LISBONNE – Portugal: la Cour constitutionnelle sanctionne l’austérité
LISBONNE – Le gouvernement portugais a subi vendredi un sérieux revers de la part de la Cour constitutionnelle qui a rejeté plusieurs mesures du budget de l’Etat pour 2013, élément clé du plan de sauvetage négocié avec les créanciers internationaux du pays.
La Cour constitutionnelle a jugé non conforme à la Loi fondamentale la suppression des 14e mois de salaires versés aux fonctionnaires et aux retraités, ainsi qu’une mesure instaurant un prélèvement sur les allocations chômage et maladie, a annoncé son président Joaquim Sousa Ribeiro dans une déclaration à la presse.
«Ce sont les lois qui doivent se conformer à la Constitution et non pas l’inverse», a-t-il déclaré en précisant que la décision de la Cour concernait l’ensemble de l’année et avait donc une valeur rétroactive.
La Cour constitutionnelle avait été saisie au début de l’année par le président Anibal Cavaco Silva, pourtant du même parti social-démocrate que le Premier ministre Pedro Passos Coelho, et par l’opposition de gauche.
Le verdict rendu par les juges, sans possibilité d’appel, met le gouvernement en difficulté car il complique singulièrement la réalisation de son objectif de ramener le déficit public à 5,5% du PIB à la fin de l’année, les mesures retoquées ayant un impact budgétaire net d’environ 860 millions d’euros, selon les estimations.
Il lui sera vraisemblablement difficile de compenser ce montant sans de nouvelles mesures d’austérité, d’autant plus qu’il s’est d’ores et déjà engagé à réduire les dépenses publiques de manière «permanente» à hauteur de 4 milliards d’euros d’ici 2015.
D’une rigueur sans précédent, le budget 2013, voté l’année dernière par le Parlement, est marqué par une hausse généralisée des impôts qui devait contribuer à 80% à un effort de 5,3 milliards d’euros dans le cadre du programme de rigueur négocié en contrepartie du plan de sauvetage de 78 milliards d’euros, accordé en mai 2011 par l’Union européenne et le Fonds monétaire international.
Crispation politique
Une nouvelle dose d’austérité risque toutefois de renforcer les critiques de l’opposition socialiste qui réclame une renégociation du plan d’aide. Elle risque aussi d’accroître le mécontentement populaire qui a culminé début mars quand des centaines de milliers de personnes ont manifesté à travers le Portugal contre la politique dictée par ses bailleurs de fonds.
Après la décision de la Cour constitutionnelle, M. Passos Coelho, selon divers commentateurs, pourrait procéder à un vaste remaniement ministériel. Un Conseil des ministres exceptionnel a d’ailleurs été convoqué pour samedi à 14H30 GMT.
Les décisions de la Cour risquent en outre de brouiller l’image du Portugal auprès des marchés au moment où le gouvernement, après avoir réussi fin janvier sa première émission de dette à moyen terme depuis sa demande d’aide internationale, envisage de réaliser son premier emprunt à 10 ans depuis son sauvetage financier.
Pour le gouvernement, la situation est d’autant plus délicate que les mesures d’austérité, qu’il met en oeuvre sous la tutelle de la «troïka» (UE-FMI-BCE) représentant ses créanciers, ont aggravé la récession tandis que le chômage frappe désormais près de 17% de la population active.
Tenant compte de ces difficultés, la «troïka» a allégé récemment les objectifs du gouvernement lui accordant jusqu’à 2015 pour ramener le déficit au dessous de la limite des 3% du PIB fixé par Bruxelles.
L’attente de la décision de la Cour a considérablement tendu le climat politique. Certains médias ont même avancé un scenario catastrophe selon lequel le Premier ministre pourrait démissionner, entraînant le pays dans des élections législatives anticipées au cas où les décisions de la Cour lui seraient trop défavorables.
La pression sur le gouvernement a été d’autant plus forte qu’il a dû faire face mercredi au Parlement à une motion de censure du Parti socialiste, la principale formation de l’opposition qu’il a néanmoins surmonté grâce à la confortable majorité dont il dispose à l’Assemblée.
M. Passos Coelho a également subi un autre revers avec la démission de son ministre adjoint Miguel Relvas, également en charge des Affaires parlementaires, qui a quitté ses fonctions après des mois de polémique sur l’obtention de son diplôme universitaire.