Délocalisation: risque de pénurie pour nos médicaments?

 

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MÉDICAMENTS – L’Académie nationale de Pharmacie tire la sonnette d’alarme. Les pénuries de médicaments se multiplient et ce phénomène est en augmentation partout dans le monde. L’Académie s’est penchée sur une des causes de ce phénomène et préconise un certain nombre de recommandations à la France.

Le constat est assez troublant

Depuis plusieurs années, les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments sont de plus en plus nombreuses. L’Académie nationale de Pharmacies a relevé que 5% des commandes de médicaments n’aboutissaient pas. L’ANSM a répertorié de son côté une centaine de médicaments dont l’approvisionnement est compliqué voire arrêté

A l’origine de ce phénomène inquiétant, plusieurs causes sont à déplorer: des médicaments devenus peu rentables, la pression engendrée par les appels d’offre publique, le défaut d’information des pharmaciens (liée à la volonté absurde de supprimer les visiteurs médicaux) mais aussi les délocalisations des matières actives. Et c’est sur ce dernier point que l’inquiétude est la plus vive.

En effet, 60% à 80% des matières actives à usage pharmaceutique sont fabriquées dans les pays tiers à l’Union européenne, principalement en Inde et en Asie, contre 20% il y a trente ans. Les matières actives sont l’ensemble des composants des médicaments possédant un effet thérapeutique.

En clair, c’est cette partie de chimie fine, ancien fleuron de notre industrie pharmaceutique européenne, qui permet aux médicaments de produire leurs effets. Pour exemple: pas un gramme de paracétamol, anti douleur le plus utilisé au monde, n’est encore produit en Europe depuis la fermeture de la dernière usine en 2008.

Ainsi, la première conséquence de cette délocalisation est simple: sans ces matières premières, pas de médicaments.

Cette dépendance est un problème, pourquoi?

Si les délocalisations doivent faire avec l’instabilité politique de ces nouveaux pays fabricants. En effet, en délocalisant ainsi, les laboratoires se retrouvent parfois face à des fournisseurs totalement monopolistiques dans la fabrication d’un principe actif.

Dans cet environnement, les risques d’arrêt de fabrication sont plus importants. En effet, il s’agit de pays où les dirigeants peuvent exercer un pouvoir politique et administratif important qui peut, du jour au lendemain, suspendre l’exploitation d’une usine et donc arrêter la chaîne de fabrication et d’expédition du fabrique actif.

Cette situation de dépendance offre également à ces États un moyen de pression sur les Européens et, en cas de désaccord politique profond, un outil de pouvoir. Cet arrêt d’envoi de médicaments aurait des conséquences désastreuses pour l’Europe qui se trouverait dans une situation de pénurie de médicaments dangereuse pour les patients.

Autre risque d’arrêt de production: leurs standards en matière d’hygiène-sécurité-environnement différents des standards européens. Ce constat amène à un autre problème causé par la délocalisation.

Autre élément d’inquiétude: la sécurité sanitaire

Les critères de qualité de nos médicaments sont drastiques en Europe. Les fabricants doivent respecter plus de 3000 normes et passer les contrôles réguliers des agences européennes et américaines. Si les récents scandales sont inquiétants, ils apportent néanmoins la preuve de l’efficacité des vérifications : un pays sans scandale est un pays sans vérifications…

En Chine par exemple un médicament passera par 5 fois moins de contrôles qu’en Europe. Il a été établi que 1 à 3% des produits en provenance des pays d’Orient fabricants présentent des défauts de qualité: une molécule qui n’est pas dans le médicament, une autre molécule présente causant un risque de toxicité… autant de risques sanitaires très alarmant.

Les recommandations de l’Académie nationale de Pharmacie

Devant ce constat, l’Académie nationale de Pharmacie préconise plusieurs recommandations. Elle demande à la France de faire un inventaire des produits sensibles, une liste élaborée avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) des médicaments essentiels à la santé publique. Elle recommande la relocalisation de certains sites industriels dans l’Union européenne, ainsi que la mise en place d’une inspection de qualité des sites situés en dehors de l’UE.

Ces mesures permettraient de limiter les risques de pénuries et de pouvoir disposer d’une solution en cas de crise. Hervé Gisserot, le président du Leem appelle l’ANSM à dresser la liste de ces « médicaments essentiels » et à travailler en étroite relation avec l’Académie Nationale de Pharmacie afin d’éviter des problèmes qui peuvent l’être.

14% des ruptures de stocks, chiffre en pleine augmentation, sont causées par une difficulté d’approvisionnement en matière première. Il est donc essentiel pour notre État d’agir et d’agir vite en répondant positivement aux recommandations de l’ANP.

 Julie Wiczeck pour le Huffington post.fr

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