargées lui permettent de traverser la membrane des germes pathogènes. La dermicidine est aussi capable de s’adapter à des types très variables de membranes; ce qui suggère une efficacité de type antibiotique à large spectre, capable de lutter efficacement contre bactéries et champignons.
Ce composé naturel est notamment actif contre de nombreux agents pathogènes connus comme Mycobacterium tuberculosis ou Staphylococcus aureus dont la résistance comme la «multi-résistance» ne cessent de gagner du terrain.
Les scientifiques ont pu déterminer la structure atomique de la chaîne moléculaire, une structure inhabituellement longue, perméable et adaptable, qui représente donc une nouvelle classe de protéines. Ils espèrent que ses résultats pourront contribuer au développement d’une nouvelle classe d’antibiotiques capable de venir à bout des résistances. «Notre corps produit des substances efficaces pour repousser les bactéries, les champignons et les virus, expliquent les chercheurs dirigés par Kornelius Zeth (Université de Tübingen).
Maintenant que nous en connaissons le fonctionnement, nous pouvons utiliser ces antibiotiques naturels pour venir en aide aux antibiotiques conventionnels».
SOURCE : Planetesante.ch